La scène est devenue si familière qu’elle n’alarme plus grand monde, et surtout pas les responsables politiques: des bennes à ordures débordant de sacs poubelles dans les rues. Cette fois-ci, ce sont les cazas du Metn et du Kesrouan qui sont principalement touchés. La raison: une grève des ouvriers de la société Ramco, chargée du ramassage des ordures ménagères dans ces deux cazas pour le compte de l’État, en vertu d’un contrat avec le Conseil du développement et de la reconstruction (et d’une partie de Beyrouth par contrat avec la municipalité de la capitale). Et si les ouvriers sont en grève, nous apprend Walid Bou Saad, président de Ramco, c’est parce que le virement d’un paiement à la compagnie n’a toujours pas été effectué par la Banque du Liban, malgré la signature du ministre des Finances, et que la compagnie, gravement endettée selon lui, n’arrive plus à payer ses ouvriers. Beyrouth a été épargnée parce que la municipalité s’est acquittée de trois mois de paiement à l’avance, qui se terminent en février.
« Nous attendons que ce virement de 1,7 million de dollars décidé par le ministère des Finances soit débloqué par la BDL depuis novembre dernier, précise-t-il à L’Orient-Le Jour. En tout, nous avons présenté 11 factures à l’État d’un total de 20 millions de dollars, qui sont impayées à ce jour, puisque le dernier virement effectif date de février 2021. Le virement de novembre devait nous permettre de surnager et de payer au moins les salaires, même s’il reste insuffisant pour couvrir nos autres frais, comme l’achat de mazout pour les véhicules ou encore les pièces de rechange. »
Le retard dans le virement est confirmé par une source proche du dossier qui, comme M. Bou Saad lui-même, affirme n’avoir pas de réponse sur la raison de ce défaut de paiement jusque-là par la BDL. Contactée par L’OLJ, une source de la Banque du Liban dément que le blocage provienne de cette institution, nous invitant à « consulter le CDR et les municipalités ». Le ministre de l’Environnement Nasser Yassine était injoignable pour un commentaire sur cette nouvelle minicrise des déchets.
Des dollars en lollars
Concernant la crise découlant de ce défaut de virement, la source proche du dossier précitée estime que « d’éventuelles revendications des ouvriers et un virement bloqué sont deux affaires indépendantes l’une de l’autre ». « Peut-être que l’entrepreneur manque de liquidités pour payer ses employés », ajoute-t-elle. Walid Bou Saad confirme que Ramco manque de liquidités, mais il accuse l’État de l’avoir mis dans cette situation, démentant utiliser les ouvriers pour faire pression sur qui que ce soit. « La compagnie croule sous onze millions de dollars de dettes, il nous est impossible de continuer sans un déblocage de fonds de l’État », insiste-t-il.
Le président de Ramco rappelle qu’à la base, les entrepreneurs liés par un contrat avec le gouvernement étaient payés en livres libanaises sur base d’un contrat en dollars. Or avant la dévaluation de la livre (depuis fin 2019), le taux de change du dollar était fixe (à 1 515 LL) et il est resté immuable durant plus de 20 ans. Depuis que le taux de change fluctue sur le marché parallèle, et alors que les entrepreneurs étaient toujours payés au taux officiel, un arrangement a été trouvé entre les différentes parties pour que les paiements s’effectuent en lollars (dollars échangés dans les banques à 3 900 LL, puis 8000 LL, soit moins que sur le marché libre). « Cela signifie que les 1,7 million de dollars du virement qui n’a pas été effectué représentent en fait 400 000 dollars », souligne M. Bou Saad. La source précitée se demande de son côté si la BDL ne serait pas en faveur d’une modification de cet arrangement.
Quoi qu’il en soit, si la grève se poursuit, les rues resteront inondées de détritus pour les jours à venir, avec tous les risques sanitaires et les désagréments que cela suppose. « Le pire, c’est que l’on ne sent pas les responsables pressés d’intervenir pour mettre un terme à cette nouvelle crise », déplore M. Bou Saad, qui a publié récemment un communiqué demandant publiquement au CDR de lui trouver un remplacement durant le temps qui reste du contrat, qui expire en 2024.
C’est toute la république qui devrait être dans la benne à déchets, tous les politiciens sont des ordures non recyclables. Il faut juste s’en débarrasser
13 h 03, le 02 février 2022