Elle est rentrée cet été de la XIIIe Biennale de Florence auréolée du Prix Laurent le Magnifique (parmi 450 artistes venus de 75 pays) pour son œuvre intitulée Éclats de Beyrouth où elle témoigne des blessures profondes de la ville après la tragédie de la double explosion au port en 2020. Deux de ses toiles sont toujours accrochées sur les cimaises de la Biennale d’architecture de Venise. Depuis un quart de siècle, Mireille Goguikian revisite des villes de la Mare Nostrum, parfaitement méditerranéennes et libanaises dans leur architecture, avec une palette chatoyante. Quinze de ses plus récentes mégatoiles (allant de 3x3 m à 1x1 m), sous le titre « Voyage de l’âme », illuminent l’espace de la Kaf Art Gallery (rue Saint-Nicolas, Achrafieh) jusqu’au 5 février.
L’artiste, diplômée de l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA) et qui a entamé sa carrière en décrochant le prix du concours Bachir Gemayel en 1987 suivi du prix Samir Tabet en 1988, reprend aujourd’hui son « chant » laudatif des villes libanaises, de la côte à la montagne, en passant par les petits versants où les plus humbles hameaux prennent d’élégantes et de pittoresques allures citadines…
Sur ses toiles, des quartiers silencieux émergent avec leurs fines architectures florentino-vénitiennes, avec leurs tours d’acier et de béton, leurs maisons aux façades lisses ouvertes sur une mer aux reflets changeants et des touffes de bougainvillées, de « zinzalakhts » (le nom scientifique est Ailanthus altissima), de ficus gigantesques et autres flamboyants indomptables.
Plus d’une cinquantaine d’expositions entre Londres, Tokyo, Paris et Séoul ont jalonné le riche parcours de Mireille Goguikian, mais son point d’ancrage reste Beyrouth, sa ville de cœur. D’ailleurs, toutes ces villes, peintes à contre-jour, en plein Soleil ou sous un croissant de Lune argentée, apparaissent comme de lumineuses variantes de la capitale libanaise.
Dans ces toiles foisonnantes de détails, l’on découvre un mélange astucieux et joyeux, parfois frénétique, de sourdes ou douces tonalités. Un mélange où grouille, plein de ferveur, d’attente, d’indifférence ou simplement de fatalité, une vie insoupçonnable, invisible, mais tout à fait tangible.
Zinzalakht = Melia azedarach (et non Ailanthus altissima)
06 h 36, le 02 février 2022