« Le Hezbollah nous empêche de vivre avec dignité au Liban, en resserrant l’étau contre nous à travers des foutaises, à savoir la doctrine de la résistance (…). » Il a suffi que le responsable de la communication des Forces libanaises, Charles Jabbour, tienne ces propos lors d’une interview télévisée en fin de semaine pour qu’éclate un nouvel épisode de la guéguerre politique et électorale entre le parti de Samir Geagea et celui de Hassan Nasrallah.
Les relations entre le parti chrétien et le parti chiite, aux positionnements diamétralement opposés, n’ont jamais été bonnes. Le Hezbollah et son arsenal sont la cible régulière d’attaques verbales de la part du chef des FL, Samir Geagea, qui dit « lutter pour la souveraineté du Liban ». Quant au parti de Dieu, il accuse la formation chrétienne d’être soumise à l’Arabie saoudite, bête noire de la formation pro-iranienne, et d’exécuter son projet politique au Liban. Lors des affrontements de Tayouné, le 14 octobre dernier, ce bras de fer politique avait pris une tournure plus violente : ce jour-là, des accrochages avaient opposé des miliciens affiliés au tandem chiite Amal-Hezbollah à des éléments proches des FL, faisant plusieurs morts et blessés. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait, dans la foulée de ces incidents, lancé une mise en garde à M. Geagea, l’appelant à ne pas faire de « mauvais calculs » en s’opposant à son parti, qui peut compter sur « 100 000 combattants armés et entraînés ».
Plus de trois mois plus tard, ces accrochages sont encore au centre de la bataille entre les deux partis. S’exprimant dimanche au Liban-Sud, le numéro 2 du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem, a déclaré sans ambages : « Nous avons tué dans l’œuf la discorde confessionnelle lors du massacre de Tayouné que les FL ont perpétré pour nous mener vers la guerre civile. » « Nous savons que les FL sont un groupe qui a une histoire remplie de crimes et de meurtres de membres de leur communauté et de leur propre pays », a-t-il martelé. Presque au même moment, Samir Geagea renouvelait ses diatribes contre le parti chiite et son allié chrétien de longue date, le Courant patriotique libre (CPL) de Gebran Bassil, son principal rival sur la scène chrétienne. S’exprimant dimanche devant ses partisans du Kesrouan, le leader des FL a déclaré que « tout vote qui irait au CPL et au Hezbollah signifierait une prolongation de la douleur » du Kesrouan.
Calculs électoraux
C’est sous l’angle de ces discours tenus par les deux formations ennemies, jouant sur la fibre communautaire dans la perspective des législatives de mai, qu’il conviendrait d’appréhender la campagne contre Charles Jabbour. Ce dernier fait, depuis samedi, l’objet de plusieurs attaques sur les réseaux sociaux. Ce sont notamment les partisans du Hezbollah qui s’en sont pris au porte-parole des FL, lui adressant des insultes et des menaces de mort. De leur côté, plusieurs instances islamiques et tribales ont appelé l’État à déférer l’intéressé devant la justice pour avoir porté atteinte aux « sacralités de la communauté chiite », selon les termes de tribus de Baalbeck. Parallèlement, plusieurs figures hostiles au parti chiite se sont solidarisées au journaliste FL, faisant assumer au Hezbollah la responsabilité de tout danger qu’il pourrait encourir. « Je poursuivrai ma lutte politique en dépit des menaces et des insultes que je reçois via Whatsapp », commente Charles Jabbour, interrogé par L’OLJ. Il se dit conscient que la polémique dépasse sa personne, et qu’elle est porteuse d’un message politique et électoral à son parti. « Le Hezbollah a besoin d’un ennemi local avant les législatives et les FL sont sa cible idéale dans la mesure où elles sont au centre de la lutte pour la souveraineté », estime-t-il.
Fayçal Abdel Satter, analyste proche du Hezbollah, s’attend à ce que les deux partis exploitent ce genre de querelles lors des législatives, notamment dans les circonscriptions où ils seront amenés à s’affronter, comme Baabda, Jbeil et Baalbeck-Hermel, grand fief de la formation chiite, où les FL sont parvenues lors du scrutin de 2018 à décrocher un siège maronite, celui d’Antoine Habchi.
C’est également sous un angle électoral que Joseph Bahout, directeur de l’Institut Issam Farès à l’Université américaine de Beyrouth, perçoit la querelle qui « devrait profiter aux deux partis » . « Les FL veulent s’affirmer comme le fer de lance de la bataille contre le Hezbollah », souligne l’analyste. Le Hezbollah veut lui aussi attirer le plus large électorat en jouant la carte confessionnelle, ajoute-t-il, ce qui pourrait profiter aux aounistes.
commentaires (15)
"Ce sont notamment les partisans du Hezbollah qui s’en sont pris au porte-parole des FL, lui adressant des insultes et des menaces de mort." Evidemment! C'est leur seule façon de résoudre les problèmes: insultes et menaces de mort!
Georges MELKI
10 h 23, le 02 février 2022