Le président du Conseil exécutif du Hezbollah, Hachem Safieddine, a appelé mercredi l'Arabie saoudite à "arrêter de nuire au Liban", l'accusant de vouloir "monter les Libanais les uns contre les autres"et critiquant les "intimidations saoudiennes" au Liban et dans la région. Des propos virulents qui interviennent au moment où Beyrouth tente de rétablir ses relations avec Riyad et de faire face à une nouvelle escalade des tensions après des déclarations du secrétaire général du parti pro-iranien, Hassan Nasrallah. Celui-ci avait dernièrement accusé le royaume d'être un État "terroriste". Ses propos avaient poussé le Premier ministre Nagib Mikati et le chef de l’État Michel Aoun à se démarquer.
"L'Arabie saoudite doit arrêter de nuire au Liban", a encore lancé Hachem Safieddine au cours d'une conférence organisée par le Hezbollah en soutien à l'opposition au régime des Saoud, insistant sur le fait que la résistance ne peut être "soumise à l'argent ni à toute menace politique". Le responsable chiite a dans ce contexte appelé le royaume saoudien à "cesser de mener sa politique d’intimidation dans le monde arabe et islamique", estimant qu'il "ne peut agir comme les pharaons même s'il possède de l’argent". "L’Arabie saoudite est appelée à ne pas intervenir en imposant ses points de vue au Liban", a-t-il encore déclaré, l'accusant de "faire obstruction, sanctionner et menacer". "C'est une ingérence flagrante dans le pays", a-t-il renchéri, appelant le royaume wahhabite à "ne pas monter les Libanais les uns contre les autres et les inciter à la haine".
La réponse saoudienne
Réagissant promptement à ces déclarations, l'ambassadeur d'Arabie saoudite au Liban, Walid Boukhari, a accusé dans un tweet le Hezbollah de "ne pas prendre en considération les douleurs et espérances du peuple libanais frère, en niant la vérité". Il a dénoncé le fait que le parti chiite se considère comme "supérieur à l’État" libanais. L'ambassadeur a encore écrit, dans un second message, que les discours de "sédition et division" ne peuvent avoir "aucune légitimité". Jeudi dernier, le diplomate avait estimé que le parti chiite représente "une menace à la sécurité" régionale et appelé les autorités libanaises à "mettre fin à l’hégémonie du Hezbollah sur tous les aspects de l’État".
Outre la virulence des propos de Hachem Safieddine, l'organisation par le Hezbollah de cet événement en soutien à l'opposition saoudienne, à une date commémorant l'exécution de l'imam chiite Nimr al-Nimr, considéré comme une figure de la contestation saoudienne, fait craindre une nouvelle escalade des tensions entre Riyad et le parti pro-iranien. En décembre, l'organisation d'une conférence à Beyrouth par le principal groupe d’opposition chiite de Bahreïn, al-Wifaq, un mouvement dissous par les autorités et qui entretient des relations étroites avec le Hezbollah, avait déjà provoqué une vague d'indignation dans le Golfe et obligé les autorités libanaises à prendre des mesures contre de tels événements, allant jusqu'à ordonner l'expulsion du Liban ses organisateurs.
Autant de facteurs qui portent davantage atteinte à un rétablissement rapide des relations diplomatiques et économiques entre Beyrouth et les monarchies du Golfe. En effet, si les autorités libanaises tentent de calmer le jeu, le Hezbollah ne semble pas disposer à se laisser faire et a multiplié dernièrement ses sorties contre le régime saoudien. Répondant dans un discours au roi Salmane, qui dénonçait une fois de plus la mainmise du parti chiite "terroriste" sur l’État libanais, Hassan Nasrallah avait accusé dans son dernier discours Riyad de diffuser une idéologie terroriste dans la région et d'avoir participé à la création du groupe jihadiste État islamique.
Le "jeu du dollar"
C'est dans la foulée de ces déclarations hostiles au royaume wahhabite que, plus tôt dans la journée, le vice-président du Conseil exécutif du Hezbollah, le cheikh Ali Daamouche, avait dénoncé "un ciblage continu contre le Hezbollah de la part des administrations américaines et saoudiennes et de leurs outils sur la scène locale", au cours d'une cérémonie organisée à Aramoun, à l'occasion de la deuxième commémoration de l'assassinat en Irak du général iranien Kassem Soleimani par une frappe de drone américaine. "Cela ne changera pas les convictions de nos partisans vis-à-vis de la Résistance (...)", a-t-il assuré. Pour le cheikh Daamouche, "le jeu du dollar est un jeu politique, une guerre financière et économique qui a pour but d'accabler les Libanais et de faire pression sur eux pour changer leurs choix politiques et électoraux, à travers le poids de la faim, de l'inquiétude et de la peur de l'avenir".
Depuis le début de la crise économique et financière au Liban à l'été 2019, la livre libanaise a perdu plus de 95% de sa valeur, l’État se montrant incapable de stopper cet effondrement de sa monnaie ou encore d'en traiter les causes. Entre-temps, 74% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté, selon les Nations unies.
commentaires (19)
Encore une fois, c'est un autre exemple flagrant prouvant que le Hezbollah est au-dessus et plus fort que l'État (ou ce qu'il en reste).
Tony BASSILA
20 h 21, le 13 janvier 2022