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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

Tahani el-Gebali, la juge vedette qui faisait le bonheur du régime égyptien...

Après plusieurs décennies au cœur du système politico-judiciaire, la première femme juge d’Égypte s’en est allée dimanche, à l’âge de 71 ans, des suites du Covid-19.

Tahani el-Gebali, la juge vedette qui faisait le bonheur du régime égyptien...

L’ancienne avocate et juge Tahani el-Gebali, en août 2013. Capture d’écran tirée d’une vidéo YouTube

Elle était la coqueluche des médias. Elle parlait fort et savait se faire entendre dans un monde d’hommes. Tahani el-Gebali était une exception dans le paysage médiatique égyptien. Juge vedette qui cultivait la polémique, porte-parole d’un certain féminisme d’État et pivot du système contre-révolutionnaire : elle était un peu tout cela à la fois. « Elle n’était pas comme les autres juges, elle était une figure publique dont la mort a secoué l’ensemble du pays », résume Maged Mandour, analyste politique indépendant sur l’Égypte.

Tahani el-Gebali, première femme nommée juge en Égypte, s’en est allée à l’âge de 71 ans, dimanche 9 janvier, des suites du Covid-19, après plusieurs décennies au cœur du système judiciaire, mais aussi politique. Son décès marque une perte de taille pour le régime du président Sissi qui avait su exploiter l’influence de la juge afin de promouvoir son propre agenda, amenant le ministre de la Culture Enas Abd el-Dayem à regretter le départ de l’une des figures « les plus importantes » parmi les gardiens de la loi.

Pour comprendre ce qu’elle a représenté, il faut revenir sur son long parcours d’avocate à juge, jalonné d’étapes symboliques reflétant l’état du pays. Dans l’esprit des Égyptiens et des Égyptiennes, elle est avant tout la première femme à être devenue juge dans l’histoire moderne. Après avoir rejoint l’Arab Lawyers Union, puis le comité directeur du syndicat des avocats égyptiens, elle reçoit la consécration suprême : en 2003, elle est propulsée à la tête de la Cour suprême constitutionnelle, plus haute autorité judiciaire du pays, suite à un décret présidentiel du chef de l’État en personne, Hosni Moubarak, qui la nomme vice-présidente.

« Contrairement à la plupart des juges, elle n’a pas débuté sa carrière au service du judiciaire mais en tant qu’avocate. Et pendant 30 années, son nom a été associé à un certain nombre de controverses… » explique Yasmine Omar, avocate égyptienne spécialisée dans les droits de l’homme. Signe de l’ultrapolitisation du système judiciaire, c’est son empreinte politique bien plus que son héritage judiciaire qui marquera les esprits. « Je ne me souviens d’aucune opinion ou décision légale particulièrement intéressante, mais elle était devenue célèbre pour ses sorties sur les dossiers et événements politiques », poursuit cette dernière. Sur un plateau de télévision, elle déclare par exemple que « tout citoyen affirmant être affilié aux Frères s’expose à une arrestation ».

Coup d’État juridique

Considérée comme une proche de Hosni Moubarak avant la révolution de 2011, elle devient par la suite un « soutien du statu quo militaire », note Maged Mandour. « Du début à la fin, elle a toujours été dans le camp des contre-révolutionnaires », poursuit ce dernier. « Elle n’hésitait pas à clamer haut et fort ses opinions politiques, et à ce titre elle a joué un rôle important dans la polarisation postrévolutionnaire du pays. Elle avait par exemple insinué que Barack Obama était impliqué dans le financement des Frères musulmans », se souvient Yasmine Omar.

Mais le poids politique de la juge va bien au-delà de cette « politique de la petite phrase ». Bien que membre du Parti nassériste arabe démocratique, considéré comme un parti de gauche laïc d’opposition, elle « ne s’est jamais opposée à l’appareil d’État », explique Yasmine Omar. Ce serait même plutôt le contraire. Tahani el-Gebali a joué un rôle central en 2012, au moment du bras de fer entre Frères musulmans et militaires. Grâce à son influence, elle œuvre pour que les militaires ne cèdent pas le pouvoir aux autorités civiles élues avant l’adoption d’une nouvelle Constitution. La Cour suprême constitutionnelle qu’elle copréside émet alors une décision qui autorise les militaires à dissoudre le Parlement élu – le premier de l’histoire du pays – tout en les autorisant à superviser la rédaction d’une nouvelle Constitution. Certains accusent alors un « coup d’État juridique ».

Ce niveau d’influence, la juge le doit à sa proximité avec les hautes sphères de l’État, mais aussi à son statut de femme à l’heure où l’ancien régime avait tenté de mettre en scène un certain libéralisme. « Sa nomination à la Cour constitutionnelle est le résultat de son amitié étroite avec Suzanne Moubarak (épouse de l’ancien président, dont elle était l’avocate personnelle, NDLR), elle-même très active dans les cercles féministes… » observe Yasmine Omar. « En 2003 (année de la nomination à la Cour suprême), le régime était dans une position difficile à cause de son soutien à la guerre en Irak. De larges manifestations ont fait irruption, et afin de regagner en popularité, Moubarak avait alors essayé de se montrer progressiste sur le plan politique en promouvant les droits des femmes », poursuit cette dernière.

Dans le même temps, cette stratégie permet au régime de Moubarak – puis de Sissi qui reproduit la méthode en octobre dernier en nommant 98 femmes à des positions au sein du Conseil d’État – de se distinguer des islamistes. « Même si les femmes étaient opprimées sous l’ère Moubarak, certaines étaient sélectionnées pour occuper des positions de pouvoir afin de vendre l’idée que le régime est laïc et de se façonner une image à l’opposé de celle des islamistes... même si, dans le fond, la situation des femmes ne s’améliorait pas », fait remarquer Maged Mandour. De Moubarak à Sissi, l’ancienne juge a été pendant des décennies le visage d’un féminisme de façade vidé de son contenu.

Elle était la coqueluche des médias. Elle parlait fort et savait se faire entendre dans un monde d’hommes. Tahani el-Gebali était une exception dans le paysage médiatique égyptien. Juge vedette qui cultivait la polémique, porte-parole d’un certain féminisme d’État et pivot du système contre-révolutionnaire : elle était un peu tout cela à la fois. « Elle n’était pas...

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"la laïcité" est un concept maçonnique intraduisible, même en Français. C'est un malentendu intraduisible, sinon une hérésie anti catholique surtout et d'abord. Il y a la Religion chrétienne qui entend rendre à César ce qui est à César, témoignant de La Vérité du Christ, sans imposer de codes juridiques, mais en proposant une conduite de vie, une sainte morale pour le bonheur de tous et le Salut de chacun, épuré de toutes sourates haineuses et dangereuses. Et le reste, toutes ces idéologies plus ou moins totalitaires et corrompues, héritières mal fagottées et exotiques de la Révolution anti française et de sa Terreur Républicaine, matrice de tous les totalitarismes, dont le bassisme, le panarabisme,... et génocides, à commencer par celui des Français de Vendée et d'ailleurs puis celui des Arméniens commandé par ce mouvement "islamo-laïc" des Jeunes Turques. La laïcité à la mode arabe c'est de l'islamo-nationalisme, comme le sont les autres mouvement islamistes. Il n'y a que l'emballage qui change, l'intérieur c'est toujours l'Islam.

Nicolas ZAHAR

17 h 51, le 13 janvier 2022

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Commentaires (1)

  • "la laïcité" est un concept maçonnique intraduisible, même en Français. C'est un malentendu intraduisible, sinon une hérésie anti catholique surtout et d'abord. Il y a la Religion chrétienne qui entend rendre à César ce qui est à César, témoignant de La Vérité du Christ, sans imposer de codes juridiques, mais en proposant une conduite de vie, une sainte morale pour le bonheur de tous et le Salut de chacun, épuré de toutes sourates haineuses et dangereuses. Et le reste, toutes ces idéologies plus ou moins totalitaires et corrompues, héritières mal fagottées et exotiques de la Révolution anti française et de sa Terreur Républicaine, matrice de tous les totalitarismes, dont le bassisme, le panarabisme,... et génocides, à commencer par celui des Français de Vendée et d'ailleurs puis celui des Arméniens commandé par ce mouvement "islamo-laïc" des Jeunes Turques. La laïcité à la mode arabe c'est de l'islamo-nationalisme, comme le sont les autres mouvement islamistes. Il n'y a que l'emballage qui change, l'intérieur c'est toujours l'Islam.

    Nicolas ZAHAR

    17 h 51, le 13 janvier 2022

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