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Nos Lecteurs ont la Parole

Un cri en décadence

Si la nuit est maudite, la vie, quant à elle, est suicidaire. Elle prend l’âme dans ses tentacules unilatéraux et baise ses joues de ses dents de vampire en peignant les mèches de sa chute icarienne… Une chute dans la gorge du temps.

Je me demande bien, à cet âge ingrat où l’on est, si les réflexions pensives méritaient d’être tournées vers cette inconstante absurdité défaite de tout poids philosophique. Puisqu’il faut avouer, et cela pour calmer une blessure alcoolisée, que la vie est un luxe bourgeois. Et à nous autres mortels des labeurs existentiels, la mort, les enfers maudits et les spectacles de l’indécence sur les places publics de la senteur de ceux qui s’achètent le bonheur de la force de l’oubli.

Néanmoins, même en suant le parfum authentique d’être des mélancoliques damnés, il faudra bien s’en enorgueillir et rire d’une éternelle noire fierté. Une banale fierté d’être restés... purs à l’abri de ce viol omniprésent. Le viol de la solidarité qui s’entoure de nombreux spectateurs et entraîne pour exhiber son art des souris souriantes de tous les hauts étangs de la société, des souris « de classe », comme on dit... Saviez-vous que l’on viole aussi les âmes en souriant ? On paie même ses victimes sur des écrans ! Serait-ce une religion nouvelle des modernes prostitutions... ?

On légitime désormais sous le prétexte des compassions hivernales, derrière des voiles sordides, religieuses tantôt, tantôt électorales… On chante le viol du soi.

Qu’en est-il enfin de toutes les tristes insomnies et leurs infidèles impertinences lorsqu’il n’est plus absurde que de chanter le vide des profondeurs ni l’espace incertain entre le cœur alangui et les tourments de ses moments ? Qu’en est-il du sens ?!

Quand la Lune cède son goût méphistophélique aux damnations cadavériques et que l’innocence s’échappe dans l’éphémère des cigarettes consommées sur la peau mille fois lacérée de promesses. Quand tout devient d’ores et déjà un or en ivoire, la vie n’a plus aucun sens...

Les souvenirs d’un vent interdit maintiennent mes passions encore électrocutées – ah ces maudites passions de l’abominable patience ! –, comme pour accueillir le linceul tissé sur le tapis des voûtes céruléennes, au bas-ventre du verre renversé sur la roue du hasard.

Que les mots tournent autour de la bague verlainienne chargée d’une nostalgie magicienne ou que les mots ne tournent pas... Ce bout de papier en sueur n’ira nulle part, ni hors des frontières de la peur menaçante, car ici on suffoque même du vide, et la salvation ne réside pas dans les horoscopes du Nouvel An mais dans la mort par « l’écrit »... Écrire pour blesser encore les cicatrices des jours interminables, écrire pour donner un sens au sang.

Souvent me répété-je qu’enfin, faudrait-il continuer de vivre pour cet espoir mensonger du rêve parisien ou bien d’une délicieuse randonnée aux bords de la Seine sous la veste parfumée de la liberté... Vivre rien que pour sa pantoufle esseulée dans le lointain dont la nécessité s’avère immédiate en ces heures glaciales de l’hiver ; ressent-elle cette froidure elle aussi ? Vivre pour ne plus trahir son âme par l’encensoir de l’espoir évanescent.

Vivre l’invivable en attendant le beau, est-ce vivre ou se tuer aux brises de l’infini ? Ou bien faut-il s’éteindre au seuil improbable ? Fondre en narrant l’inénarrable à son corps vomissant et vomi ? Car parfois, la survivance est une question de corps et pas uniquement d’esprit...

Ici-bas, sur ce bout de terre, l’assassinat des psychés est une infâme manie d’une politique d’excellence dans l’infamie. Elle dépoussière l’âme humaine en y exhumant les fanges pestilentielles, et l’intellect dans toute sa splendeur resplendissante et ses tournures parnassiennes échoue à la combattre... Il n’y vraiment plus d’issue, même l’art est circoncis aux lames des médiocrités, que « cesser de songer au trépas » n’est plus qu’une turpitude des plus bas optimismes… et non seulement une turpitude, mais une bassesse proclamée par des êtres qui se plaisent dans le malheur d’être glissés dans l’estomac de l’ogre et qui nagent corrompus – mais heureux – dans ses sucs acidulés.

Comment garder solide un cœur qui ne comprend plus rien ? Un cœur qui aime le néant et les belles fourrures décadentes... ? Et... la jolie pantoufle de Sappho... Un cœur qui s’enterre dans son aorte, s’irriguant de poisons de ce monde amoral pourtant si spirituel, contradictoire jusqu’à la schizophrénie, fou jusqu’à la tyrannie ?! Comment

rester vivant en cette absence de vie ?


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Si la nuit est maudite, la vie, quant à elle, est suicidaire. Elle prend l’âme dans ses tentacules unilatéraux et baise ses joues de ses dents de vampire en peignant les mèches de sa chute icarienne… Une chute dans la gorge du temps.Je me demande bien, à cet âge ingrat où l’on est, si les réflexions pensives méritaient d’être tournées vers cette inconstante absurdité défaite...

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