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Campus - UNIVERSITÉ LIBANAISE

Les enseignants contractuels maintiennent leur pression

Frappés de plein fouet par la crise, les enseignants contractuels de l’Université libanaise (UL) poursuivent leur grève dans l’attente de la promulgation du décret de leur titularisation.

« Est-ce qu’on veut une université publique nationale, oui ou non ? C’est là que réside toute la question. » C’est en ces termes que le professeur Antoine Abi Zeid, enseignant contractuel à la faculté de gestion et de sciences économiques de l’Université libanaise (UL), section II, répond lorsqu’il est interrogé sur les objectifs de la grève suivie depuis un mois par environ un millier de professeurs contractuels. Approuvée par 852 enseignants sondés, cette grève vise principalement à faire valoir les droits de ces derniers et réclamer le décret de la titularisation des éligibles parmi eux. Un décret qui tarde à voir le jour bien que ce dossier remonte à plus de six ans. Nonchalance, laxisme, ou retard planifié ? Tout laisse à croire que la légèreté avec laquelle les autorités libanaises successives ont abordé, au fil des ans, les multiples questions liées à l’Université libanaise (UL) n’est pas fortuite. Elle témoigne en tout cas d’une chose : l’éducation nationale ne semble pas être une priorité pour les dirigeants libanais. Sinon, comment expliquer ces années d’atermoiements, de reports, et de tergiversations dans le règlement des problèmes multifacettes de cette institution nationale ? Bien plus. Comment expliquer la situation « désastreuse » dans laquelle se trouve actuellement la seule institution universitaire publique du pays qui garantit, jusqu’à présent, l’égalité des chances et accorde à environ 100 000 étudiants l’opportunité d’accéder gratuitement à un enseignement supérieur, et ce quel que soit leurs milieux sociaux d’origine ? Mais surtout à qui profite cette situation ? Longtemps minée par le clientélisme, les tiraillements et les interventions politico-confessionnelles, ployant sous le fardeau de décennies de mauvaise gestion et l’absence de véritables réformes, l’UL a été lourdement impactée par la crise sans précédent qui sévit au Liban depuis plus de deux ans. L’institution publique tourne aujourd’hui au ralenti. Sur les différents campus, les cours en présentiel n’ont pas encore repris. Et bien que la grève des enseignants titularisés, décidée au début de l’année académique, ait été suspendue, les choses ne se sont pas améliorées. Rien d’étonnant puisque les professeurs contractuels poursuivent leur grève. Confrontés à l’effondrement de la monnaie nationale et la perte de valeur de leurs salaires, privés de leurs droits, ils s’inquiètent beaucoup de ne pouvoir désormais maintenir leurs moyens d’existence. À noter que, inversement à la loi et aux statuts même de l’université qui stipulent que le nombre des enseignants contractuels ne doit pas dépasser les 20 % de l’ensemble de son corps enseignant, ces derniers représentent aujourd’hui 80 % du corps académique.

Revenus dérisoires réglés avec un an ou deux de retard

« Payés à l’heure, les contractuels ne bénéficient d’aucune couverture sociale ou sanitaire, n’ont pas le droit d’intégrer l’administration de l’UL, ne sont pas inscrits à la Caisse d’entraide, n’ont pas de salaire fixe, encaissent des sommes devenues complètement dérisoires et réglées toujours de façon aléatoire parfois avec un an ou deux de retard », se désole Antoine Abi Zeid. Des doléances qui se révèlent être parfaitement légitimes et compréhensibles surtout que déjà obligés d’enseigner ailleurs, dans des établissements d’enseignement supérieur privés pour assurer leur subsistance et vivre dignement, les contractuels, ont trop souvent été poussés à cumuler les heures d’enseignement au détriment de la recherche, pourtant essentielle en milieu universitaire. Aujourd’hui, ils figurent en tête des catégories les plus lésées voire les plus vulnérables. « Les enseignants contractuels enseignent en moyenne 350 heures par an — contre 250 pour les titularisés – en contrepartie d’une somme variant entre 20 et 25 millions de livres libanaises », poursuit le professeur Abi Zeid. La proposition d’octroyer une aide financière (non incluse dans la base de salaire à l’instar de celle donnée aux cadrés et titularisés, NDLR) qui permettrait d’augmenter cette somme pour atteindre 40 000 000 LL a été rejetée. « Ces jeunes gens attendent impatiemment d’être titularisés à l’UL », ajoute-t-il. Aux côtés des étudiants, ils représentent la véritable force motrice de l’université. « La perte de ces compétences porterait d’ailleurs un coup fatal à l’institution publique qui aurait beaucoup de mal à les remplacer », remarque-t-il encore rappelant au passage que c’est en son capital humain que réside la richesse de l’UL. Mais face à l’impasse politique, quelle serait la solution ? « Cette grève vise à garantir la titularisation des professeurs contractuels et leur permettre de se consacrer à la recherche et à la production de savoirs. Il suffit qu’il y ait une volonté administrative académique et politique commune pour régler le dossier d’autant que les retombées financières ne représentent quasiment rien avec l’hyperinflation et la dépréciation de la livre libanaise », avance-t-il. Et d’indiquer que la solution se décline en deux phases : d’abord au niveau administratif et académique, au sein de l’université avec la préparation et la mise à jour du dossier des personnes éligibles puis son transfert et sa soumission au secrétariat général du Conseil des ministres. Les grévistes espèrent-ils une sortie de crise dans un futur proche ? « Nous sommes des gens rationnels et responsables. Notre mouvement revendicatif n’est pas anarchique et ne vise en aucun cas à perturber l’année académique. Notre approche est tout sauf utilitariste. Au contraire. C’est l’intérêt et l’avenir de l’université nationale et des jeunes générations qui nous préoccupent et guident notre action », renchérit-il. Déplorant l’absence d’une stratégie claire relative à l’enseignement supérieur au Liban, Antoine Abi Zeid affirme qu’une promesse a été faite aux contractuels de faire avancer le dossier même durant les vacances de fin d’année. Mais les promesses sont une chose. Les tenir en est une tout autre.


« Est-ce qu’on veut une université publique nationale, oui ou non ? C’est là que réside toute la question. » C’est en ces termes que le professeur Antoine Abi Zeid, enseignant contractuel à la faculté de gestion et de sciences économiques de l’Université libanaise (UL), section II, répond lorsqu’il est interrogé sur les objectifs de la grève suivie depuis un mois...

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