Rechercher
Rechercher

Politique - Éclairage

Programme de Madinati : la social-démocratie à l’épreuve de la realpolitik

Le mouvement défend plusieurs idées progressistes qui risquent de se heurter à plusieurs obstacles socio-politiques.

Programme de Madinati : la social-démocratie à l’épreuve de la realpolitik

Nahida Khalil, membre de Madinati, exposant le programme électoral du parti lors d’une conférence de presse dimanche dernier. Capture d’écran

La « construction d’un État », la « reprise économique durable » et la « justice sociale ». Ce sont les trois promesses phares du programme de Madinati, l’héritier politique de Beyrouth Madinati, un collectif né en 2016 à l’occasion des élections municipales, qui se fixe désormais pour mission d’aller au-delà de la capitale. Annoncé dimanche dernier, le programme reprend les thèmes généralement mis en avant par les dizaines d’autres groupes se réclamant du mouvement de contestation du 17 octobre 2019.

Slogans creux ou conditions sine qua non à la construction d’un État moderne et d’un nouveau contrat social ? Le politologue Karim Bitar semble pencher pour la seconde option. « Si ces mesures commencent à ressembler à des slogans répétitifs et vagues, c’est parce qu’elles sont restées lettre morte. Or il s’agit de la pierre angulaire de la construction d’un État moderne, et elles doivent donc continuer à être martelées », fait savoir celui qui qualifie le programme de Madinati de « social-démocrate aux accents écologistes ». L’Orient-Le Jour a pu consulter le document détaillé du programme.

Construction d’un État

Premier chapitre de ce document politique, la construction d’un État basé sur la citoyenneté, en opposition donc au confessionnalisme politique. Au menu, le respect de la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, la défense des droits de l’homme et de l’égalité hommes-femmes. Madinati souhaite l’enclenchement des mécanismes permettant la « sortie du système confessionnel via l’application de la Constitution ». L’évolution vers un système laïc peut toutefois paraître comme une chimère alors que le pays connaît un repli confessionnel important et même des confrontations armées, comme lors des événements de Tayouné (des combats ont opposé des membres du tandem chiite à des éléments armés réputés proches des Forces libanaises). « Nous ne sommes pas des romantiques », assure Nahida Khalil, membre de Beyrouth Madinati depuis sa formation en 2015. « Il s’agit de notre vision à long terme et non pas des politiques que nous souhaitons mettre en œuvre dans les quatre années à venir », ajoute-t-elle. D’autant plus que le parti prévoit d’accommoder les plus réticents à travers la décentralisation et la création d’un Parlement bicaméral où les sensibilités confessionnelles seront représentées dans un Sénat. Le code civil unifié sera lui aussi facultatif et pourra être remplacé par le code propre à chaque confession.

Lire aussi

La mobilisation des expatriés, un espoir réel mais loin d’être suffisant pour le changement

Le groupe aborde également la question de la souveraineté de l’État. « Nous sommes contre les armes illégitimes du Hezbollah », tranche Nahida Khalil, alors que le parti avait été attaqué par certains internautes qui l’accusaient de ne pas considérer la question du parti-milice comme une priorité. Le programme précise en effet qu’il doit revenir à l’État de décider des questions de guerre et de paix et de déterminer la politique étrangère du pays conformément aux intérêts du Liban et en respectant « la légitimité arabe et internationale ». Mais comment ? Madinati souhaite tenir un dialogue interlibanais sur la question des armes, qui accoucherait « d’une stratégie de défense nationale afin de maintenir toutes les armes sous les institutions légitimes de l’État ». Une tâche qui risque d’être ardue, la question de la stratégie de défense nationale ayant déjà été posée à plusieurs reprises par le passé, en vain. De surcroît, même certains faucons du camp anti-Hezbollah considèrent que la question épineuse du parti de Dieu doit être réglée au niveau régional.

Économie circulaire

Deuxième volet du programme de Madinati, la reprise économique, alors que le pays traverse depuis 2019 une crise socio-économique violente. Le mouvement espère ainsi déterminer la valeur des actifs et des passifs de la Banque du Liban et de l’État avant de restructurer la dette publique, et de faire passer une loi de contrôle des capitaux qui « protège les déposants ». Le mouvement souhaite également sonner le glas du secret bancaire, mener un audit juricomptable et restructurer le secteur bancaire, sans donner plus de détails. L’économie pour laquelle Madinati milite est circulaire, « libre, productive et compétitive ». Pour ce faire, l’État devrait, selon Madinati, soutenir l’enseignement supérieur (surtout l’Université libanaise) et la recherche, mais aussi l’enseignement technique et les formations professionnelles. Madinati propose par exemple des partenariats entre les universités et le secteur privé. Un modèle qui contraste clairement avec le système éducatif libanais actuel, qui se base plutôt sur l’exportation des jeunes talents libanais vers l’Occident ou les pays arabes pour en extraire des remises en devises.

Au programme également, la désignation de zones franches où les secteurs productifs bénéficieraient d’avantages fiscaux dans les régions marginalisées, le développement des infrastructures nécessaires à l’industrialisation durable comme l’électricité propre, et la promotion de la concurrence à travers l’élimination des monopoles et des agences exclusives. Enfin, Madinati souhaite inscrire la protection de l’environnement dans la Constitution libanaise, orientant ainsi l’économie vers le développement durable et le recyclage.

« Notre programme reprend les grandes lignes du rapport McKinsey (commandé par l’État libanais au cabinet McKinsey en amont de la conférence CEDRE regroupant des bailleurs de fonds, NDLR) », reconnaît Nahida Khalil. Or, dans un pays où la classe politique entretient des liens étroits avec les secteurs rentiers comme les banques, les commerçants et les importateurs, les propositions de Madinati sur l’économie productive risquent de faire grincer des dents. « Les réformes proposées par Madinati sont nécessaires, mais elles sont également radicales dans le sens où elles heurtent les intérêts de l’oligarchie politico-financière, qui s’y opposera de toutes ses forces », analyse M. Bitar. Ce groupe d’intérêts, surnommé le « parti des banques » durant la première phase de négociations avec le FMI, avait réussi à faire tomber le plan de reprise économique du gouvernement, qui reprenait lui aussi plus ou moins les mêmes thèmes.

La justice sociale

Dernier thème du programme de Madinati : la justice sociale, alors que plus des trois quarts de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon les chiffres de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale. « Les groupes marginalisées sont au cœur de notre programme », indique Nahida Khalil. Ainsi, Madinati souhaite la mise en place d’un système de redistribution des richesses, financé par un impôt progressif sur le revenu. « Nous souhaitons investir dans trois chantiers importants : La couverture santé universelle, la création d’un véritable système de retraite et l’éducation gratuite pour tous les enfants », rajoute Mme Khalil. Madinati espère ainsi pouvoir briser les réseaux clientélistes via lesquels la classe politique nourrit sa légitimité populaire.

Lire aussi

Beirut Madinati lance un programme électoral basé sur la réforme

Madinati s’adresse donc aux classes défavorisées, qui pourraient d’ailleurs être un atout de taille si le mouvement souhaite envoyer assez de députés à la place de l’Étoile. Car si, lors des élections municipales de 2016, la liste du collectif Beyrouth Madinati avait à elle seule réalisé un score surprenant de plus de 30 % des voix, à l’échelle nationale, la tâche risque d’être plus difficile. « Le principal défi sera aujourd’hui de s’adresser à un nouveau public, autre que les classes moyennes et élites urbaines de Beyrouth. Or dans les régions plus périphériques, c’est le conservatisme, plutôt que les idéaux sociaux-démocrates et réformateurs, qui domine », affirme Karim Bitar.

La « construction d’un État », la « reprise économique durable » et la « justice sociale ». Ce sont les trois promesses phares du programme de Madinati, l’héritier politique de Beyrouth Madinati, un collectif né en 2016 à l’occasion des élections municipales, qui se fixe désormais pour mission d’aller au-delà de la capitale. Annoncé dimanche...

commentaires (9)

j'espere bcp que le suivant deplaira immensement : le programme enonce par Mme Khalil est l'un des rares- pt't le seul- a presenter qq chose de precis. et ce sont ces precisions memes qui genent .

Gaby SIOUFI

10 h 09, le 25 décembre 2021

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • j'espere bcp que le suivant deplaira immensement : le programme enonce par Mme Khalil est l'un des rares- pt't le seul- a presenter qq chose de precis. et ce sont ces precisions memes qui genent .

    Gaby SIOUFI

    10 h 09, le 25 décembre 2021

  • Il y a bien en effet non pas un mais autant de codes civils que de communautés au Liban -donc 17 -

    AntoineK

    08 h 38, le 24 décembre 2021

  • Qu’est ce qu’il ne faut pas entendre. Cette dame prône l’anarchie en quelque sorte en disant que Le code civil unifié sera lui aussi facultatif et pourra être remplacé par le code propre à chaque confession? Oui et pourquoi pas la charia qui ferait une clause de notre constitution? Ensuite elle vient prôner des projets éducatifs et financiers alors que tout le monde sait qu’aucun de ces projets ne pourra aboutir tant que les ministères et les postes clés de ce pays sont aux mains de la milice armée. Nous avons vu des gouvernements défilés au court de ces dernières décennies, ils étaient déterminés et formés de personnes bardées de diplômes et se sont retrouvés à assurer le rôle de clercs des vendus pour noter leurs façon de faire sous peine d’exécution physique ou de se voir grillés politiquement quand ça n’est pas socialement pour avoir dérogé à la règle des vendus. Que cette dame nous épargne ses affabulations, rien ni personne n’arrivera à sauver le pays tant que, ne serait ce qu’un bâton de dynamite circule illégalement dans ce pays. Le désarmement et le contrôle strict du pays et de ses frontières restent l’acte primordial pour prétendre à la libération et au sauvetage de notre nation. Tout le reste n’est que chimère et paroles en l’air. Leur projet est voué a l’échec d’où le mutisme et la non adhésion du peuple à ces nouveaux partis qui ne convainquent personne tellement leurs discours sont décousus et farfelus.

    Sissi zayyat

    10 h 58, le 23 décembre 2021

  • Gagner les votes des 600000 Shiites qui votent le duo shiite a chaque election est impossible sans creer un rafic hariri shiite qui paie l education de leur enfants shiites et les fait sortir du gyron malveillant anti liban Amal Hezbollah. Toutes les autres mesures sont tres sympatiques. Mais ne meneoint nulle part avant de travailler sur notre composant shiite

    Mon compte a ete piraté.

    10 h 38, le 23 décembre 2021

  • Encore des gauchistes utopistes venus nous bassiner avec des theories de "mon programme de dans 100 ans". je rebondirais simplement sur leurs ambitions de reactiver l'education nationale -dans le langage des gauchistes "creer un puit sans fond de depenses"- qui est aux ordres de Nabih Berri et qui s'est specialisé dans l'octroi de faux diplomes. NON MERCI ! l'education ? oui, gratuite ? quasiment, mais certainement pas centralisée aux mains de loqueteux anti-occidents. d'autres programmes peuvent etre mis en place avec la NDU, la LAU, l'USJ, la Sagesse, l'ALBA et peut-etre l'AUB. Pour un focus ultra-productif car au on est au fond du trou et quand on est au fond du trou on ne s'en sort pas en etudiant a l'université la poesie Arabe !

    Lebinlon

    10 h 12, le 23 décembre 2021

  • est ce que mr. Hijazy &/ou l'OLJ ont deliberement choisi de publier cette photo de mme Nahida Khalil ? pas besoin d'expliciter la raison derriere ma question !

    Gaby SIOUFI

    09 h 25, le 23 décembre 2021

  • Rien de nouveau a l'horizon. Ce petit parti ne fait que reprendre les options des accords de Taef qui n'ont jamais été appliqué. C'est donc aussi dans l’escarcelle de tous les autres partis traditionnels. Il ont fait leur fronde et elle a échoué devant la violence de la réaction du Hezbollah et des partis qui lui sont soumis. Seul les FL leur tenaient tete. Des que celle-ci se sont retirées de la rue Madinati et toutes les Autres Madinati se sont faites étrillées et leur soit disant révolution est partie en vrille. Il faut voter utile. Une fois de plus si ce genres de partis peut affaiblir les criminels aux pouvoir soit, si c'est pour ne remplacer que les souverainistes déjà présents et ayant fait leur preuve, le Liban n'avancera pas d'un iota.

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 01, le 23 décembre 2021

  • « Le programme précise qu’il doit revenir à l’état de décider de la guerre et de la paix et de déterminer la politique étrangère (…). Mais comment ? ». Beirut Madinati répond exactement de la même manière que les aounistes et les haririens: en dialoguant. Comme si l’autorité de l’état se négocie. On a vu où ce marchandage nous a menés: précisément à la crise que connaît le pays aujourd’hui. Alors comment s’en sortir ? En votant ni bleu ni orange ni « kellon ya3né kellon » mais pour tout parti qui s’engage non seulement sur l’objectif souverainiste mais sur le seul moyen concret qui montre qu’on veut réellement atteindre l’objectif déclaré: enterrer l’accord de Doha et que la majorité issue des urnes gouverne seule, comme cela se fait dans tout pays dit démocratique et comme les pseudo-souverainistes haririens et autres ne l’ont jamais fait au Liban. Le Hezbollah referait un 7 mai si la majorité issue des urnes se décide enfin à gouverner toute seule, comme toute majorité digne de ce nom, comme cela s’est tout le temps fait même au Liban jusqu’avant l’occupation assado-safavide de 1990 ? Alors il se démasquerait complètement, il veut la guerre il l’aura, mais il sait qu’il risque fort de la perdre s’il a la grande majorité des libanais contre lui, donc je pense même qu’il pliera sans tirer un seul coup de feu.

    Citoyen libanais

    08 h 24, le 23 décembre 2021

  • Bref, le retour des pieds nickelés avec un petit menu de dépenses populistes et ‘dans le vent’, sans apparemment, beaucoup de réflexion sur les rentrées de l’état, a part ‘taxer les riches’, ce qui est toujours gagnant. Il faut aussi noter l’absence d’un narratif sur la crise actuelle. Ils devraient chercher un économiste pour les aider, sinon ils auront du mal à convaincre… Allez parler écologie à Tripoli!

    Mago1

    02 h 31, le 23 décembre 2021

Retour en haut