« Chaque saint parle prophétiquement à sa génération », dit l’Église par la bouche du pape Benoît XVI. Le bienheureux Carlo Acutis (1991-2006), dont une relique circule en ce moment dans les écoles et paroisses du Liban, n’échappe pas à la règle. Son histoire est celle d’un garçon de ce temps. Né à Londres de parents italiens, Carlo grandit à Milan puis Monza avec son frère et sa sœur. Il aime le foot, les sports de plein air, les randonnées et les animaux, mais aussi les visites aux églises, la prière et la communion dont il disait qu’elle est « mon autoroute vers le ciel ».
« Carlo avait mis au centre de sa vie la présence vivante et réelle de Jésus, en particulier dans l’Eucharistie, atteste sa mère, Antonia Salzano, dans une vidéo diffusée sur YouTube. Depuis sa première communion, à l’âge de 7 ans, il se rendait à la messe tous les jours pour communier et faire un peu d’adoration eucharistique avant et après l’office. »
Le jeune garçon est également sensible à la présence du Christ chez les exclus, les migrants et autres SDF qui vagabondent dans les rues d’Europe. Des marginaux qu’il salue sur son passage et auxquels il apporte parfois de quoi manger ou se vêtir plus chaudement.
Mais le jeune Carlo est aussi un as de l’informatique, un véritable « génie », selon les adultes qui le côtoient. Le « sixième continent », le continent numérique, n’a pas de secret pour celui qui sera surnommé le « geek de Dieu ». Ses centres d’intérêt allaient de la programmation des ordinateurs au montage des films, en passant par la création de sites internet, sans parler de la rédaction et de la mise en page. Garçon brillant, il observait avec précocité que les hommes « naissent tous comme des originaux », mais que beaucoup « finissent comme des photocopies ». « Ne permets pas que ça t’arrive », disait-il à un camarade dans des propos notamment rapportés par le site d’informations Vatican News.En octobre 2006, l’adolescent tombe brusquement malade, frappé par une leucémie foudroyante incurable qui l’emporte à l’âge de 15 ans. Trois jours avant son décès, il avait confié à sa mère qu’il ne quitterait pas l’hôpital vivant, mais qu’elle serait à nouveau mère. « Notre objectif doit être l’infini, non pas le fini. L’infini est notre patrie. Depuis toujours, nous sommes attendus au Ciel », avait-il écrit. Conformément à son souhait et en raison de son amour pour saint François, le jeune Carlo est inhumé à Assise dans la grande église Sainte-Marie-Majeure. Quelque temps plus tard, sa mère donnera naissance à des jumeaux.L’émotion provoquée par son décès, bien au-delà de son cercle familial, incite son évêque à introduire son procès en béatification. Six ans plus tard, en 2018, il est déclaré vénérable par le pape François qui reconnaît le caractère « héroïque » de ses vertus. Dans sa lettre apostolique destinée aux jeunes, Christus Vivit, le Saint-Père souligne que Carlo Acutis a « été capable d’utiliser les nouvelles techniques de communication pour transmettre l’Évangile, pour communiquer valeurs et beauté ». Deux ans plus tard, le Vatican reconnaît un miracle attribué à son intercession. Le miraculé, un enfant brésilien atteint de malformation au pancréas, demande l’intercession de Carlo Acutis le 12 octobre 2010, date anniversaire de son décès quatre ans plus tôt, et est guéri le jour même. L’échographie, effectuée sous contrôle médical, montre que les organes se sont remis miraculeusement en place. Ce prodige ouvre la voie à sa béatification. La mémoire liturgique du jeune bienheureux est fixée au 12 octobre.
Un flux constant de pèlerins
Pour comprendre pleinement ce qui se passe autour de la figure du bienheureux Carlo Acutis, il faut avoir à l’esprit les jours de sa béatification à Assise, le 10 octobre 2020, alors que l’Italie tout entière sort pour la première fois du confinement décrété au plus fort de la pandémie de Covid-19. « L’atmosphère était très particulière, se souvient à ce sujet Eugenio Bonanata, un journaliste du site Vatican News. C’était la première célébration de masse en présentiel. Il y avait beaucoup d’incertitude quant à l’arrivée des fidèles (…) C’est là la première surprise pour les observateurs. Les pèlerins arrivaient de toute
l’Italie (…). Certains avaient même réussi à venir de France. Tous ont fait la queue pour voir par eux-mêmes le tombeau de Carlo, son corps étant rendu visible à travers la vitre placée sur le tombeau. Même les plus distraits remarquaient la forte dévotion populaire envers ce garçon et le flux constant de pèlerins. L’événement interrogeait. »
« Autre surprise, l’engouement des réseaux sociaux pour le jeune bienheureux qualifié de “saint patron d’internet” pour sa passion du web. Comme modèle de sainteté indépendant des “superpouvoirs” attribués aux saints, les réseaux sociaux avançaient la conversion d’un employé de la famille Acutis, Rajesh Mohur, un brahmane de la caste sacerdotale hindoue, qui s’était converti au catholicisme grâce aux paroles et aux gestes de ce jeune “maître”, qu’il accompagnait pour distribuer des aides de diverses natures aux pauvres de Milan. »
C’est ce mélange remarquable de normalité, de précocité spirituelle et de modernité qui, depuis quelques semaines, est présenté par le père Martin Eid et l’ordre maronite mariamite, dans les écoles et paroisses du Liban, comme un modèle de conduite chrétienne et d’amour de Dieu. « Carlo était un garçon de son époque. Il a vécu ce que vivent les jeunes de notre temps. Mais il a su transformer l’ordinaire en extraordinaire. Pourquoi ? Parce qu’il a mis au centre de sa vie la présence vivante et réelle de Jésus, surtout dans le Saint-Sacrement », affirme sa mère.
Un prophète en son genre
« Sur les réseaux sociaux, on a tendance à se mettre au premier plan, à se mettre en valeur, commente la mère du jeune Carlo dans une séquence sur YouTube. Par ailleurs, nous savons que sur internet, on retrouve de la pornographie, du harcèlement et des choses négatives. Dans tout ça, Carlo est un prophète en son genre parce qu’il dit : pas moi, mais Dieu. Pas l’amour-propre, mais la gloire de Dieu, il nous aide à mettre le Christ au centre de nos vies. »
Au Liban, l’exposition des reliques de l’adolescent inspire élèves et adultes. Destinée à « éveiller des vocations », elle a par ailleurs opéré « un miracle » dans un village proche de Saïda en réunissant dans la chapelle des paroissiens qui ne se parlaient plus. Au P. Martin Eid, qui avait spontanément exhorté ces derniers au pardon et à la réconciliation, le curé de la paroisse a confié redouter que ses paroissiens ne l’accusent de lui avoir parlé de leurs durables rancunes.
Après avoir fait le tour du Liban chrétien, les reliques de Carlo Acutis retrouveront l’école et couvent Notre-Dame de Louaïzé (Kesrouan) où un autel leur sera consacré au voisinage d’une salle dédiée aux miracles eucharistiques qu’il affectionnait particulièrement.
Espérons que bienheureux Carlos sera un exemple à notre jeunesse.
16 h 52, le 09 décembre 2021