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Politique - Éclairage

Les scénarios de sortie de crise qui se préparent pour le Liban

Plusieurs pays envisagent une option qui consisterait à confier les postes-clés à des militaires.

Les scénarios de sortie de crise qui se préparent pour le Liban

Le commandant en chef de l’armée Joseph Aoun (d.) lors d’une cérémonie au cours de laquelle la troupe recevait des équipements militaires offerts par les États-Unis, le 12 juin 2018, à Beyrouth. Archives/AFP

Personne n’a aujourd’hui une vision claire de la direction que prendra le Liban. Mais il est évident pour de nombreux acteurs que le pays ne peut pas continuer ainsi sans repenser tout son modèle politique. Lors de sa visite à Beyrouth au lendemain de la double explosion au port, le président français Emmanuel Macron avait lui-même pointé la nécessité d’un nouveau « contrat politique ». Cela implique de s’attaquer à des sujets extrêmement sensibles comme la parité islamo-chrétienne, les armes du Hezbollah, ou encore le « consociativisme », ce système de gouvernance impossible où tout le monde est au pouvoir et se revendique dans le même temps de l’opposition. Autrement dit, il est temps de tourner officiellement la page de Taëf, impossible à mettre en œuvre depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005. Comment y parvenir ? Les élections législatives peuvent jouer un rôle à cet égard, à condition qu’elles renouvellent en partie les forces en présence. Mais cette option n’est pas considérée comme suffisante, à la fois par les acteurs internes et externes. « Les élections n’aboutiront pas à un changement majeur », reconnaît un diplomate occidental.

Eclairage

Le Liban politique dans l’attente du cinquième acte

Pour sortir de l’impasse actuelle, le patriarche maronite Béchara Raï a été l’un des seuls à mettre une proposition sur la table en évoquant l’idée d’une conférence internationale. Une proposition qui a la faveur de plusieurs pays arabes, notamment les pétromonarchies du Golfe, qui considèrent que le Liban est complètement dominé par le Hezbollah. « Le dossier libanais reste dans toutes les têtes, même s’il n’est pas considéré comme prioritaire par de nombreux pays », confie un diplomate arabe sous couvert d’anonymat. Avant de parvenir au règlement final, plusieurs acteurs internationaux envisageraient de stabiliser la situation en promouvant l’installation de militaires aux postes-clés de l’État, a appris L’Orient-Le Jour auprès de plusieurs sources concordantes. L’armée bénéficie d’une image plutôt positive à la fois au sein de la population et auprès des chancelleries où elle est considérée comme la dernière institution évitant l’effondrement complet du pays. Si elle est elle-même en proie à de grandes difficultés financières et à une hémorragie au sein de ses effectifs, elle survit essentiellement grâce aux aides internationales dont elle bénéficie. Pour ceux qui envisagent cette option, l’idée est de trouver un compromis qui aboutisse à l’élection du commandant de l’armée Joseph Aoun à la présidence de la République, et du directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, à la tête du Parlement. Il s’agit aussi de trouver une personnalité sunnite pour occuper le poste de Premier ministre, comme le directeur général des Forces de sécurité intérieure (FSI) Imad Osman ou le secrétaire général du Conseil supérieur de défense, le général Mahmoud Asmar.

Cette formule rappelle à bien des égards le compromis de 1958, qui avait conduit le commandant de l’armée Fouad Chéhab à la présidence de la République, quand le Liban était heurté de plein fouet par les crises régionales. « Nous n’en sommes encore qu’au stade de la prospective. Mais plusieurs pays commencent à penser que c’est le meilleur moyen de faire avancer les choses », dit un responsable politique arabe qui a souhaité garder l’anonymat. Le fait que l’élection présidentielle approche, puisque le mandat de Michel Aoun arrive à sa fin en octobre 2022, accélère la réflexion.

Joseph Aoun peut en tous cas se targuer d’avoir le soutien des États-Unis où il s’est rendu récemment, rencontrant plusieurs responsables américains ainsi que des membres du Congrès. Abbas Ibrahim et Imad Osman bénéficient eux aussi d’une image plutôt positive auprès des Occidentaux, même si le premier pourrait pâtir du fait d’être mis en cause dans l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth. Ce scénario nécessiterait toutefois un compromis en interne, qui semble difficile dans le cas de la présidence du Parlement, aux mains de Nabih Berry depuis trente ans. Il paraît plus probable concernant la présidence de la République, puisqu’aucun parti ne semble avoir mis son veto sur Joseph Aoun.

Les armes contre l’État ?

Une autre hypothèse est en cours de discussion, cette fois-ci sur la scène locale. Il s’agit d’un nouveau compromis à la libanaise, similaire au règlement de 2016, impliquant un accord sur le président, la formation d’un gouvernement, des élections législatives et un certain nombre de nominations à des postes-clés de l’État, notamment ceux du commandement de l’armée, du chef du Conseil supérieur de la magistrature et du gouverneur de la Banque du Liban. Le Hezbollah milite pour ce type de solution qui ne remettrait pas en question un statu quo qu’il considère être à son avantage. La formation pro-iranienne étudie depuis des années la possibilité d’un changement de système, qui impliquerait une plus forte représentation des chiites au sein de l’État. Mais elle considère dans le même temps que cette discussion ne peut avoir lieu que si le contexte régional et international lui est favorable, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. En attendant, elle profite d’un système qui, depuis les accords de Doha, lui permet d’avoir son mot à dire sur tout ce qui se passe au Liban, tout en partageant la responsabilité du pouvoir avec les autres acteurs. Cette formule prônant le statu quo ne semble pas convaincre toutefois à l’international, où elle est jugée incompatible avec les réformes exigées.

Les autres acteurs ne facilitent pas la sortie de l’impasse. Michel Aoun n’a jamais caché son hostilité à l’accord de Taëf, mais n’est pas prêt dans le même temps à revoir à la baisse les prérogatives chrétiennes et à remettre en question le principe de parité. Les Forces libanaises n’y sont pas favorable non plus, mais considèrent pour leur part que Taëf est un bon modèle à condition qu’il soit respecté. Le courant du Futur et le Parti socialiste progressiste abordent pour leur part avec appréhension tout changement de système qui ouvrirait selon eux la boîte de Pandore au parti chiite. Tous s’accordent sur la nécessité de trouver une solution à la question des armes du Hezbollah. Mais à quel prix ? Faut-il offrir les postes-clés de l’État à la communauté chiite en contrepartie des armes ? Faut-il intégrer la milice dans les forces institutionnelles comme en Irak ? Aucune réponse ne s’impose pour le moment. Et pour cause : le sujet dépend aussi de facteurs qui dépassent largement le Liban.

Personne n’a aujourd’hui une vision claire de la direction que prendra le Liban. Mais il est évident pour de nombreux acteurs que le pays ne peut pas continuer ainsi sans repenser tout son modèle politique. Lors de sa visite à Beyrouth au lendemain de la double explosion au port, le président français Emmanuel Macron avait lui-même pointé la nécessité d’un nouveau « contrat...

commentaires (13)

Le salut du Liban ne passe que par l’application de la laïcité et neutralité. Tout ce qui se dit autrement n’est que gabegie! On veut une solution une fois pour toute sans intervention de la tutelle des pays étrangers.

Georges S.

00 h 55, le 06 décembre 2021

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Commentaires (13)

  • Le salut du Liban ne passe que par l’application de la laïcité et neutralité. Tout ce qui se dit autrement n’est que gabegie! On veut une solution une fois pour toute sans intervention de la tutelle des pays étrangers.

    Georges S.

    00 h 55, le 06 décembre 2021

  • Infoutue ou involontaire à protéger les frontières du Liban cette armée s'est laissé déborder par le Hezbollah qui écrase le Liban par tous les moyens violents. Elle a de surcroît arrêté et maltraités les opposants de cette crasse politique vereuse, autant dire, aucune confiance!

    Christine KHALIL

    15 h 22, le 05 décembre 2021

  • AU LIBAN DES QU,ON ACCEDE A UN POSTE GOUVERNEMENTAL ON SUBIT MIRACULEUSEMENT UNE SOUDAINE TRANSFORMATION ET ON DEVIENT PARTIE INTEGRALE DES CLIQUES DE LA LATTA. SOUBHANE ALLAH. C,EST DANS LE DNA.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 25, le 05 décembre 2021

  • Qui sont-ils ces crétins et farfelus qui veulent mettre des veneux corrompus, militaires ou pas a la tête du nouveau Liban, tout en passant sous silence les armes des milices, Amal et Hezbollah, et nous faire croire que notre pays sera sauvé ?

    Aref El Yafi

    10 h 53, le 05 décembre 2021

  • There are many qualified civilians who should vie for the top positions. We need a major rethink of our political system and direct elections by the people for these positions. We can no longer delegate to Parliament to choose these candidates when the electoral law is biased and tailor-made to maximize wins among the traditional Parties.

    Mireille Kang

    23 h 43, le 04 décembre 2021

  • Les militaires ne comprennent rien à la politique. Nous avons les 3 exemples récents datant de 1998, le dernier étant un fiasco complet.

    Esber

    22 h 59, le 04 décembre 2021

  • N'est pas Fouad Chehab qui veut ! L'armée n'est pas faite pour gouverner. Et puis ... pourquoi faire confiance à cette armée qui a protégé ce pouvoir, au lieu de se mettre aux côtés des protestataires. Ils ont maté les manifestations à coup de matraques, de grenades, de canons à eau, de balles à blanc. Ils ont délogé le peuple furieux contre les dirigeants. Alors ? Fera-t-on confiance à ces militaires pour que Justice soit rendue et que les corrompus rendent compte au peuple ? On peut en douter ...

    GM92190

    22 h 36, le 04 décembre 2021

  • Je ne comprends pas. Ça fait déjà 3 commandants en chef de l’armée de suite à la présidence. N’est-il pas temps de penser à autre chôse?

    Akote De Laplak

    15 h 32, le 04 décembre 2021

  • Subtile... On flanque les tâches domestiques à l'armée, on donne des vacances payées, ou plutôt déjà payées, au politico-responsablo-fontionnaires, et on laisse, plutôt donne toute liberté au hezb pour s'occuper des affaires politico-militaires de la patrie....

    Wlek Sanferlou

    15 h 00, le 04 décembre 2021

  • IL FAUT REMETTRE LA GOUVERNANCE TOUTE ENTIERE AUX MILITAIRES POUR DIX ANS ET BANNIR LES MERCENAIRES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 21, le 04 décembre 2021

  • Tout ceci n’augure rien de bon. Ils ont mis longtemps à réfléchir à cette possible solution qui s’avère plus néfaste que le mal qui ronge notre pays? Céder les postes clés au HB ou intégrer ses hommes armées serait se tirer une balle dans le cœur et non dans le pied. Les libanais qui ont subi les pires souffrances et atrocités en espérant se débarrasser de ces vendus à qui on promet mots et merveilles pour arranger tout le monde sauf notre pays en souffrance et son peuple qui n’en peuvent plus des alliances et des manigances sur leur dos. Si tel est leur projet pour régler le problème de notre pays nous les remercions à l’avance et leur demandons d’aller voir ailleurs si nous y sommes. Nous préférons encore mourir que de céder un cm aux iraniens sur notre territoire. Emballez vos projets et déguerpissez vos idées sombres sur le sort de ce pays ne nous aideraient pas à avoir plus clair ni à trouver la sortie de ce tunnel qui s’allonge à chacune de vos interventions. Alors sans façon, merci, mais non…

    Sissi zayyat

    11 h 32, le 04 décembre 2021

  • le bruit de bottes est toujours inquietant. Faut-il rappeler que la principale qualite de Fouad Chehab n'etait pas d'etre general mais d'etre un Emir Chehab !

    Michel Trad

    10 h 38, le 04 décembre 2021

  • La solution est simple mais quasiment personne ne veut l’envisager: que le peuple élise une majorité souverainiste et que cette majorité gouverne toute seule, comme cela se fait dans tout pays dit « démocratique » et comme cela se faisait au Liban entre 1943 et 1975. Il suffit que la majorité souverainiste soit menée par les FL et non plus par Hariri et Joumblatt, alors Doha sera enterré et enfin le Liban sera gouverné comme il se doit. Les militaires au pouvoir seront immanquablement tentés par chercher l’appui de tel ou tel parti, ce sera un gouvernement Diab bis. Hassan Diab a utilisé le masque de la société civile pour perpétuer l’accord de Doha, les militaires utiliseront le masque de l’armée pour faire de même. C’est probablement la solution qui convient le mieux à la fois au Hezbollah et aux oxy-dentaux complices Macron en tête, mais si le peuple libanais vote « souverainiste » ou plutôt tout simplement vote « Liban » et pas « empire néo-safavide », aucune puissance étrangère ne pourra infléchir son choix.

    Citoyen libanais

    07 h 25, le 04 décembre 2021

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