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Culture - Peinture

La série gagnante de Marwan Chamaa

À Arthaus Beirut, l’artiste libanais présente aujourd’hui vendredi neuf toiles sous l’intitulé « The Casino Series ». Une exposition d’un jour.

La série gagnante de Marwan Chamaa

Dans « The Casino Series », une évidente recherche de la pureté, comme si l’artiste Marwan Chamaa avait passé au tamis toutes les imperfections de l’existence pour n’en retenir que l’essentiel. Photo DR

Lorsque Marwan Chamaa, après la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, découvre l’étendue des dégâts dans son atelier – les murs éventrés, ses œuvres endommagées, lacérées et certaines éclaboussées de peinture –, son premier réflexe fut de se défouler, avec ce qui lui restait comme tubes de couleurs, en les balançant sur les toiles, pour achever un geste violent. Dans un second temps, pour se ressourcer et s’éloigner du chaos de la ville, l’artiste ira se réfugier dans un lieu qui depuis toujours matérialise son espace de recueillement. Au domicile d’un ami qui surplombe la baie du Casino du Liban, il va, durant 48 heures, regarder le soleil se coucher et se lever, et imprimer dans son mental pictural une image qu’il déclinera en neuf versions.

Le point de départ de ce travail sera de nature, sinon abstraite, du moins très thérapeutique.

The Casino Series curatée par Johnny Mockbel à Arthaus Beirut, présentée sur une journée, est le fruit de cette méditation que l’artiste qualifie de célébration. Une célébration à la vie et à ce que fut Beyrouth, en ne perdant pas espoir qu’un jour elle redeviendra la ville de tous les possibles.

Marwan Chamaa, peintre, designer et conteur. Photo DR

Du tumulte au minimalisme
Né à Beyrouth en 1964, Marwan Chamaa a passé la majeure partie de sa vie d’adulte en Allemagne, au Liban et aux États-Unis. Il a étudié l’art à l’Université américaine de Beyrouth, au Beirut University College (aujourd’hui LAU) et à la Corcoran School of Art à Washington DC.

S’il est un peintre, designer et conteur dont les œuvres questionnent la société de consommation et l’identité communautaire, si l’univers de Marwan Chamaa a longtemps été coloré, joyeux et volontiers bavard, si l’artiste est un pur produit du néopop art avec un goût prononcé pour le cubisme, la bande dessinée, la pub ou la presse, les neufs toiles aujourd’hui présentées apparaissent comme un temps de pause dans son parcours d’artiste. Avec un désir de reprendre son souffle après l’explosion du 4 août et de transmettre un message pour honorer Beyrouth et continuer à y croire.

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Ces toiles sont aussi le cheminement naturel d’un travail déjà entamé sur la station Kassis dans le quartier de Jeitaoui, dans sa facture artistique faite de lignes, de perspectives et de formes épurées. Neuf toiles comme un impressionnisme contemporain qui revisite la même scène sous différentes lumières, avec pour seul élément immuable l’édifice du Casino de Beyrouth, tantôt nimbé d’une lumière crépusculaire, tantôt noyé par un soleil revigorant, flottant en l’air comme détaché du sol ou ancré dans la terre nourricière. Ce processus d’épurement et de distanciation s’accompagne de façon significative d’un effacement du geste du peintre. Dans les œuvres, il n’y a pas de trace de ce qui est antérieur, de son travail passé, de sa personne, mais plutôt une recherche de pureté, comme si l’artiste avait passé au tamis toutes les imperfections de l’existence pour n’en retenir que l’essentiel.

Dans « The Casino Series », une évidente recherche de la pureté, comme si l’artiste Marwan Chamaa avait passé au tamis toutes les imperfections de l’existence pour n’en retenir que l’essentiel. Photo DR

Passer au sas les imperfections de la vie
L’œuvre de Marwan Chamaa, qui s’inscrit dans la lignée des artistes américains de l’abstraction des années 60-70 comme Kenneth Noland, Barnett Newman, explore cette forme artistique et adopte un langage géométrique très dépouillé. Agencement de formes, plages de couleurs disposées en aplat, lignes traçant une perspective, diagonales marquant les espaces, une lecture claire des surfaces colorées. Inutile d’user de métaphores, ses œuvres sont construites selon une planification stricte, reposant souvent sur une seule trame systématique, un seul regard sur une seule scène déclinée selon les heures du jour et de la nuit. Une fois passé la description initiale, indispensable à l’appréhension d’une œuvre, le spectateur s’interroge : que représentent les tableaux de Marwan Chamaa composés de formes si pures, dans un nombre limité de couleurs, réunies dans des compositions élémentaires sur deux dimensions ? Et si la géométrie renvoie immédiatement à la rigueur, aux mesures et à la précision, comment y glisser de la création, de la poésie, ou une forme d’expression ? Mais rien n’est plus concret, plus réel qu’une ligne, qu’une couleur, qu’une surface. Face au minimalisme de la composition, on peut aussi se poser la question pourquoi Marwan Chamaa a pris le parti de réaliser ses toiles à l’huile et non à l’acrylique ? « C’est pour une raison très simple, précise l’artiste, le travail à l’huile exige du temps, de la patience et de la concentration. Prendre ce temps était une forme de méditation, de thérapie pour apaiser ma colère et sublimer mes frustrations après le drame qui nous avait tous anéantis. Cela m’a pris neuf mois pour le faire. Une démarche qui s’inscrit dans un élan maïeutique. Je ne pouvais plus m’exprimer avec sarcasme et humour comme dans mes œuvres précédentes. Le sujet du Casino semblait être très à propos pour ne pas oublier les années glorieuses du Liban, et honorer ce que furent les jours heureux et peut-être espérer qu’ils reviennent. »

« The Casino Series » de Marwan Chamaa

À Arthaus Beirut.

Vendredi 3 décembre, de midi à 21h.

Lorsque Marwan Chamaa, après la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, découvre l’étendue des dégâts dans son atelier – les murs éventrés, ses œuvres endommagées, lacérées et certaines éclaboussées de peinture –, son premier réflexe fut de se défouler, avec ce qui lui restait comme tubes de couleurs, en les balançant sur les toiles, pour achever un geste...

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