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Culture - Quoi qu’on en lise

Vivre sa vie comme un imbécile heureux

Dans ce premier roman posthume, René Haddad raconte l’histoire d’un certain Ibidem Serpicon.

Vivre sa vie comme un imbécile heureux

René Haddad raconte ici l’histoire d’Ibidem Serpicon, un homme qui écoute les gens parler... ©Franck Torralba

Il y a du Woody Allen à ses débuts, du Elia Suleiman, du Nanni Moretti dans Les aventures d’Ibidem Serpicon de René Haddad. Les éditeurs Zulma comparent l’auteur sur la quatrième de couverture à Plume de Henri Micheaux et Monsieur Hulot de Jacques Tati. Il y a sans aucun doute du burlesque dans ce livre, avec un certain regard désabusé et décalé sur le monde. Roman d’un double ou non, René Haddad raconte ici l’histoire d’Ibidem Serpicon, un homme qui écoute les gens parler, intervient dans les conversations et parfois engage même la parlote avec des passants. Ibidem marche sur les Grands-Boulevards, prend le bus et s’engouffre dans le métro parisien. « Ibidem voit de drôles de choses dans la ville. À celui qui fait l’étonné, il répond : « Il suffit de regarder. » Ibidem croit en l’homme mais il se fait avoir à chaque fois. « Certains matins, Ibidem est vénèr (…) Il se supporte depuis trop longtemps et il y a des jours où il n’en peut plus. »

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D’autres matins, « Ibidem n’a qu’une seule envie : rire et faire rire. S’épuiser et épuiser le public par le rire ; à rire à perdre souffle, connaissance, conscient… et vie. Parce qu’il ne voit rien qui vaille mieux que ça. Parce que son sens du tragique ne saurait se manifester autrement. Il ne parle pas du tragique de la vie humaine, qu’il ne connaît que de sa fenêtre, mais de lui, de sa propre vie, tellement elle est tragiquement peu sérieuse ». Et on rit avec Ibidem Serpicon, on rit avec lui de sa naïveté, de sa candeur, de son intelligence, de ses aventures qui n’en sont pas, comme lorsqu’il se rend chez un médecin pour la première fois pour renouveler ses médicaments, « celui pour réguler sa tension et celui pour voir la vie comme un imbécile heureux ». Grâce à cette pilule magique, Ibidem devient un imbécile heureux, et c’est ce qui lui permet d’évoluer dans la vie. De la supporter. De l’affronter.


C’est une rêvasserie

Petit ovni littéraire, ce livre est inclassable, c’est une rêvasserie, un aller simple pour l’enfance ou encore un guet-apens en Ouzbékistan, ce livre est un mystère tout comme son auteur, René Haddad, frère de l’écrivain Hubert Haddad qui le décrivait ainsi dans Les Coïncidences exagérées : « Un homme sans destin, le plus dénué d’ambition, tout dévoué à la première rencontre, donnant au petit bonheur le peu qu’il possède avec son temps en prime, si dispendieux en bons mots et en éclats de rire, ermite chaleureux toujours prêt à offrir sa voix de stentor aux poètes en manque d’audience. »

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Né en 1949 d’un couple juif algéro-tunisien, René est décédé en 2015. S’il travaillait dans les chiffres – comme comptable –, il vécut au milieu des livres – exerçant dans une librairie du XIIIe arrondissement. Les aventures d’Ibidem Serpicon est son premier roman et un roman posthume. « Écrivain clandestin », dit de lui le romancier Georges-Olivier Châteaureynaud dans sa postface où il nous apprend que « René Haddad n’a jamais revendiqué publiquement la paternité des fragments de son œuvre qu’il jouait sur de petites scènes » car il était dramaturge et déclamait sur les planches de cabaret les aventures de ce fameux Ibidem. Ibidem est une locution latine qui signifie ici même, au même endroit, car c’est de cela qu’il s’agit dans ce texte, d’un homme qui fait du surplace tout en avançant dans la vie, c’est l’histoire d’une impossibilité à faire et à vivre qui permet pourtant au personnage de prêter attention aux choses que l’on ne perçoit plus quand tout va trop vite. Après tout, l’imbécile heureux n’est peut-être pas celui que l’on croit.

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« Les aventures d’Ibidem Serpicon », René Haddad, éditions Zulma.

Écrivain, journaliste, photographe et commissaire d’exposition, Sabyl Ghoussoub est l’auteur de deux romans aux éditions de l’Antilope : « Le nez juif » et « Beyrouth entre parenthèses ». Son troisième roman sortira aux éditions Stock courant 2022.

Il y a du Woody Allen à ses débuts, du Elia Suleiman, du Nanni Moretti dans Les aventures d’Ibidem Serpicon de René Haddad. Les éditeurs Zulma comparent l’auteur sur la quatrième de couverture à Plume de Henri Micheaux et Monsieur Hulot de Jacques Tati. Il y a sans aucun doute du burlesque dans ce livre, avec un certain regard désabusé et décalé sur le monde. Roman d’un double ou...

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