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Culture - Cimaises

« Picasso l’étranger » : portrait inédit d’un « fiché S » privé de la nationalité française

Surveillé et suspecté pendant des décennies par la police française. C’est une facette méconnue de Pablo Picasso que propose le musée de l’Histoire de l’immigration à Paris.

« Picasso l’étranger » : portrait inédit d’un « fiché S » privé de la nationalité française

L’affiche de l’exposition « Picasso l’étranger » qui vient de s’ouvrir au musée de l’Histoire de l’immigration à Paris. Photo DR

Picasso l’Espagnol débarque à Paris à 19 ans dans une France à peine sortie de l’affaire Dreyfus, où son talent lui vaut de présenter une toile à l’Exposition universelle de 1900. Il restera plus de 70 ans dans ce pays sans jamais être naturalisé.

À l’époque, il ne parle pas français et il est hébergé dans une grande précarité par ses seuls amis sur place, les Catalans. Ce qui lui vaut d’être surveillé en permanence et qualifié, à tort, d’anarchiste. « Traité par la police comme un “fiché S” d’aujourd’hui », écrivent les auteurs du catalogue de l’exposition.

Pendant 40 ans, naviguant entre effervescence artistique et guerres meurtrières, il sera successivement étiqueté anarchiste catalan, républicain espagnol et communiste, dénigré comme avant-gardiste, alors qu’il est à l’origine d’une immense révolution culturelle. « Il sera tracassé et humilié avec pour seul crime d’être un étranger », dit à l’AFP l’historienne Annie Cohen-Solal.

L’exposition, dont elle est commissaire, qui a débuté jeudi 4 novembre et se tient jusqu’au 13 février prochain au musée de l’Histoire de l’immigration à Paris, a l’ambition de montrer la portée universelle de l’expérience de Picasso. Elle s’appuie sur une enquête inédite qu’elle a menée, aujourd’hui consacrée par un livre : Un étranger nommé Picasso, lauréat du prix

Femina de l’essai 2021.

Une fureur créatrice

L’auteure-commissaire scrute les archives, le dossier de police de Picasso, transporté de Paris à Berlin avant de regagner la France via Moscou, et sa traque par les « indics » de la préfecture de police dans les bars de Montmartre. Il ne fut cependant jamais emprisonné, allant au commissariat tous les deux ans remettre ses empreintes.

Ce voyage ciblé au cœur d’un Picasso méconnu met un coup de projecteur sur certains tableaux, sculptures, dessins, photos, documents et archives rares, dont les lettres de sa mère, Maria Picasso y Lopez.

Il révèle l’évolution de son œuvre, en résonance avec les exclus de la société, et ses liens d’amitié avec Max Jacob et Guillaume Apollinaire, ou l’admiration que lui portait l’écrivain Rainer Maria Rilke.

On découvre comment, habité par un mélange d’angoisse et de fureur créatrice, Picasso déploie « une infinité de stratégies de contournement obstinées, avec une intelligence politique certaine, dans le seul but de continuer à créer ».

Avec, « pour seul pays, son atelier et, pour seule nationalité, son œuvre », dit Mme Cohen-Solal.

En s’appuyant sur son réseau d’amis, artistes, de marchands d’art, collectionneurs, pour la plupart expatriés, Picasso parvient pourtant à vivre de son art dès 1908.

Il acquiert la notoriété et la richesse dans nombre de pays occidentaux : avant la Première Guerre mondiale, dans les empires austro-hongrois, allemand et russe, ainsi qu’en Suisse. Et, à partir de l’entre-deux guerres, aux États-Unis.

Mais, étranger et surveillé, il est ignoré et méprisé en France. Rares sont les critiques qui y louent son travail. Les musées, d’un académisme écrasant, ne montrent aucun intérêt, et il ne trouve pas d’acheteurs, hormis des collectionneurs expatriés, comme le couple Leo et Gertrude Stein.

Séquestration des œuvres

Un des épisodes marquants a lieu en 1914 avec la séquestration, par l’État français, de 700 œuvres de sa période cubiste, hébergées par son ami et marchand d’art Daniel-Henry Kahnweiler et qui seront dispersées dans une parodie d’enchères et vont disparaître pendant près de 10 ans.

En 1937, engagé auprès des républicains espagnols, il réalise Guernica, dénonciation de tous les fascismes, qui lui vaut une renommée artistique et politique internationale.

Quand il demande, par crainte d’être expulsé, la nationalité française en 1940, elle lui est refusée. « C’est un obscur fonctionnaire de guichet, pétainiste et peintre du dimanche, qui enterre son dossier », raconte Mme Cohen-Solal.

Il faudra attendre 1947 pour qu’il entre dans les collections publiques françaises. Il refusera ensuite tous les honneurs, y compris la Légion d’honneur en 1966.

Source : AFP

Picasso l’Espagnol débarque à Paris à 19 ans dans une France à peine sortie de l’affaire Dreyfus, où son talent lui vaut de présenter une toile à l’Exposition universelle de 1900. Il restera plus de 70 ans dans ce pays sans jamais être naturalisé.À l’époque, il ne parle pas français et il est hébergé dans une grande précarité par ses seuls amis sur place, les Catalans. Ce qui lui vaut d’être surveillé en permanence et qualifié, à tort, d’anarchiste. « Traité par la police comme un “fiché S” d’aujourd’hui », écrivent les auteurs du catalogue de l’exposition.Pendant 40 ans, naviguant entre effervescence artistique et guerres meurtrières, il sera successivement étiqueté anarchiste catalan, républicain espagnol et communiste, dénigré comme avant-gardiste, alors qu’il est à...
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