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Comment conjuguer, au Liban, contraception et crise économique ?

Les pharmacies du pays ont passé plusieurs mois sans aucune boîte de pilules contraceptives dans leurs stocks. Quant aux préservatifs, ils sont désormais hors de prix. Face à cette situation, de nombreux couples vivent dans la hantise d’une grossesse non désirée.

Comment conjuguer, au Liban, contraception et crise économique ?

Des préservatifs mis sous clé, dans une grande surface de la banlieue est de la capitale. Photo Zeina Antonios

Sarah*, la trentaine, s’est retrouvée il y a quelques semaines à faire la tournée des pharmacies de Beyrouth avec son compagnon au beau milieu de la nuit, après un accident de contraception. Soucieux d’éviter une grossesse non désirée, le couple voulait se procurer la pilule du lendemain, mais il ne se doutait pas de la complexité d’un tel achat, dans un contexte de pénurie aiguë d’un grand nombre de médicaments. « J’ai finalement trouvé une pharmacie qui avait cette pilule dans ses stocks, sauf que j’ai été surprise par le prix. J’ai déjà eu recours à cette contraception d’urgence il y a quelques années. Elle coûtait 40 ou 50 000 livres libanaises à l’époque. Là, j’ai eu la surprise de découvrir qu’elle se vendait désormais à 400 000 livres, un montant énorme alors qu’il s’agit d’un produit de première nécessité », confie Sarah à L’Orient-Le Jour.

« J’ai essayé d’autres pharmacies dans l’espoir de trouver une marque moins chère, sans succès. Je suis même tombée sur une pharmacie qui vendait la marque que je me suis procurée à 450 000 livres », témoigne la jeune femme. « J’ai accepté de payer autant car je n’avais pas le choix. Mais je me demande comment font ceux qui n’ont pas les moyens pour se protéger contre les grossesses non désirées, sachant que le salaire minimum est toujours de 670 000 livres libanaises », lance-t-elle. « Les Libanais sont-ils désormais obligés de prendre des risques pour faire des économies? » se demande encore Sarah.

La pénurie de médicaments, et notamment de pilules contraceptives, s’est accentuée depuis que la Banque du Liban (BDL) a commencé, fin avril, début mai, à poser des restrictions concernant les importations financées par des dollars subventionnés par la BDL. Après avoir été introuvables pendant des mois, les pilules ont été réintroduites dernièrement sur le marché, mais en quantités insuffisantes et à des prix plus élevés que d’habitude.

« Nous avons passé quatre à cinq mois sans aucune boîte de pilules contraceptives en stock, confie à L’OLJ une pharmacienne à Beyrouth, sous le couvert de l’anonymat. Depuis que les subventions ont été partiellement levées (sur certains médicaments, en juillet dernier), nous avons commencé à recevoir deux à trois boîtes par mois, mais ce n’est pas du tout suffisant pour notre clientèle. Les importations n’ont pas encore vraiment repris. Et malheureusement, il n’y a pas de génériques locaux de ces pilules sur le marché », explique-t-elle. « Le problème, c’est que chaque pilule a ses spécificités et seul le médecin décide de la pilule à prendre. Les femmes ne peuvent donc pas changer de contraception orale du jour au lendemain sans risquer des effets secondaires », alerte la pharmacienne.

Devenus trop chers depuis que la crise économique a commencé à s’envenimer, les préservatifs sont désormais gardés dans des boîtes fermées à clé dans certaines grandes surfaces, afin d’éviter les vols. Photo Zeina Antonios

Au moins six mois sans pilules

Face à cette pénurie de contraceptifs oraux, de nombreux couples ont de plus en plus recours aux méthodes contraceptives dites « traditionnelles », mais dont l’efficacité n’est pas toujours garantie. « Les gens ont repris les méthodes ancestrales de contraception, comme le coitus interruptus ou le calcul de la période de fertilité de la femme, mais il y a une probabilité d’échec de 25 % avec ces méthodes-là », avertit le Dr Fayçal el-Kak, gynécologue et directeur du programme de santé sexuelle pour les femmes à l’hôpital de l’Université américaine de Beyrouth (AUBMC). « Les gens ont été privés de pilules contraceptives pendant au moins six mois cette année. Même les stérilets étaient introuvables à un moment », raconte ce gynécologue. Le coût de la pose d’un stérilet a, en outre, considérablement augmenté, car il est désormais calculé en dollars selon le taux du marché noir. « La pose d’un stérilet coûte aujourd’hui entre deux millions et quatre millions de livres, selon les médecins », indique le Dr Kak. Le pays ne dispose pas de chiffres officiels sur les grossesses non désirées depuis le début de la crise économique, mais le gynécologue assure qu’elles sont en forte augmentation. « Il n’y a pas de chiffres au niveau national pour le moment, mais le nombre de grossesses non désirées et d’avortements a certainement augmenté. Ce genre de situation est compliqué à gérer pour les couples, dans un pays où l’avortement est interdit sauf si la grossesse est à risque. De nombreuses personnes se retrouvent dans l’impasse. Soit elles décident de garder l’enfant malgré les difficultés financières, soient elles tentent d’interrompre la grossesse », indique le Dr Kak. Le médecin appelle dans ce contexte à « ne pas négliger la santé sexuelle et reproductive, même en temps de crise ». Il révèle que certains centres de santé primaire relevant du ministère de la Santé ont continué à distribuer un certain genre de pilule ces derniers mois. « Ces pilules sont accessibles dans les centres de santé primaire, mais chaque femme doit consulter son médecin avant de prendre un nouveau genre de pilule contraceptive », alerte le gynécologue.

« Nous avons laissé tomber les préservatifs »

La situation s’est également compliquée pour les couples qui utilisent le préservatif comme moyen de contraception, leurs prix ayant considérablement augmenté. Ce qui a poussé certaines grandes surfaces à enfermer ces produits dans des boîtes en plastique fermées à clé pour éviter les vols. Certains couples confient avoir laissé tomber les préservatifs et privilégier désormais les méthodes contraceptives d’antan. Rami*, 43 ans, et Maria*, 39 ans, sont parents d’un petit garçon de trois ans. Ils font partie des ménages qui ont désormais recours au calcul des jours de fécondité, mais ils vivent dans l’angoisse permanente d’une grossesse non désirée. « Avant la crise, j’achetais la boîte de 12 préservatifs à 30 000 livres libanaises. Aujourd’hui, elle est vendue à plus de 100 000 livres, témoigne Rami. En plus, la marque à laquelle j’étais habitué est presque introuvable depuis des mois. Nous avons donc laissé tomber les préservatifs. » « Je me suis lancée dans le calcul des jours du cycle mensuel durant lesquels je suis susceptible de tomber enceinte, confie pour sa part Maria. J’essaie d’éviter une deuxième grossesse, au vu de la situation économique. » « Si ma femme tombe enceinte, c’est la catastrophe, renchérit Rami. Avec la cherté de la vie et les pénuries de médicaments et de matériel médical, nous ne sommes même pas sûrs de pouvoir trouver un hôpital pour faire le suivi de la grossesse, sans parler du coût d’élever un second enfant dans un tel contexte. »

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Un défi pour la jeune Libanaise

Pour faire face à la flambée des prix des préservatifs, l’officine interrogée par L’OLJ avoue avoir commencé à proposer à ses clients des marques moins chères, mais moins connues et dont l’efficacité reste à prouver. « Certaines marques sont passées de 22 000 livres à 110 000 livres. Une boîte de douze préservatifs se vend désormais à 180 000 livres. Certains modèles peuvent coûter plus de 200 000 livres. Les prix sont choquants », commente cette pharmacienne. « J’ai donc commencé à vendre de nouvelles marques, mais je ne sais pas si elles sont vraiment de bonne qualité. Le problème, c’est qu’on risque de contracter des maladies sexuellement transmissibles (MST) si le préservatif n’est pas conforme aux normes », admet-elle.Un risque contre lequel le Dr Fayçal el-Kak met également en garde. « Il faut faire attention car certaines marques ne sont pas approuvées par la FDA (Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux) ou l’EMA (Agence européenne des médicaments). On ne peut donc pas savoir si elles sont réellement efficaces contre les MST ou les grossesses non désirées », alerte-t-il.

« La pilule contraceptive est quasi introuvable et les préservatifs sont hors de prix. C’est d’un ridicule, soupire pour sa part la pharmacienne. On peut peut-être se passer de la contraception orale, en calculant ses jours de fertilité, mais impossible d’éviter certaines maladies sans préservatif. »

*Les prénoms ont été changés.

Sarah*, la trentaine, s’est retrouvée il y a quelques semaines à faire la tournée des pharmacies de Beyrouth avec son compagnon au beau milieu de la nuit, après un accident de contraception. Soucieux d’éviter une grossesse non désirée, le couple voulait se procurer la pilule du lendemain, mais il ne se doutait pas de la complexité d’un tel achat, dans un contexte de pénurie aiguë...

commentaires (3)

Les brebis suiveuses et noires noires vont etre ravies, leur nombre va exploser jusqu'a representer 90% de la population libanaise ... Elles en bavent jaune et vert.

Remy Martin

14 h 07, le 04 novembre 2021

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Commentaires (3)

  • Les brebis suiveuses et noires noires vont etre ravies, leur nombre va exploser jusqu'a representer 90% de la population libanaise ... Elles en bavent jaune et vert.

    Remy Martin

    14 h 07, le 04 novembre 2021

  • Eh bien la natalite va exploser... Baby boom en perspective..

    LeRougeEtLeNoir

    10 h 33, le 04 novembre 2021

  • POUR QUI CA INTERESSE LA CROIX ROUGE DITRIBUE LA PILLULE GRATIS , CONSULTER DES DISPENSAIRES OU DES POLYCLINIQUES N"EST PAS UN ABAISSEMENT MESDAMES !!!

    aliosha

    09 h 00, le 04 novembre 2021

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