On aurait pu s’attendre à un visage fermé, une gestuelle embarrassée et un ton des plus modérés. Il y a en effet de quoi se sentir mal à l’aise quand on est à l’origine d’une crise diplomatique aux conséquences majeures pour le pays que l’on est censé représenter. Mal à l’aise, Georges Cordahi n’a pas donné le sentiment de l’être le moins du monde au cours de ces derniers jours. En témoigne le large sourire qu’il a affiché lors de ses différentes rencontres visant à trouver une issue à la crise, notamment avec le patriarche maronite Béchara Raï. Celui qui peut désormais se targuer d’avoir son portrait géant affiché dans les rues de Sanaa, la capitale yéménite dominée par les houthis, alliés de l’Iran, a l’air au contraire de jubiler depuis qu’il est à nouveau sous le feu des projecteurs.
L’Arabie saoudite a annoncé vendredi dernier une série de mesures punitives contre le Liban. Si de l’aveu même des responsables saoudiens, l’escalade dépasse largement cette affaire, elle intervient après la diffusion par al-Jazeera d’une interview de Georges Cordahi réalisée avant qu’il n’entre au gouvernement, dans laquelle il critique l’offensive du royaume contre les houthis au Yémen. Une sortie qui a fait de ce trublion un pion central de la vie politique libanaise, les uns, dont le Premier ministre Nagib Mikati, appelant à sa démission, les autres, Hezbollah en tête, faisant de son maintien à son poste un enjeu de premier plan. « Ma démission du gouvernement est hors de question », a lancé le ministre après sa rencontre avec le patriarche, comme si cette décision lui appartenait. Même son parrain politique, le chef des Marada, Sleiman Frangié, ne semble pas avoir de marge de manœuvre dans ce dossier, le sort du ministre étant entièrement entre les mains du Hezbollah. Contacté par L’OLJ, Georges Cordahi n’a pas souhaité commenter cette affaire, tout comme le parti des Marada.
« Personne n’ose plus parler de lui dans l’équipe »
L’ancien présentateur-vedette ne cesse en tous cas de rajouter de l’huile sur le feu en refusant de présenter ses excuses à l’Arabie saoudite. Comme s’il s’agissait pour lui d’une affaire qui dépasse largement la politique. Après avoir affiché son soutien pour le régime syrien en 2011, il est mis à la porte par la chaîne saoudienne MBC, qu’il avait rejoint en 2000, et dans lequel il a connu son heure de gloire en animant la version arabophone de l’émission « Qui veut gagner des millions ? ». « La révolution est une conspiration visant à ébranler la sécurité de la Syrie », déclare-t-il à l’époque. « Il a été remercié alors qu’il était en plein tournage, après des déclarations en faveur de Bachar el-Assad », se souvient une productrice libanaise qui a travaillé avec lui il y a quelques années. « Il a été très affecté à l’époque car il était très connu. Je crois qu’il était convaincu de ce qu’il disait à propos de la révolution syrienne. Je pense qu’il est également convaincu de ce qu’il a déclaré dernièrement sur le Yémen », ajoute cette productrice qui a requis l’anonymat. Une journaliste proche de la chaîne saoudienne révèle, pour sa part, que « la direction de la MBC a expressément demandé cette semaine à ses employés de ne pas évoquer l’affaire Cordahi ni ses années passées au sein de la chaîne ». « Personne n’ose plus parler de lui au sein de l’équipe. La direction l’interdit en quelque sorte, malgré le fait qu’ils s’étaient réconciliés il y a quatre ans », confie la même journaliste, sous le couvert de l’anonymat.
Le ministre de l’Information a débuté sa carrière journalistique dans les années 70 au sein de Télé Liban, la chaîne de télévision publique libanaise, où il a été présentateur du journal télévisé, correspondant, reporter et rédacteur jusqu’en 1978. Puis c’est la radio qui lui ouvre ses portes. De 1979 à 1992, il travaille pour Radio Monte Carlo à Paris, puis à Radio Orient, avant d’être embauché par la radio MBC FM à Londres en 1994. Après son départ précipité de la MBC en 2011, il rejoint brièvement la chaîne libanaise LBCI. Il se rend ensuite en Égypte où il anime plusieurs émissions. « Il était poli, mais sans plus. Un peu arrogant, mais il était apprécié à l’antenne. C’est un homme très paternaliste et traditionnel », assure une autre productrice qui a travaillé avec lui.
« Qu’il aille vivre en Syrie »
En quelques jours, le journaliste est devenu un symbole, héros pour les uns, traître pour les autres. « Bien sûr que je soutiens Georges Cordahi dans toute cette affaire, comme toute la banlieue-Sud », témoigne Itaf, partisane du Hezbollah, qui vit à Haret Hreik. « C’est un patriote, il soutient Bachar el-Assad », renchérit-elle tout sourire. Même son de cloche du côté de Mohammad, 55 ans, également habitant du quartier de Haret Hreik et partisan du Hezbollah. « On l’a toujours aimé, depuis qu’il fait de la télé, mais c’est vrai qu’après toute cette histoire on l’aime d’autant plus. Il est juste et honnête ». A Tarik Jdidé, quartier sunnite beyrouthin connu pour être proche de l’ancien Premier ministre Saad Hariri, les critiques fusent. « Qu’il aille vivre en Syrie et au Yémen puisque son allégeance ne va pas au Liban », s’énerve Ali qui vit dans le quartier. « Il nous a mis dans un énorme pétrin… Et en plus, il insulte le seul pays qui peut nous aider », abonde-t-il. Samer, à côté de Ali, martèle: « Nous avions réussi à reconstruire nos relations avec le monde arabe, et voilà qu’il nous engouffre de nouveau dans un tunnel sans fin »...
Mal à l’aise, Georges Cordahi n’a pas donné le sentiment de l’être le moins du monde au cours de ces derniers jours. c est normal un mec qui critique l arabie saoudite qui bombarde des civiles musulmans au Yemen il a peut etre raison, mais il soutien Assad pere et fifs qui ont bombardé et gazés leurs propres peuple ca me semble anormal , il doit avoir un serieux problème ce mec , je ne vois pas ce qu il fait dans un gouvernement
18 h 05, le 03 novembre 2021