Tout laisse croire que la quasi-rupture de nos relations avec certains pays du Golfe n’est que l’équivalent diplomatique de ce qui s’est passé à Beyrouth, sur le plan militaire, le 14 octobre. Une sorte de Tayouné diplomatique. Un « halte-là ! » à la politique expansionniste et curieusement désinvolte d’un Hezbollah « sûr de lui et dominateur », pour reprendre une expression de De Gaulle. « Trop, c’est trop », a réagi Saad Hariri la semaine dernière, las des avances politiques continuelles qu’il a faites au Hezbollah, sans reconnaissance de dette. « Trop, c’est trop », ont sans doute jugé quelques habitants à Aïn el-Remmané, en décidant à grands risques d’ouvrir le feu sur une foule fanatisée qui dévalait en hurlant dans leurs rues et ruelles. « Trop, c’est trop », ont réagi aujourd’hui les Saoudiens et à leur suite les Émirats arabes unis, le Koweït et Bahreïn, aux propos apparemment éthiques de Georges Cordahi jugeant « absurde » la guerre au Yémen – il est toujours de bon ton de condamner la guerre –, mais qu’ils accusent l’Iran d’alimenter. Vue sous cet angle, la quasi-rupture des relations diplomatiques est tout à fait compréhensible, même si nous considérons injuste une décision qui sanctionne un peuple, et non un parti. Quelque part, cette sanction nous aide à voir plus clair et à assumer collectivement, comme nation, les conséquences de nos actes. Du reste, nous aurions pu réagir différemment à cette crise, par exemple en confiant immédiatement au ministre des Affaires étrangères une tournée arabe d’explication ! En lieu et place d’une solide réponse et de protestations d’amitié, nous avons eu droit aux bons sentiments du chef de l’État et du Premier ministre, qui ressemblent, sur le plan politique, aux facéties d’un clown de cirque entre deux numéros de fauves.
C’est à bon droit que le ministre saoudien des Affaires étrangères a jugé que la crise diplomatique renvoie en fait à notre propre crise, à la parodie qui nous sert de politique, tandis que nous continuons à être étrillés par les mêmes escrocs et intimidés par les mêmes chemises noires. Et il est presque certain qu’il y aura d’autres « trop, c’est trop » si le Hezbollah et ses partenaires chrétiens ne cessent d’exaspérer les Libanais et le monde.
Ce qui est sûr, c’est que greffé sur celui du Grand Liban, le projet de société du Hezbollah n’est pas viable. Il n’est pas compatible avec le projet pluraliste et somme toute pacifique de la coexistence harmonieuse des sociétés et cultures qu’est le Grand Liban. Les deux projets sont condamnés à entrer régulièrement en conflit, sinon à divorcer.
En retour, selon un concept développé par l’historien britannique Arnold Toynbee, les maronites, la « minorité créatrice » à l’origine du Grand Liban, doivent comprendre qu’ils sont à la croisée des chemins. Ils ont en face d’eux une autre « minorité créatrice » en phase ascendante, et pour l’attirer à leur projet, ils doivent séduire autant que sermonner, ou contraindre. Mieux, ils doivent séduire avant de contraindre. Sinon, ils seront promis au déclin avant de porter le fruit auquel les destinait leur vocation historique.
Quels fruits a donc portés le Grand Liban jusqu’à présent ? Certes, et dit à sa décharge, il a été confronté à des défis presque insurmontables, qui se sont succédé dans un temps historique très court : création d’Israël, nationalisme arabe, Grande Syrie, réveil palestinien, réveil islamique, relativisme éthique venu d’Occident. Mais le Grand Liban a été également confronté à de redoutables défis internes appelés mercantilisme, individualisme, cupidité et corruption. La liste n’est pas limitative.
La seule chance de survie qui reste au Grand Liban réside dans un effort vers le haut, un effort aussi bien intellectuel que de vertu, qui enrôlerait les autres communautés dans un projet commun où elles se reconnaîtront, leur apportant ce que, laissées à elles-mêmes, elles n’auraient jamais pu obtenir, quelque chose qui soit plus qu’un simple équilibre de force, quelque chose qui soit à la fois souffle de liberté et souffle de vérité. Et de justice.
Tout laisse croire que la quasi-rupture de nos relations avec certains pays du Golfe n’est que l’équivalent diplomatique de ce qui s’est passé à Beyrouth, sur le plan militaire, le 14 octobre. Une sorte de Tayouné diplomatique. Un « halte-là ! » à la politique expansionniste et curieusement désinvolte d’un Hezbollah « sûr de lui et dominateur », pour...
commentaires (4)
L’état de décrépitude de notre pays n’est pas l’œuvre du seul HB. certains vendus chrétiens et sunnites ont contribué à l’anéantissement de notre pays pour se faire un nom dans un pays où seules les apparences et le bling bling comptent. Ils ont voulu une ascension sociale à n’importe quel prix mais la transaction s’est avérée disproportionnée par rapport à leurs attentes mercantiles et honteuses puisque c’est le pays tout entier avec son peuple ont servi de troc contre leur seul égocentrisme démesuré. L’histoire retiendra leur trahison pour le rappeler aux générations futures dont leurs descendants feraient partie à jamais couverts de honte d’avoir servi les ennemis contre leur nation pour des cacahuètes.
Sissi zayyat
12 h 22, le 03 novembre 2021