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Société - Quota féminin

Représentation des femmes au Parlement : de nombreuses propositions sans réelle volonté politique

Dans la vie politique libanaise, chaque pas en faveur de la représentation des femmes est généralement suivi d’un autre à reculons.

Représentation des femmes au Parlement : de nombreuses propositions sans réelle volonté politique

La proposition de quota féminin de la députée d’Amal Inaya Ezzeddine a été retenue par le Parlement avant d’être renvoyée en commission parlementaire mixte. Photo AFP

Une étape importante avait été franchie sous le gouvernement de Saad Hariri lorsqu’un poste ministériel avait été créé pour les affaires féminines. Avant de tourner rapidement au ridicule, ce siège ayant été confié... à un homme. Dans le gouvernement formé par Hassane Diab, qui a succédé à celui de Saad Hariri, les femmes occupaient un tiers des sièges ministériels, y compris des postes de haut niveau comme les ministères de la Justice et de la Défense. Mais la représentation restait inégale. Quant à la composition du gouvernement actuel, présidé par Nagib Mikati, elle a suscité un tollé, son équipe ne comprenant qu’une seule femme ministre.

En l’absence de politiques soutenant la participation accrue des femmes dans la vie politique, les militantes des droits des femmes au Liban craignent que leur représentation au Parlement après les législatives de 2022 ne soit tout aussi négligeable.

Malgré leurs faibles chances, les promoteurs de cette cause font pression pour obtenir un quota féminin lors des prochaines élections. Récemment, le Parlement a retenu une proposition de quota féminin soumise par la députée Inaya Ezzeddine (Amal/Tyr) qui était, au moins dans le principe, soutenue par son parti et son chef, le président du Parlement Nabih Berry.

Dans sa version initiale, la proposition de la parlementaire a été rejetée lors d’une réunion de la commission parlementaire conjointe au début du mois d’octobre, M. Berry en a proposé une version révisée au cours de la dernière réunion plénière du Parlement. Mais aucun accord n’a été trouvé et l’amendement a été renvoyé en commission pour une étude plus approfondie, ce qui est généralement considéré comme une condamnation à mort pour un projet de loi.

Un aléa qui n’a pas poussé les défenseurs d’un quota à baisser les bras. Le député Chamel Roukoz (Indépendant/Kesrouan) a ainsi déposé il y a quelques jours une nouvelle proposition de quota féminin préparée par la Commission nationale des femmes libanaises, présidée par son épouse (et fille du président de la République), Claudine Aoun.

Ce que l’on sait des modifications de la loi

Ce texte réserve 24 sièges aux femmes dans le Parlement sur 128, soit 18,75 % des postes parlementaires. Cette proposition n’a pas encore été étudiée par le Parlement mais a reçu la bénédiction du beau-père de Chamel Roukoz, le président de la République Michel Aoun. La députée Inaya Ezzeddine a déclaré qu’elle rencontrerait des représentants de commission nationale pour étudier la proposition la plus solide possible.

La proposition de Chamel Roukoz diffère de celle initialement soumise par le bloc Amal, qui visait à réserver 26 sièges sur les 128 existants pour les femmes au Parlement, répartis équitablement entre musulmans et chrétiens, afin de maintenir une représentation égale. La proposition exigeait également que 40 % des listes électorales comprennent des femmes. Les communautés ayant moins de deux sièges n’ayant pas à réserver une place à la gent féminine. Cette proposition initiale ayant été jugée trop compliquée, le projet révisé et soumis récemment par Nabih Berry à la Chambre comprenait une clause qui permettrait au Parlement, par consensus, de discuter du nombre de sièges, de la communauté et des blocs auxquels appartiendraient les femmes désignées, au lieu d’imposer ces décisions. Mme Ezzeddine précise que son bloc a choisi de supprimer la clause relative aux listes électorales dans le but de simplifier le texte. « Entre l’application de pourcentages sur les listes électorales et l’obtention de sièges pour les femmes, nous avons dû choisir cette dernière option, étant donné que l’application de pourcentages ne garantit pas que les femmes soient élues et obtiennent des sièges au Parlement », souligne la députée.Experte en genre et militante féministe, Abir Chebaro déclare à L’Orient Today que la Commission nationale pour les femmes libanaises donne mandat aux femmes de se présenter aux élections sur une liste spécifique aux sièges de quota plutôt que sur des listes électorales sectaires, afin qu’elles soient en concurrence entre elles et que celles qui recueillent le plus grand nombre de voix l’emportent.

Car si les femmes devaient se présenter sur les listes électorales, une candidate qui recueillerait beaucoup de voix mais qui se trouverait sur une liste électorale défaillante échouerait de facto. Ainsi, cette mesure garantit que les femmes soient représentées au Parlement et dans le nombre de sièges proposé.

Avant de voter la loi, les députés doivent voter en faveur d’un caractère de double urgence, mais la majorité d’entre eux ont préféré la renvoyer en commission mixte, citant des « brèches » et d’autres problèmes. Le député Jamil al-Sayed (Indépendant/Baalbek-Hermel) indique à L’Orient Today que seuls 15 députés ont voté pour adopter l’amendement sous sa forme actuelle, tandis que d’autres estiment qu’il a encore besoin d’être peaufiné.

Pour mémoire

Les commissions parlementaires mixtes refusent de débattre sur les quotas féminins

Le député Ali Fayad (Hezbollah/Marjayoun-Hasbaya), qui fait partie des opposants à la proposition, fait valoir que la loi imposera la représentation des femmes au détriment de l’équilibre sectaire. « Le premier projet de loi soumis par Inaya Ezzeddine prend en compte la communauté et la région, mais le second répartit les sièges des femmes dans les régions sans tenir compte des confessions », juge-t-il auprès de L’Orient Today.

De son côté, Mme Ezzeddine reconnaît qu’il pourrait y avoir des lacunes techniques dans le projet d’amendement de la loi, mais fait valoir que ces points auraient pu être débattus, discutés et corrigés au cours de la session parlementaire si l’idée d’accorder un quota aux femmes avait été reconnue et soutenue. « Mais il n’y avait aucune intention de l’adopter », déplore-t-elle. La parlementaire estime que ceux qui prétendent que le quota féminin perturberait l’équilibre sectaire au Parlement ne cherchent que des excuses pour rejeter la loi. « Les femmes candidates aux élections représenteraient déjà une communauté conformément à la loi électorale », souligne-t-elle.

Les positions des députés

Au cours de la session parlementaire, une seule députée, Roula Tabch (courant du Futur/Beyrouth II), a réclamé un quota plus élevé que celui proposé – elle a d’abord demandé qu’il y ait un quota de 50 % mais a finalement accepté un minimum de 20 %. Mme Tabch exprime le soutien du courant du Futur au quota féminin, affirmant que le parti « serait d’accord sur tout nombre proposé de sièges réservés ou de pourcentage sur les listes électorales ». De leur côté, le député Ali Fayad ainsi que le Premier ministre Nagib Mikati ont estimé qu’un quota de femmes ne ferait que compliquer davantage la loi électorale déjà complexe. En vertu de la loi actuelle, si la communauté X se voit attribuer 10 sièges à Beyrouth, par exemple, les partis A et B représentant les habitants de la communauté X de Beyrouth auraient chacun une liste électorale de candidats. Si A obtient 60 % et B 40 % des voix, alors six des membres de A se qualifient comme députés, tandis que quatre candidats de B remportent des sièges. « J’ai étudié l’amendement à la loi et j’ai découvert qu’il ne pouvait pas être appliqué en raison de certaines failles dans le texte », déclare Jamil el-Sayed. « J’ai informé les députés que je suis pour le quota féminin et cette loi, mais que cela devrait être affiné. » L’amendement proposé, cependant, stipule que les femmes qui obtiennent le plus grand nombre de voix remporteraient les sièges, quelles que soient les listes électorales, indique M. Sayed, adoptant ainsi une règle de vote majoritaire plutôt que proportionnelle. « L’adoption de systèmes distincts pour les deux sexes traite les femmes comme une espèce différente », affirme-t-il.Pour sa part, Ali Fayad juge que la dernière proposition de quota féminin présentée par M. Roukoz serait en conflit avec le système de vote à la représentation proportionnelle existant dans le pays. Il souligne que le quota proposé serait en conflit avec la loi électorale actuelle. « Une femme qui obtient une majorité de votes gagnerait aux dépens du candidat qui a décroché les votes les moins privilégiés sur une liste électorale, affirme-t-il. Ainsi, une femme sur une liste électorale qui a échoué pourrait gagner. » M. Sayed suggère que ce quota passe par une phase de transition au cours de laquelle les femmes obtiendraient 20 sièges réservés aux prochaines élections parlementaires, mais se présenteraient normalement comme les hommes dans le cadre de la loi électorale, sachant que les listes électorales ne seront pas acceptées si elles n’incluent pas au moins une femme.

Perspectives de changement

Mme Ezzeddine estime que bien que le quota féminin ait été considéré comme secondaire par rapport aux autres problèmes auxquels le pays est confronté, la représentation des femmes sera la clé de sa reprise économique. « Il a été prouvé par des études que les effondrements sociaux et économiques, à l’échelle mondiale, sont causés par la marginalisation des femmes et des jeunes », explique-t-elle. « Un plan de sauvetage et de relance durable obligerait les femmes à participer aux décisions, en particulier lorsqu’il s’agit de politique. »

Abir Chebaro approuve cette idée et cite pour preuve des études qui montrent que la rentabilité et la croissance des entreprises augmentent lorsque davantage de femmes rejoignent les conseils d’administration. « Un quota féminin ne favorise pas les femmes, mais représente plutôt une mesure positive pour améliorer la gouvernance », précise-t-elle.

Halimé Kaakour, militante des droits des femmes et professeure à la faculté de droit et de sciences politiques de l’Université libanaise, estime qu’idéalement, le Parlement devrait être composé de 50 % de femmes et de 50 % d’hommes. « Mais pour le moment, nous nous mettrons d’accord sur 33 % de femmes… parce que nous avons besoin de femmes au Parlement pour soutenir les femmes qui se présentent », dit-elle.

Dans certains autres pays, comme la France, les partis politiques sont obligés par la loi d’avoir un nombre égal de femmes et d’hommes sur leurs listes électorales sous peine de s’exposer à une amende, indique pour sa part Mme Chebaro. « Nous n’avons pas cela au Liban », ajoute-t-elle, affirmant : « Peu importe que le quota encourage une présence accrue des femmes sur les listes électorales ou la création de listes uniquement pour les femmes, ou encore leur réserve des sièges, ce qui compte, c’est qu’un quota soit adopté pour autonomiser les femmes en politique. »

Mme Kaakour n’est pas tout à fait d’accord. « Un quota de femmes est l’une des meilleures pratiques au monde, mais ce n’est pas suffisant, surtout au Liban », précise-t-elle. Au-delà d’un quota au Parlement, dit-elle, la législature et le gouvernement devraient développer un programme visant à renforcer les droits des femmes, qui devraient être impliquées dans la prise de décision dans tous les domaines. Quant aux raisons de la résistance à un système de quotas, elle explique que les politiciens perdraient une grande partie de leur soutien s’ils remplaçaient, au sein des communautés, leurs représentants masculins par des femmes.

Abir Chebaro pense que les perspectives des femmes au Liban sont limitées par le système patriarcal. Les blocs politiques et les responsables lèguent fréquemment leurs postes à leurs fils. Dans les rares cas où une femme accède au pouvoir, ajoute-t-elle, elles sont généralement liées à des hommes puissants. « Si vous survolez les noms des femmes parlementaires, vous vous rendrez compte que la plupart d’entre elles sont la mère, la fille, la sœur ou la tante d’un politicien », élabore-t-elle.

Les politiques visant à accroître la représentation des femmes sont généralement rejetées, relève-t-elle. Par exemple, le député démissionnaire Sami Gemayel (Parti Kataëb/Metn) a suggéré en 2017 de réduire les frais d’élection des femmes candidates, mais le Parlement a rejeté son projet de loi. Abir Chebaro ajoute que les blocs politiques s’engagent également dans ce que l’on appelle le « lavage violet », qui fait référence à l’utilisation de l’autonomisation et des problèmes des femmes à des fins électorales. Les blocs promettent souvent d’inclure plus de femmes sur les listes électorales, mais finissent par n’en avoir qu’une ou deux.

La militante précise que les multiples propositions de quotas différentes introduites par différents blocs politiques embrouillent les députés et leur font perdre du temps. « La façon idéale de s’y prendre est d’unir nos forces et d’apporter un amendement inclusif à la loi. »

En ce qui concerne les chances qu’une certaine version du quota féminin soit effectivement adoptée, elle souligne que le Liban fait partie des pays pionniers du droit de vote et de candidature des femmes au Parlement dans la région arabe depuis son introduction en 1952. Mais, aujourd’hui, déplore-t-elle, le Liban a pris du retard dans l’autonomisation des femmes en politique parce qu’« il n’y a pas de volonté politique ».

Une étape importante avait été franchie sous le gouvernement de Saad Hariri lorsqu’un poste ministériel avait été créé pour les affaires féminines. Avant de tourner rapidement au ridicule, ce siège ayant été confié... à un homme. Dans le gouvernement formé par Hassane Diab, qui a succédé à celui de Saad Hariri, les femmes occupaient un tiers des sièges ministériels, y...

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