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Lifestyle - Archéologie

Un monastère aussi ancien que l’islam découvert au Koweït

Longtemps « terra incognita » sur la carte archéologique, l’émirat dévoile des sites en grand nombre, dont celui d’al-Qusur qui a abrité une communauté chrétienne dès le VIIe siècle...

Un monastère aussi ancien que l’islam découvert au Koweït

Collatéral sud et partie sud du narthex de l’église monumentale d’al-Qusur. Photo NCCL DAM/ le carnet de la MAFKF

Chaque année, les autorités koweïtiennes financent des missions locales et internationales pour fouiller le passé de l’île de Faïlaka, au large de Kuwait City. Jadis située sur les routes maritimes commerciales entre la Mésopotamie et l’Indus, cette île d’environ 50 km2 a dévoilé pas moins de treize sites archéologiques ayant abrité des populations diverses depuis l’âge du bronze. Des fouilles françaises menées au centre de l’île, dans le village d’al-Qusur, ont ainsi révélé les traces de la présence d’une communauté chrétienne implantée au VIIe siècle, peu avant l’avènement de l’islam, et ce jusqu’à la période abbasside. Les campagnes de fouilles, qui se sont déroulées de 2011 à 2018 sur plus de 1,8 km de long, ont mis au jour un monastère et deux églises. Celles-ci « diffèrent en taille, en plan et dans leurs techniques de construction. La plus imposante, construite en briques crues, était ornée de croix et de décors en stuc », signale Julie Bonnéric dans le Carnet de la Mission archéologique franco-koweïtienne de Faïlaka (MAKF).

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Coresponsable des fouilles, chercheuse associée à l’IFPO-Beyrouth, Mme Bonnéric explique qu’autour des églises se répartissaient « de nombreux édifices qui suivent, pour la plupart, un plan type : une habitation à enclos composée de deux pièces ou plus ainsi qu’une unité annexe séparée (cuisine, pièce de stockage, etc.) ». L’ensemble des vestiges de surface révèle une organisation relativement homogène (avec des types et orientations similaires). Le plan du site, complété par l’observation de photographies aériennes anciennes et de photographies réalisées via des cerfs-volants, a été réalisé par Jean Humbert, dessinateur-infographe spécialisé en archéologie, en charge du relevé du site d’al-Qusur. Il le décrit comme « un ensemble d’îlots d’habitations accolées, orientées nord/nord-ouest et réparties de façon homogène autour des deux églises et d’une place centrale de 76 x 62 m, probablement une esplanade ». Les îlots sont en général constitués de deux à cinq unités. Chacune comprend une habitation aménagée au minimum en deux pièces. Une à trois autres pièces sont appuyées contre le mur d’enclos de l’unité, et pouvaient servir d’entrepôt, de bergerie ou de cuisine. Aucune porte ou ouverture n’a pu être identifiée. Au moins six axes de circulation donnent accès à l’esplanade depuis les zones d’habitation.


Céramique trouvée à Faïlaka, au Koweït. Photo tirée du site de The Archeology News Network

En élargissant leurs investigations du côté nord de l’esplanade, les archéologues ont exhumé les ruines d’une bâtisse centrale formant un carré de 27 mètres de côté, amplement détachée des autres blocs par de larges espaces de circulation. « Il n’est pas exclu qu’il s’agisse d’un édifice religieux pouvant regrouper le dortoir ou les cellules, la salle capitulaire, le réfectoire, la grande salle des moines, etc. », confie Jean Humbert. C’est cependant la découverte, dans la partie centrale du bâtiment, de placettes occupées par un édicule qui mettra en évidence la nature monastique des lieux. Pour finir, deux petites zones circulaires (moins de 2 m de diamètre) contenant une concentration de petites pierres et de tessons de céramique apparaissent au nord de l’esplanade des églises. « Elles pourraient marquer l’emplacement de fosses ou de puits. » L’étude postfouille de la céramique mise au jour – fragments de cruche eggshell, tessons estampés, coupes à carène recouverte d’une glaçure turquoise ou encore céramiques ornées de motifs gougés – a démontré que le site d’al-Qusur avait été occupé par la communauté chrétienne dans la seconde moitié du Ier millénaire de notre ère, peu avant l’avènement de l’islam, et jusqu’à la période abbasside.


Faïlaka, le carnet de la MAFKF. Photo tirée du site de la MAFKF

Présence chrétienne antérieure à l’année 410

« Ce site est de première importance pour comprendre le monachisme (l’état et le mode de vie des moines) au début de la période islamique. Il offre aussi l’opportunité de mieux appréhender la chronologie des occupations chrétiennes, mais également la liturgie des communautés chrétiennes d’Orient et leur manière de vivre dans le Golfe », note la spécialiste en histoire et archéologie de l’islam médiéval Julie Bonnéric. Dans un article publié sur le site http ://mafkf.hypotheses.org/1286, intitulé « Le christianisme dans le golfe Arabo-Persique : une histoire ancienne mais encore obscure », elle souligne que la présence de chrétiens dans cette région remonte probablement à la fin du IVe siècle, citant des témoignages textuels faisant référence à une occupation chrétienne à la fin du IVe siècle, tels les actes du synode de Séleucie-Ctésiphon (410). « Le concile mentionne les évêques des “îles maritimes”, correspondant aux îles de l’archipel de Bahreïn, alors placées sous l’autorité de l’évêque de Séleucie-Ctésiphon. Ce texte atteste une présence chrétienne antérieure à la tenue de ce synode. » Outre le synode de Séleucie, des sources syriaques (chroniques, actes de synodes, lettres ou récits hagiographiques) mentionnent l’existence d’évêchés et de monastères dans le Golfe, et fournissent des informations sur la localisation et l’organisation des communautés. Ainsi, cinq centres ont pu être localisés : Dayrin, Hagar et Hatta (Arabie saoudite), ainsi que Mâshmâhîg et Talûn (Bahreïn). Mais « les découvertes archéologiques attestant des occupations chrétiennes restent, quant à elles, assez pauvres pour cette période. Il est possible que les sites précoces n’aient pas encore été mis au jour », supposent-elles.

Concernant la longévité de cette occupation et son maintien après l’islamisation de la région au VIIe siècle, les chercheurs sont en désaccord. « Pourtant, l’archéologie atteste de la présence de communautés chrétiennes jusqu’au IXe siècle. Au moins trois sites chrétiens – al-Qusur au Koweït, Khârg en Iran et Sîr Banî Yâs aux Émirats arabes unis – étaient encore occupés au début de la période abbasside », souligne Julie Bonnéric.

Chaque année, les autorités koweïtiennes financent des missions locales et internationales pour fouiller le passé de l’île de Faïlaka, au large de Kuwait City. Jadis située sur les routes maritimes commerciales entre la Mésopotamie et l’Indus, cette île d’environ 50 km2 a dévoilé pas moins de treize sites archéologiques ayant abrité des populations diverses depuis l’âge du...

commentaires (1)

Un article interessant. Une autre hypothese pourrait etre que c'est un batiment de stockage de biens sans fonction religieuse ? En tous cas, l'article montre que le Koweit et les pays du golfe ont une grande histoire et des sites archeologiques interessants, dont les mysteres ne sont pas encore reveles ... C'est aussi triste de lire que ce site a ete endommage pendant la guerre d'Irak/Golfe a l'epoque de l'invasion americaine.

Stes David

11 h 06, le 03 novembre 2021

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Commentaires (1)

  • Un article interessant. Une autre hypothese pourrait etre que c'est un batiment de stockage de biens sans fonction religieuse ? En tous cas, l'article montre que le Koweit et les pays du golfe ont une grande histoire et des sites archeologiques interessants, dont les mysteres ne sont pas encore reveles ... C'est aussi triste de lire que ce site a ete endommage pendant la guerre d'Irak/Golfe a l'epoque de l'invasion americaine.

    Stes David

    11 h 06, le 03 novembre 2021

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