La nouvelle « stratégie » du ministère de l’Agriculture, annoncée par le ministre Abbas Hajj Hassan lors d’un entretien accordé au site libanais Alsaham quelques jours après la formation du gouvernement Mikati le 10 septembre dernier, semble sur la bonne voie. Divisée en deux principaux axes – réduire les coûts de production et ouvrir de nouvelles voies d’exportations via la Syrie –, cette stratégie vise également à faire face aux principaux défis auxquels le secteur est immédiatement confronté, comme la nécessité d’écouler à l’étranger une partie de la production locale de pommes, l’un des fruits les plus cultivés au Liban.
Pour ce faire, le ministre a assuré que de nombreux contacts avec des « confrères arabes » avaient été établis ces dernières semaines jusqu’à l’annonce, vendredi dernier, d’une « ouverture » du marché jordanien à l’importation des pommes libanaises. Une annonce à relativiser dans la mesure où il s’agit plutôt d’une hausse des volumes exportés vers ce pays qui n’a pas récemment fermé ses frontières aux produits libanais. Dans les faits, « le calendrier agricole, soit les périodes au cours desquelles il est permis d’exporter des pommes en Jordanie, est fixé depuis plus de 15 ans », explique le Centre de recherches et d’études agricoles libanais (Creal).
Un bon signal pour la filière
Les exportations de pommes vers la Jordanie ont connu « un bond », passant de « 367 tonnes en 2020 à 2 904 au 30 septembre » de cette année, alors que ce marché restait jusqu’à présent assez limité, « tournant généralement autour de 100 à 150 tonnes par an, avec un maxima de 1 600 tonnes importées atteint en 2016 », selon les chiffres respectivement avancés par le Creal et Antoine Hoyek, président du syndicat des agriculteurs, également contacté. S’il est donc exagéré de parler d’ouverture de ce marché, le fait que les exportations de pommes vers la Jordanie aient autant augmenté reste une bonne nouvelle tangible pour un secteur agricole libanais particulièrement éprouvé par la crise économique et financière que traverse le pays depuis deux ans.
D’autant plus que les acteurs du secteur ont subi les conséquences des restrictions sur le trafic international liées à la pandémie de Covid-19 l’année dernière, impactant notamment le fret, avant qu’un coup de plus leur soit asséné le 23 avril dernier lorsque l’Arabie saoudite a soudainement interdit les importations de fruits et légumes libanais après la saisie, par ses services, de 5,3 millions de comprimés de Captagon – un stupéfiant de type amphétamine – dissimulés dans des cargaisons de grenades provenant du Liban.
Cette décision du royaume saoudien a engendré de lourdes pertes pour les agriculteurs libanais, l’Arabie saoudite étant leur plus gros client en 2020, avec des importations valorisées à 3,3 millions de dollars, soit 14 % du total sur cet exercice, selon un récent rapport de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Beyrouth et du Mont-Liban. Toutefois, et de manière assez surprenante, « il n’y a pas eu de pertes significatives, ni en termes de quantités exportées ni en termes de profits » concernant spécifiquement le marché des pommes libanaises vers ce pays, explique le Creal.
Selon les chiffres du centre, l’Arabie saoudite a en effet importé « 4 605 tonnes de pommes libanaises en 2020 et 2 566 tonnes cette année jusqu’à fin septembre » – et ce malgré l’interdiction. En 2019, le royaume saoudien avait importé « 5 500 tonnes » de pommes, pour une fourchette moyenne oscillant entre « 2 000 et 8 000 tonnes par an depuis 2012 », selon Antoine Hoyek. De fait, plus que l’interdiction saoudienne, ce sont davantage « les difficultés de transit (par camion, NDLR) à travers l’Arabie saoudite vers les autres pays du Golfe qui ont limité les exportations des fruits et des légumes libanais » cette année, souligne le Creal.
En effet, sans voie terrestre vers le Golfe, seule l’option aérienne fait sens, mais « son coût est bien trop élevé pour un fruit qui pèse lourd et qui n’est pas vendu cher », explique un acteur du secteur, souhaitant rester anonyme. « Par avion, le prix du transport au kilogramme oscille entre 1,2 dollar minimum et 2,5 dollars maximum, auquel il faut ajouter les coûts du packaging et de livraison », détaille-t-il. L’exportation vers le Koweït, Oman, le Qatar et les Émirats arabes unis s’est donc vue fortement chamboulée par la décision saoudienne, ce qui justifie de « renforcer les accords d’exportation avec les pays voisins, comme la Syrie, l’Irak, la Jordanie, etc. », souligne ce dernier. Des pays qui ne se situent justement pas sur les voies d’exportation passant par l’Arabie saoudite.
Si la hausse des exportations vers le marché jordanien est donc une vraie bonne nouvelle, c’est « le marché égyptien (qui reste) le plus essentiel pour le Liban », explique Antoine Hoyek, le chiffrant à plus de « 55 000 tonnes » de pommes exportées. Une quantité qui compte pour « plus ou moins 75 % » du total de la production destinée à l’export, mais qui reste « insuffisante », selon lui. « Pour garder un équilibre avec la production, estimée à 250 000 tonnes cette année, il nous faudrait en écouler 100 000 à l’export », explique-t-il. Dans ce contexte, la hausse des exportations de pommes libanaises vers la Jordanie « ne change pas grand-chose pour le Liban », insiste-t-il. Elle donne néanmoins un bon signal aux producteurs locaux d’une filière « qui a un brillant avenir (au Liban), comme beaucoup d’autres, si un État responsable se dote d’un plan de développement agricole adéquat », conclut le Creal.
commentaires (1)
qu'on ne mette surtout pas cet avancee sur le compte du pouvoir, du gouv encore mpins de baabda. SEUL n Mikati en est a lui en devoir.
Gaby SIOUFI
11 h 56, le 16 octobre 2021