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Moyen-Orient - Focus

La revanche de Nouri al-Maliki

Le chef de la « Coalition de l’État de droit » a remporté 37 sièges, arrivant en deuxième position des partis chiites, après Moqtada Sadr.

La revanche de Nouri al-Maliki

Nouri al-Maliki, chef de file de la « Coalition de l’État de droit », a remporté 37 sièges lors du scrutin législatif de dimanche. Photo AFP

Certes, il n’avait pas complètement disparu de la scène politique irakienne. Mais en 2014, dans le sillage des conquêtes territoriales de l’État islamique, il avait été contraint à la démission. Et c’est par la petite porte qu’il avait quitté la scène politique.Nouri al-Maliki laisse alors derrière lui un Irak meurtri, ravagé par la corruption et de plus en plus marqué par le sectarisme confessionnel. Pour celui qui fut Premier ministre de 2006 à 2014, puis vice-président de 2014 à 2015 et de 2016 à 2018, les élections législatives qui viennent de se conclure dimanche pourraient ternir l’espoir qu’il pouvait avoir d’un retour en forme de revanche. Selon les résultats annoncés lundi et confirmés hier, le chef de fil de la Coalition de l’État de droit et secrétaire général du parti Daawa, le plus ancien des partis chiites islamistes dont la plupart des anciens Premiers ministres irakiens sont issus depuis 2003, devrait remporter 37 sièges sur les 329 que compte le Parlement irakien. Nouri al-Maliki arrive ainsi en deuxième position des partis chiites derrière Moqtada Sadr qui, après avoir un temps menacé de boycotter le scrutin, confirme de manière attendue son leadership chiite, avec 73 sièges – soit près de 20 de plus qu’aux précédentes élections.

En juillet, le retrait (provisoire) de Moqtada Sadr avait regonflé les espoirs de l’ancien Premier ministre, qui espérait capter une partie des voix chiites. Sous le slogan « Nous restaurerons l’État », l’homme s’était engagé dans une campagne énergique censée redorer son blason, après des années de discrédit, en se présentant comme une force de stabilisation dans un contexte sécuritaire précaire. « Les chiites avaient le choix entre Sadr, Maliki et les factions armées : une partie d’entre eux a préféré M. Maliki, une manière de réhabiliter une personnalité loin des armes », estime Ihsan el-Shammari, analyste et professeur de sciences politiques.

Mais c’était sans compter le revirement du puissant clerc chiite, qui annonce fin août sa participation au scrutin d’octobre. Malgré l’écart consistant le séparant de son rival, la (relative) victoire de Nouri al-Maliki se mesure donc aujourd’hui surtout à l’aune des précédents scrutins – son nombre de sièges s’étant effondré de 89 sièges en 2010, puis 92 en 2014, à seulement 25 sièges en 2018. « Mais cela était dû à la division du parti (NDLR : Daawa) avec Haïder al-Abadi (ancien Premier ministre de septembre 2014 à octobre 2018 ayant mené les efforts de guerre contre les avancées militaires de l’État islamique, NDLR) qui lui a pris beaucoup de voix », explique Hamzeh Haddad, analyste politique et spécialiste de l’Irak.

Débâcle du Fateh

Au fil des années, M. Maliki était certes parvenu à se constituer sa propre clientèle électorale. « On s’attendait cette année à ce qu’il maintienne cette base, mais il était difficile de prévoir s’il parviendrait à l’étendre compte tenu du changement d’échelle dans le mode de scrutin », poursuit Hamzeh Haddad. En novembre 2020, la nouvelle loi ratifiée par le président Barham Saleh avait fait passer le nombre de circonscriptions électorales de 18 à 83, maintenant un certain flou quant à son impact sur le scrutin. Mais les résultats de dimanche ont permis de confirmer la tendance en faveur de M. Maliki : avec 10 sièges de plus qu’en 2018, l’ancien Premier ministre consacre son statut de deuxième plus grande force politique chiite du pays.

Outre sa base électorale traditionnelle, l’ancien Premier ministre a également profité de la débâcle de l’Alliance du Fateh. Considéré comme le grand perdant des élections de dimanche, le deuxième bloc parlementaire au sein de l’Assemblée irakienne lors des élections de 2018 n’obtient cette année que 16 sièges, suite notamment à des divisions internes ayant mené à la sécession du Kataëb Hezbollah, la faction la plus puissante au sein de l’alliance pro-iranienne. « La base électorale sadriste est loyale à Moqtada, quoi qu’il advienne. La compétition a donc lieu entre les autres partis chiites : “l’État de droit” a pris des sièges dans certaines provinces du Sud, comme Mouthana, qui étaient jusque-là tenues par le Fateh », avance Hamzeh Haddad.

Reste à savoir comment l’ancien Premier ministre compte exploiter sa victoire compte tenu de l’affaiblissement du Fateh. M. Maliki, qui est connu pour son sens du pragmatisme et de l’alliance stratégique, pourrait privilégier le mariage de raison avec des forces politiques en mesure de rassembler une majorité – quitte à tourner le dos à ses anciens alliés. Un calcul qui pourrait l’amener à soutenir les députés sadristes. « Il se joindra à la coalition gouvernementale qui élira le président, le Premier ministre et le chef du Parlement – demandant probablement un poste de vice-président pour lui-même, et quelques postes ministériels », indique Hamzeh Haddad. « La formation du gouvernement et les négociations ne seront toutefois pas faciles, notamment à cause des années de rivalité avec Moqtada Sadr », poursuit ce dernier.

Mais pour les forces issues du soulèvement d’octobre, le succès de l’ancien Premier ministre est surtout le signe de l’endurance de la classe politique traditionnelle, représentative du système communautaire, proche de l’Iran et accusée de corruption : l’homme entretient des relations étroites avec Téhéran, ainsi qu’avec les milices chiites pro-iraniennes présentes dans le pays.

Certes, il n’avait pas complètement disparu de la scène politique irakienne. Mais en 2014, dans le sillage des conquêtes territoriales de l’État islamique, il avait été contraint à la démission. Et c’est par la petite porte qu’il avait quitté la scène politique.Nouri al-Maliki laisse alors derrière lui un Irak meurtri, ravagé par la corruption et de plus en plus marqué par le...

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