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Nos Lecteurs ont la Parole

Rendez-vous aux prochaines législatives

Rendez-vous aux prochaines législatives

« Je veux écrire pour le vieillard qui ne mendie plus seul, puisqu’il a été rejoint depuis peu par les rares généreux qui lui donnaient auparavant quelques sous. » Photo Hussam Chbaro

J’ai longtemps hésité à écrire un texte sur la situation actuelle du Liban, parce que honnêtement, tout est dit, et en même temps, il y a tellement de choses à dire. Je ne sais pas si je dois fustiger les criminels qui nous gouvernent, déplorer les misères de mon peuple, ou envoyer un message d’espoir. Je ne sais pas exactement quoi faire et quoi dire et je pense que cette confusion en dit long sur les conséquences de cette crise sur nous, Libanais. Notre santé mentale est mise à prix. Pourtant, un faux semblant de normalité plane dans l’atmosphère, à croire que le 17 octobre n’avait jamais été. L’indolence qui nous frappe face au monde qui s’écroule autour de nous est la preuve concrète que rien ne va, et ce depuis des mois. Nous vivons dans un profond abîme où se tressent désespoir et rage sanguinaire dans la plus intense des douleurs.

Je ne ferai pas l’inventaire des crises qui accablent le Liban, cette liste lancinante que nous avons tous mémorisée à force de l’écouter partout, au journal télévisé, sur les réseaux sociaux, les discussions en public… Les chroniques libanaises, aussi sidérantes soient-elles, ne font plus « la une » des journaux. Elles se sont tristement intégrées dans notre quotidien.

Je ne porterai pas de critiques acerbes à l’encontre de nos politiciens, dénués de scrupules, qui ont troqué la patrie pour une poignée d’intérêts et de sous. J’en ai assez de les conspuer. Ceci les mettrait en lumière alors que tout ce qu’ils méritent est un effacement radical de la scène politique pour siéger derrière des barreaux.

Je ne ferai pas d’appel à l’espoir, qui appartient désormais à une dimension lointaine de nous, Libanais, qui s’appelle l’utopie.

Je veux juste écrire.

Je veux écrire pour ceux qui n’ont plus les mots. Je veux écrire pour ceux qui n’ont plus la force de crier leur colère. Je veux écrire pour le jeune homme qui est confronté à sa destinée aux portes de l’aéroport et pour la femme d’à peine 18 ans qui est persuadée, malgré elle, qu’il faut partir. Je veux écrire pour les citoyens qui ont traversé la guerre civile et qui ont vécu pendant les années noires du Liban, et qui se sont juré de ne pas faire subir ce sort à leurs enfants. Je veux écrire pour ceux qui se sentent coupables d’avoir choisi de rester et ceux qui se sentent encore plus coupables d’être partis. Je veux écrire pour ceux qui ont froid à l’âme. Je veux écrire pour le père qui a vu sa fille mourir entre ses mains faute de médicaments et pour la mère qui a sombré dans une détresse si grande qu’elle a dû abandonner son nouveau-né dans la rue. Je veux écrire pour le vieillard qui ne mendie plus seul, puisqu’il a été rejoint depuis peu par les rares généreux qui lui donnaient auparavant quelques sous. Je veux écrire pour les activistes politiques qui, même sous la menace de la mort, continuent de combattre l’oppression, défier les systèmes bien ancrés dans la corruption et renverser les seigneurs de guerre. Parce qu’il vaut mieux mourir debout que vivre à genoux.

Le Liban a battu des records, dans la corruption, la pauvreté, la dévaluation de la monnaie. Mais ceci n’a pas suffi pour secouer le monde qui s’incline devant la résilience du peuple libanais au lieu de lui venir en aide. Le silence de la communauté internationale est à taire. Feignant un intérêt presque paternel à la situation locale, affichant un brin de pitié assez crédible vis-à-vis d’un peuple orphelin, elle n’a concrètement pas pu souffler les vents du changement sur notre pays exsangue comme elle l’avait promis. Elle a littéralement abandonné les Libanais, les livrant à la merci de politiciens diaboliques.

Je condamne aussi bien les dirigeants des partis politiques que les personnes qui les suivent. Ces criminels se nourrissent de la naïveté de leurs disciples rendus aveugles pour subsister. Le lavage de cerveau qu’ils ont subi est tel qu’ils soutiennent encore, dans un déni total des faits, l’organisation mafieuse qui est derrière l’explosion du 4 août, et qu’ils comptent voter une nouvelle fois pour eux en 2022.

Je leur adresse donc ces quelques mots :

Qu’attendez-vous de ceux qui vous ont affamés et pillés ? Qu’attendez-vous de ceux qui ont éventré le port et dévasté la capitale ? De ceux qui ont réitéré les mêmes crimes et répété les mêmes discours en boucle pendant trois décennies ?

De ceux qui ont craché sur votre honneur et fait de l’hymne national un requiem pour l’indépendance de la partie ? De ceux qui ont popularisé l’humiliation et pavé la voie au règne de l’arbitraire ? De ceux qui ont exploité votre misère et tiré profit de vos peines en se délestant de toute responsabilité à l’égard de cette hécatombe ? Des soi-disant fidèles qui célèbrent la messe le dimanche et vont à la mosquée le vendredi alors qu’ils ne sont autres que les ennemis de Dieu, ayant scellé une alliance avec Satan ? De ceux qui ont fait de Beyrouth, le fanal de l’Orient, un obscur cimetière ? De ceux qui vous ont laissé choisir entre le marteau de l’humiliation ou l’enclume du manque ? Abattu les piliers de l’État de droit pour mettre en place le temple du confessionnalisme ? Privé des besoins les plus triviaux pour vous faire oublier qu’ils vous ont arraché votre liberté ? Sapé tous les fondements de la démocratie et délibérément retardé l’aide internationale ? Retourné l’armée libanaise contre vous en leur ordonnant de rester debout, l’arme au pied, sans pourtant hésiter à tirer sur vous ?

Les élections législatives n’attendent que vous. L’époque du culte du parti est révolue. L’étau se resserre de plus en plus sur cette caste criminelle. Leur légitimité dévolue sera bientôt illicite.

Rendez-vous au printemps 2022.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

J’ai longtemps hésité à écrire un texte sur la situation actuelle du Liban, parce que honnêtement, tout est dit, et en même temps, il y a tellement de choses à dire. Je ne sais pas si je dois fustiger les criminels qui nous gouvernent, déplorer les misères de mon peuple, ou envoyer un message d’espoir. Je ne sais pas exactement quoi faire et quoi dire et je pense que cette confusion...

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