Dans un discours prononcé lundi soir, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a accusé le juge Tarek Bitar, en charge de l'enquête sur la double explosion meurtrière au port de Beyrouth, de faire "du ciblage politique" assurant aux familles des victimes qu'elles ne connaîtront pas la vérité avec ce magistrat.
Plus tôt dans la journée, la chambre civile de la Cour de cassation a rejeté, la demande de dessaisissement du juge Tarek Bitar présentée le 8 octobre par les députés et anciens ministres Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter, membres du mouvement Amal, qui aurait pu provoquer une nouvelle suspension de l'instruction sur la double explosion meurtrière au port de Beyrouth le 4 août 2020. Selon des documents obtenus par le quotidien arabophone An-Nahar, la cour s'est déclarée incompétente pour traiter de la plainte des deux députés, M. Bitar ne faisant pas partie des magistrats de la Cour de cassation, sur lesquels la chambre saisie a le droit de statuer concernant les demandes de dessaisissement.
"Nous voulons la vérité et la reddition des comptes. Nous voulons la justice", a martelé le chef du Hezbollah. Rappelant que le président Michel Aoun "a dit plusieurs fois qu'il était prêt à être entendu par le juge" Nasrallah a interpellé le magistrat: "Est-ce que vous vous l'avez entendu ?". "Avez-vous entendu l'ancien président Michel Sleiman ?", a-t-il encore demandé, en rappelant que M. Sleiman était le chef de l'Etat lorsque le navire Rhosus, chargé de la cargaison d'ammonium, est arrivé à Beyrouth. "Avez-vous entendu les anciens chefs du gouvernement ? Vous leur avez parlé? Pourquoi avoir interrogé les anciens ministres et pas les ministres actuels ?", a encore demandé Hassan Nasrallah affirmant que le juge Bitar "n'a pas profité des erreurs de son prédécesseur (le juge Fadi Sawan, ndlr), et est allé vers la politique discrétionnaire et à la politisation" du dossier. Le chef du Hezbollah a aussi accusé le juge de faire de la politique et du matraquage politique et assuré que ce dernier "ne veut pas la vérité dans le dossier"."Nous voulons un juge honnête et transparent et que l'enquête se poursuive", a lancé Hassan Nasrallah appelant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) à "se réunir et trouver une solution"."La responsabilité des juges est plus grande que celle des présidents, ministres et députés, car ce sont eux qui ont donné les approbations au navire", a encore estimé le secrétaire général du parti de Dieu. "Aux familles des victimes je dis : vous n'arriverez pas à la vérité et la justice avec le juge Bitar", a-t-il encore lancé.
Législatives "dans les délais"
Le chef du Hezbollah a par ailleurs abordé le dossier des législatives, en soulignant qu'il tenait à ce que les élections se déroulent dans les délais prévus. "Nous appelons à la tenue des élections législatives dans les délais constitutionnels. Toutes les parties veulent la tenue des élections législatives dans les délais", a martelé Hassan Nasrallah. Les législatives, attendues au printemps 2022, sont perçues par nombre de Libanais comme un premier tremplin vers le changement des dirigeants au pouvoir accusés de corruption et d'incompétence par une importante tranche de la population. La plupart des partis politiques se sont dit favorables à l'organisation du scrutin le 27 mars en lieu et place du 9 mai, une décision interprétée dans les milieux de l'opposition comme une volonté de couper l'herbe sous les pieds des partis anti-système, qui tardent à s'organiser pour participer au scrutin.
Concernant le vote des Libanais de la diaspora, le chef du parti chiite a souligné que "nous soutenons le principe du vote des émigrés", estimant qu'il y aurait toutefois "une injustice" à l'égard du Hezbollah qui ne peut mener des campagnes électorales dans tous les pays où se trouvent les émigrés libanais. "Il n'y a pas d'égalité des chances notamment vis-à-vis du Hezbollah", a-t-il observé.
Selon certains observateurs, les milieux du parti chiite se montrent réticents concernant le vote des Libanais de la diaspora lors des prochaines législatives. Une source parlementaire avait confié à L’OLJ il y a deux semaines que le tandem chiite Amal-Hezbollah n’était pas favorable à ce que les émigrés se rendent aux urnes, estimant que cela irait à l’encontre de ses intérêts en période de sévères sanctions américaines contre le Hezbollah. Le parti a toutefois affirmé samedi, via un discours de son secrétaire général adjoint, Naïm Kassem, qu'il était en faveur de ce vote. La participation au scrutin des Libanais de l'étranger a été légalisée pour la première fois en 2008 et exercée lors des législatives de 2018. Si la loi électorale prévoit que les émigrés libanais élisent six députés (un pour chaque continent) les représentant, certains groupes de la société civile et partis réclament qu'ils puissent voter en fonction de leur localité d'origine, pour les 128 membres du Parlement.
"Solution radicale"
Hassan Nasrallah a également appelé le gouvernement à trouver une solution "radicale" concernant l'électricité dans le pays. Samedi, l'office public d'Electricité du Liban avait annoncé une panne de son réseau sur l’ensemble du territoire libanais, à la suite de l’épuisement des stocks de fuel des centrales de Zahrani (Liban-Sud) et de Deir Ammar (Liban-Nord). Un don de 6 millions de litres de gasoil de l’armée libanaise, répartis entre les centrales du pays, pour une production supplémentaire de 300 MW et un total de 500 MW, avait finalement permis à EDL de rétablir son réseau dimanche après-midi pour une durée de "trois jours".
"Le gouvernement aurait dû tenir une séance exceptionnelle du Conseil des ministres et ne pas la lever avant de trouver une solution", a jugé Hassan Nasrallah. "Le lancement des accusations n'apportera pas de l'électricité", a-t-il ajouté. Il a aussi indiqué qu'il y avait "des offres sérieuses et que l'Etat doit les accepter ou les rejeter". "Ces offres viennent de l'Est et de l'Ouest", a-t-il poursuivi appelant le gouvernement à trouver "une solution radicale". Le chef du parti chiite a aussi indiqué craindre que l'on veuille "l'effondrement du secteur de l'électricité pour justifier l'option de la privatisation".
"Nous devons répondre à l'offre faite par le ministre iranien des Affaires étrangères de résoudre le problème de l'électricité au Liban", a-t-il poursuivi. Lors d'une visite officielle à Beyrouth le 7 octobre, le chef de la diplomatie iranienne, Hossein Amir-Abdollahian, qui s'est concerté avec tous les responsables libanais, a fait savoir que son pays était prêt à aider le Liban afin de surmonter ses graves pénuries de courant, et ce en construisant deux centrales électriques de 1000 MW dans le pays dans un délai de 18 mois. Vingt-quatre heures après la proposition du ministre iranien, la municipalité de Ghobeyri, banlieue de Beyrouth où le Hezbollah, allié de Téhéran, est fortement implanté, a proposé de construire l'une de ces centrales sur le terrain du Golf Club de Beyrouth, provoquant un tollé dans les milieux écologistes et politiques hostiles à l'Iran et au parti chiite.
Trois navires iraniens chargés de carburant commandé par le parti chiite ont par ailleurs été acheminés en Syrie depuis septembre, et leur cargaison introduite illégalement au Liban par des voies terrestres. Ce carburant, du mazout, a été en partie distribué gratuitement à une série d'institutions en ayant fait la demande, comme des hôpitaux publics, et d'autre part été vendu à un prix inférieur à celui du marché local. Hassan Nasrallah a dans ce cadre indiqué que "la deuxième phase de distribution du mazout débutera en novembre pour que les familles puissent chauffer leur maison", en hiver.
commentaires (7)
Le Sayyed certainement voulait par là faire semblant de jeter une petite bouée de sauvetage à son allié d'Amal qui semble sombrer dans l'anxiété , rien de plus , ne vous en faites pas !
Chucri Abboud
14 h 30, le 12 octobre 2021