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Politique - Éclairage

Le Liban officiel prudent face à la proposition d’aide iranienne

Le Premier ministre et le chef de l’État ont harmonisé en amont l’attitude à afficher devant leur interlocuteur iranien.

Le Liban officiel prudent face à la proposition d’aide iranienne

Le ministre iranien Hossein Amir Abdollahian.

Même si sa visite n’était pas exceptionnelle dans le genre – ses prédécesseurs avaient pris le pli de se rendre au Liban à chaque fois qu’un nouveau gouvernement était formé – le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, a quand même saisi l’opportunité de sa visite à Beyrouth pour s’engouffrer dans la brèche de la pénurie de carburant dont pâtit le pays. Une position relativement avancée alors que la guerre d’influence entre l’Iran et les États-Unis dans la région se poursuit.

Lors de son passage au Liban, le chef de la diplomatie iranienne a fait preuve de largesse pour proposer en vrac des citernes supplémentaires de mazout – au Hezbollah mais aussi à l’État libanais – et l’édification de deux centrales électriques, une à Beyrouth, une autre au Sud, une région à prédominance chiite.

Les suggestions iraniennes ont suscité un tollé dans les milieux écologistes et politiques hostiles à l’Iran et au parti chiite. Elles n’ont pas échappé non plus aux attaques subtiles du patriarche Béchara Raï. Le chef de l’Église maronite a ainsi appelé hier le gouvernement à préserver l’indépendance du Liban, mettant en garde contre des aides qui « cacheraient une volonté de dominer le pays », dans une critique à peine voilée de l’Iran. « Il est vrai que le Liban qui traverse une grave crise a besoin de l’aide de ses amis et des institutions monétaires internationales, mais l’État doit préserver l’indépendance du pays, sa souveraineté et ses relations naturelles afin que certaines aides ne soient pas une couverture pour une domination du pays visant à dénaturer son identité et son rôle pacifique en Orient », a martelé le patriarche lors de son homélie hebdomadaire.

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Une mise en garde que le Premier ministre Nagib Mikati avait exprimée quelques jours auparavant, prenant soin de ne pas montrer quelque enthousiasme que ce soit envers la proposition iranienne. « Il est sur la même longueur d’ondes que le patriarche maronite », assure-t-on dans les milieux proches du chef du gouvernement. Ainsi, après son entretien jeudi dernier avec le responsable iranien, M. Mikati s’était contenté d’un « inch’Allah » en réponse à l’offre iranienne, après avoir salué toute aide visant à « consolider la logique de l’État ». Ces messages répercutent l’attitude prudente affichée par M. Mikati, soucieux de préserver le pays des répercussions négatives d’un éventuel blanc-seing accordé à l’Iran, même s’il devait se réduire au secteur énergétique. Le Premier ministre a lancé un second message tout aussi significatif, en saluant le rapprochement irano-saoudien. C’est ce que fera également le chef de l’État Michel Aoun, qui a salué les efforts iraniens en vue de se rapprocher du monde arabe, sans trop s’étendre non plus sur la question du carburant iranien.

Réunion d’harmonisation

« Les leaders libanais ont fini par intérioriser le fait que le Liban, qui n’a jamais été véritablement souverain à travers son histoire, reste à ce jour un État-tampon des relations internationales. Ils savent qu’ils doivent accueillir tout le monde », analyse le politologue Karim Bitar.

Les attitudes du Premier ministre et du président de la République ont d’ailleurs été harmonisées en amont pour éviter tout faux pas à l’heure où le Liban risque de se retrouver une fois de plus dans l’œil du cyclone et de faire les frais des intérêts géopolitiques des grandes puissances.

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C’est ce que confirme une source informée qui fait état d’une réunion entre MM. Aoun et Mikati pour accorder leurs violons. Le Premier ministre aurait prévenu le chef de l’État lors de cet entretien du danger d’exposer le Liban à des sanctions et préconisé les bienfaits d’un discours prônant plutôt le rapprochement irano-arabe, une attitude à laquelle Michel Aoun n’a pas été insensible, confie-t-on de même source.Le Liban a pu échapper cette fois-ci aux sanctions américaines du fait que ce n’est pas le gouvernement libanais qui a officiellement demandé l’acheminement du fuel, laissant cette tâche au Hezbollah, qui a préféré l’acheminer via la Syrie, pour ne pas embarrasser outre mesure les autorités libanaises. Sauf que le chef de la diplomatie iranienne a poussé la barre un peu plus loin en incitant l’exécutif à réclamer officiellement cette aide. « L’Iran continuera à envoyer des produits pétroliers et nous espérons que cela se fera à travers une coopération avec le gouvernement », a-t-il dit vendredi dernier, lors d’une conférence de presse.

Côté libanais, la prouesse était précisément d’éviter les écueils des velléités d’ingérence iranienne face à Washington qui déploie des efforts monstres pour réduire cette influence. C’est sous cet angle qu’il faut comprendre la contre-proposition américaine – Washington assure qu’elle existait avant l’acheminement du fuel iranien – qui consiste à subvenir aux besoins énergétiques du Liban via le gazoduc arabe qui passe par l’Égypte, la Jordanie et la Syrie.

En terrain conquis

« L’attitude du ministre iranien démontre qu’il est en terrain conquis. Cela reflète le rapport de forces actuel et s’inscrit dans le bras de fer américano-iranien », précise Karim Bitar. En effet, le chef de la diplomatie iranienne ne s’est pas privé de critiquer depuis Beyrouth la présence de l’Occident dans la région qui, a-t-il dit, « contribue à la déstabilisation » du Proche-Orient.

L’itinéraire de la visite de Abdollahian est d’ailleurs très symptomatique des nouveaux équilibres régionaux : sa visite au Liban était précédée d’un déplacement en Russie, suivi d’une escale en Syrie. Un indicateur de la volonté de Téhéran de considérer le Liban comme faisant partie de l’axe irano-syrien, notent certains analystes.

« Cette lecture est un peu exagérée », commente Talal Atrissi, professeur à l’UL et expert des affaires iraniennes et arabes. Selon lui, parler d’ingérence iranienne est un peu fort. « Le Liban, confié au Hezbollah qui n’a aucun concurrent chiite sur place, intéresse beaucoup moins Téhéran que l’Irak où les divisions chiites l’inquiètent au plus haut point », dit-il. Il rappelle que ni la visite ni la proposition iranienne ne sont inédites dans le genre. L’Iran avait déjà proposé, il y a quelques années, de venir en aide au secteur de l’énergie au Liban, une suggestion également restée lettre morte.

Même si sa visite n’était pas exceptionnelle dans le genre – ses prédécesseurs avaient pris le pli de se rendre au Liban à chaque fois qu’un nouveau gouvernement était formé – le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, a quand même saisi l’opportunité de sa visite à Beyrouth pour s’engouffrer dans la brèche de la pénurie de carburant dont...

commentaires (7)

Lebanon should take the help from wherever it comes. Koweit and Germany have also offered to build electrical power centers at zero interest rate, offers rejected by Mr. Bassil and Mr. Hariri. I surmise it is because they would not benefit personally from these offers. The economy has ground to a halt due to a lack of power and gasoline oil. With the skyrocketing prices, going to work and school have become a luxury.

Mireille Kang

19 h 23, le 11 octobre 2021

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Commentaires (7)

  • Lebanon should take the help from wherever it comes. Koweit and Germany have also offered to build electrical power centers at zero interest rate, offers rejected by Mr. Bassil and Mr. Hariri. I surmise it is because they would not benefit personally from these offers. The economy has ground to a halt due to a lack of power and gasoline oil. With the skyrocketing prices, going to work and school have become a luxury.

    Mireille Kang

    19 h 23, le 11 octobre 2021

  • IL Y EUT DES ATTAQUES AERIENNES ISRAELIENNES CONTRE DES INSTALLATIONS IRANIENNES EN SYRIE ET EN IRAQ HIER ET AUJOURD,HUI. ET CONTRE DES AVIONS SYRIENS ET RUSSES EN SYRIE. POURQUOI L,OLJ N,EN DIT RIEN ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 33, le 11 octobre 2021

  • L'Iran serait beaucoup plus efficace que la France pour aider le Liban. L'histoire est la preuve qu'il ne s'agit pas uniquement de promesses... Il est plus utile d'offrir un savoir-faire ou du matériel que de l'argent car ce dernier peut être utilisé pour racheter une maison, se payer une retraite, etc... L'absence de divisions chez les chiites s'explique par le départ des opposants au progrès et par les ambitieux qui ont trouvé refuge dans le continent voisin

    Georges Olivier

    14 h 42, le 11 octobre 2021

  • Au fait c’est vrai que la MEA interdit l’alcool à bord des avions?

    Bery tus

    13 h 28, le 11 octobre 2021

  • On peut dire ce qu'on veut.On pourra nier aussi. Mais le liban est "découpé" officieusement en zones d'influences. Les iraniens ne proposent pas d'usines à Jounieh ou à Tripoli. Mais dans les régions chiites. Normal évidemment. Construire des usines iraniennes à Jounieh sera rejetté. Donc?? Le Liban fédéral est là. Il est sous nos yeux. Il suffit de l'organiser ( aujourd'hui, c'est le bazar) de trouver un accord entre les fédérations. Parce que le hezbollah meurt d'envie d'interdire l'alcool et les night clubs....Les chrétiens ne veulent pas vivre à la syrienne ou à l'iranienne.. Ils ne veulent pas de guerre contre Israel à partir de leurs zones. Bref.. La fédération est en marche. En espérant que cela sera fait pacifiquement avec un accord global par la négociation. Une fédération ne pourra qu'unifier le pays pour que chacun vive selon le mode de vie qu'il souhaite. Sans être obligé de subir l'autre dans son mode de vie. L'éducation sera dispensé selon les us et coutumes de chaque région fédérale. Réfléchissons 1 minute ...et nous réaliserons qu'un libanais islamiste, même si libanais ...Il n'a aucun atome crochu avec le libanais moderne et laic. Donc les lois appliquées et le mode de vie ne pourront plus être les mêmes désormais.

    LE FRANCOPHONE

    12 h 17, le 11 octobre 2021

  • SATAN OFFRE SON AIDE AU PAYS PAR LUI AUX ENFERS PRECIPITE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 24, le 11 octobre 2021

  • Pourquoi l'édification de ces deux centrales électriques "cacherait une volonté de dominer le pays et de "dénaturer son idendité"? M.Z

    ZEDANE Mounir

    11 h 04, le 11 octobre 2021

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