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Nos Lecteurs ont la Parole

Départ

Ils ont déclaré forfait. Le seul nom de la France leur fait tourner la tête. Las de trop de misère et de rêves avortés, ils s’en vont portés par la fièvre des conquérants. Comme leurs parents avant et jadis leurs ancêtres, ils livrent à la maraude les fruits de leur jardin. Bientôt, ils sauront que le Liban existe dans l’absence et le regret.

De Russie, Georges a la prestance et des yeux azurés. Il descend de la famille impériale. À la révolution, son grand-père amiral a jeté l’ancre ici. Mais avec 100 dollars pour salaire, il lui faut la lever.

Comme lui s’exile toute une génération et nous assistons, impuissants, à l’hémorragie.

Ils partent pour l’Europe, dont nous sommes revenus. Tombée en léthargie, endormie par les mots, des mots ordonnancés pour mieux flouer ses enfants. Le diable est mondialiste, qui avance ses pions.

Le verbe enfante le monde mais, quand il se tait, recommence le chaos.

En arrivant, comme un gage, Jean a restitué le sac qu’on lui a donné. Et les livres avec. Ceux qu’on lui offre pour se saouler de mots. Le vin avait un goût de terre mais après le dîner, il tire sur sa cigarette, d’un air heureux.

Le cœur peut s’atrophier. Ici, il est gonflé comme un ballon de baudruche. Nous avons cinglé vers le Nord. Au pied de la citadelle, chaque instant charrie dans ses plis une telle volupté que l’éternité ressemble à l’iridescence de cette mer généreuse et ample sous le soleil. Où dans l’oubli nous voulons sombrer.

Voir miroiter sur l’eau des milliers d’astres, fouler du pied les carcasses des mondes ensevelis. Alors que se découpent des silhouettes graciles, effleurer de la main des cheveux de momie et boire jusqu’à la lie les derniers rayons de soleil. Puis échoués sur la rive, les bras plantés dans la terre et épuisés de tant de splendeur, mourir avec lui.

Aucun homme ne peut créer pareille scénographie. Et le bruit inlassable des vagues qui se répandent en torrents d’écume avant de refluer. Défiant la perpétuité par une action et son contraire et mugissant à chaque fois qu’elles éclatent sur la rive. Dans le cri des vagues, les imprécations des flots livrés à leur sort.

Brillant comme un sou neuf, le Liban n’a de choix que d’aller au plus offrant et pour honneur que d’être un prêté pour un rendu.

Les premiers rayons réveillent la maison sur la mer. Survolée par un lacet d’oiseaux, qui migrent vers le Sud. L’aube étire la ligne de crête.

Sur chaque quai, il faut quelqu’un pour agiter le bras. Près de la Méditerranée, certains se dévouent pour que les voyageurs s’en aillent le cœur léger.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Ils ont déclaré forfait. Le seul nom de la France leur fait tourner la tête. Las de trop de misère et de rêves avortés, ils s’en vont portés par la fièvre des conquérants. Comme leurs parents avant et jadis leurs ancêtres, ils livrent à la maraude les fruits de leur jardin. Bientôt, ils sauront que le Liban existe dans l’absence et le regret.De Russie, Georges a la prestance et...

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