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Culture - Scène

Inspirer, retenir son souffle et puis expirer en paroles, musique et dessins

« The breath we held » (« Ce souffle qu’on a retenu ») est une performance mise en scène par Alaa Minawi en collaboration avec Vladimir Kurumilian et Ahmed Amer et qui se déroule au Monnot jusqu’au dimanche 10 octobre. À ne pas rater.

Inspirer, retenir son souffle et puis expirer en paroles, musique et dessins

Une performance mise en scène par Alaa Minawi en collaboration avec Vladimir Kurumilian (au piano) et les illustrations en direct du styliste Ahmed Amer. Photo Bashar Khattar

Plonger dans l’œil du cyclone, se noyer dans les larmes, les pleurs, le sang, qui se sont mélangés le 4 août 2020 avec le bitume, la poussière, les cendres de la ville de Beyrouth. Tel a été le projet pensé et conçu par Alaa Minawi. Une idée née en février 2021, et qui a pris forme quelques mois plus tard avec le musicien Vladimir Kurumilian et l’illustrateur, vidéaste et styliste Ahmed Amer.

Grâce à la collaboration avec le Heinrich Böll Stiftung (Beyrouth), le soutien de Whispers (fonds pour les artistes émergents) et le théâtre Laban, l’entrée a pu être libre et la performance accessible donc à tout public.

« Ce n’est pas une démarche thérapeutique, commence par expliquer Alaa Minawi. Nous ne sommes pas là pour guérir les blessures. Nous n’en avons d’ailleurs aucun droit. Par cette démarche visuelle et sonore et cet espace qui nous a été octroyé, nous pourrons tous expirer ce souffle que nous avons retenu durant beaucoup trop longtemps. » En effet, durant l’explosion du 4 août 2020 qui a laissé la ville dans un traumatisme total, l’air a été aspiré puis libéré détruisant ainsi la moitié de la ville. Beyrouth a retenu son souffle et cet air est demeuré suspendu pour beaucoup de gens, qu’ils aient été présents ou non lors de l’explosion.

Alaa Minaoui, Ahmed Amer et Vladimir Kurumilian donnent une performance sur les implications de l’explosion du 4 août à Beyrouth ; un traumatisme collectif inimaginable, qu’il est bon de partager et de ne pas oublier. Photo Bashar Khattar

Ce n’est pas une thérapie

Pour Alaa Minawi Ce souffle que nous avons retenu... est une performance sur les implications de l’explosion du 4 août à Beyrouth ; un traumatisme collectif inimaginable, qu’il est bon de partager et de ne pas oublier. « Car ce souffle qu’on a tous retenu, poursuit-il, ne sera réellement expiré que lorsque justice serait rendue aux 250 victimes de cet assassinat collectif et à la ville dont les cicatrices béantes suintent encore. »

Pour partager ce traumatisme avec le public durant quatre jours (du 7 au 10 octobre), en plus d’une journée marathon le dimanche, Minawi a d’abord demandé à tous ceux qui veulent partager leur propre histoire du 4 août de lui envoyer des lettres. « Pour partager avec nous leur récit et expérience en privé et essayer de transformer ce qu’ils racontent en un morceau de musique et une illustration. Nous respectons leur intimité et ne partageons pas ce qu’ils écrivent en public. » D’ailleurs lorsque Alaa Minawi et Vladimir Kurumilian s’installent respectivement devant leur écran et leur piano blancs, d’une blancheur qui s’apparente à celle du linceul, les lettres lues deviennent soudain inaudibles. C’est le vidéaste Ahmed Amer qui achève la compréhension de l’histoire en projetant du haut de sa cabine ses illustrations d’abord sages, rectilignes ou longilignes, puis folles et chaotiques. C’est l’histoire qui va imposer le dessin et la musique. « Les lettres n’ont été lues que par moi et c’est la première fois que mes collègues vont les entendre au moyen de leurs écouteurs et vont les traduire en live par des illustrations et de la musique improvisées. » Ainsi, chaque soirée sera différente de l’autre car les lettres lues sont différentes les unes des autres. En chef d’orchestre, Alaa Minawi gère la scène et fait participer le public ainsi que les deux artistes à cette performance vivante qui célèbre la mort.

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L’écran se transforme soudain au fil des mots. Et le piano devient habité par des illustrations tantôt noires et tantôt rougeâtres et bleuâtres. L’immersion est totale. Les sens deviennent soudain fourmillement ou grésillement. Il y a une telle humilité de la part des trois artistes qui s’effacent devant ce flot de paroles et d’émotions. Par leur performance, ils ont rendu hommage à la catastrophe du 4 août mais aussi à la douleur dévastatrice des autres, à la perte de leurs proches. Nul n’est grand devant la mort. Et c’est pourquoi ils vont laisser la place aux spectateurs d’achever eux-mêmes la performance en leur demandant de lancer en vrac des phrases qui seront à leur tour illustrées en musique et en dessins. Le mot de la fin est donc donné au public qui vivra un instant de grand partage.

On ne peut sortir indemne d’une telle performance. D’ailleurs, qui peut prétendre être sorti indemne du 4 août ?

Les représentations se dérouleront encore ce soir encore et demain dimanche à 20h30. À signaler que les artistes seront sur scène le dimanche 10 octobre, de 11h à 17h, pour une journée portes ouvertes sans réservations préalables. Pour les représentations du soir, les portes seront ouvertes à partir de 20h pour permettre aux spectateurs de choisir leurs places. Distanciation et masques exigés.

Plonger dans l’œil du cyclone, se noyer dans les larmes, les pleurs, le sang, qui se sont mélangés le 4 août 2020 avec le bitume, la poussière, les cendres de la ville de Beyrouth. Tel a été le projet pensé et conçu par Alaa Minawi. Une idée née en février 2021, et qui a pris forme quelques mois plus tard avec le musicien Vladimir Kurumilian et l’illustrateur, vidéaste et...

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