
Le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane et le président français Emmanuel Macron durant le G20 à Buenos Aires, le 30 novembre 2018. Bandar al-Jaloud/Saudi Royal Palace/AFP
Depuis la formation du gouvernement de Nagib Mikati le 10 septembre dernier, les spéculations sur un éventuel fléchissement de la position saoudienne vis-à-vis du Liban, marquée par un froid dû à ce que l’Arabie considère comme une inféodation de la classe politique libanaise au Hezbollah, allaient bon train. Or le silence arabe, particulièrement saoudien, sur la formation du nouveau cabinet a conforté l’idée que le désengagement de Riyad se poursuivait. L’entretien téléphonique qui a eu lieu cette semaine entre le président français Emmanuel Macron, qui s’est beaucoup investi dans la formation de ce gouvernement, et le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammad ben Salmane s’en est avéré la preuve.
L’entretien, au cours duquel a été évoquée entre autres la situation au Liban, a été dévoilé par une source de l’Élysée à la presse. De son côté, l’agence d’information officielle saoudienne, SPA, a confirmé la conversation téléphonique sans citer le Liban parmi les questions évoquées par les deux hommes. Selon des sources concordantes, le prince héritier d’Arabie saoudite aurait affirmé à son interlocuteur français que la position de son pays vis-à-vis du Liban resterait la même tant que la mainmise du Hezbollah sur la classe politique resterait inchangée. Selon des sources diplomatiques citées par notre chroniqueur politique Mounir Rabih, Riyad reste intransigeant : aucune aide au Liban tant que les conditions imposées par la communauté internationale n’ont pas été remplies, en d’autres termes, un compromis global sur les armes (du Hezbollah), sur la politique étrangère et sur la délimitation des frontières. Selon d’autres sources informées, l’objectif de cet entretien téléphonique aura également été, du côté français, de démontrer au prince saoudien que ce qui a été perçu comme une entente franco-iranienne en vue de la naissance du cabinet Mikati n’est pas un compromis politique en bonne et due forme, mais un compromis ponctuel visant au sauvetage du Liban, qu’il fallait à tout prix empêcher de sombrer dans l’effondrement total et le chaos. Ce serait donc une mesure transitoire en vue de permettre au pays de traverser l’étape difficile jusqu’aux grands compromis politiques prévus dans la région, en passant par les législatives libanaises prévues en mars.
Suivant certaines informations également de sources concordantes, les tentatives françaises d’ouvrir une brèche dans le mur du refus saoudien de traiter avec le Liban se poursuivent et se traduiront bientôt par l’envoi d’une délégation politique qui se réunira avec des responsables saoudiens, en vue de préparer une visite du président français dans le royaume, ainsi qu’aux Émirats arabes unis et en Égypte. Le dossier libanais sera au menu de ces discussions entre les responsables des deux pays. Jusque-là, les griefs saoudiens restent les mêmes : les attaques médiatiques quotidiennes de la part de figures libanaises contre le royaume, l’implication du Hezbollah dans la guerre du Yémen, notamment par l’entraînement des rebelles houthis, la contrebande de drogue vers l’Arabie… Les Saoudiens continuent de ne pas vouloir financer et soutenir une classe politique qui n’a pas réussi à protéger son pays, son peuple ou ses choix arabes, selon les sources de Mounir Rabih.
Mikati veut « rétablir les relations libano-arabes »
Celui qui est particulièrement mis à mal par cette position saoudienne inchangée est le Premier ministre Nagib Mikati. En effet, alors que les Saoudiens continuent de fermer les portes face au nouveau gouvernement avec lequel aucun contact n’a été effectué pour le moment, la volonté des autres pays arabes d’aider substantiellement le Liban malgré le veto saoudien reste une inconnue.
Des observateurs notent que M. Mikati a déjà affiché plusieurs positions sensiblement différentes de celles du président de la République Michel Aoun, visant à ramener le pays dans son bercail arabe, comme lorsqu’il s’est dit « attristé par les atteintes à la souveraineté », en réponse à une question sur le fuel iranien importé par le Hezbollah et acheminé au Liban par des passages frontières illégaux à partir de la Syrie. Pas plus tard qu’hier, le Premier ministre a assuré que son gouvernement déploiera tous les efforts nécessaires pour rétablir les ponts avec les pays arabes. Ce sont en effet des propos essentiellement conciliants qu’a prononcés M. Mikati hier à Tripoli, devant des délégations populaires et religieuses venues le féliciter pour la formation de son équipe ministérielle. Il a déclaré que « le gouvernement s’attellera à rétablir les relations libano-arabes, rompues par le passé. Nous sommes conscients du fait que les frères arabes tiennent à ce que l’unité du Liban soit préservée, et à protéger le pays de tous les dangers », a-t-il ajouté, en soulignant que « le gouvernement déploie tous les efforts pour renforcer les rapports historiques du Liban avec eux ». M. Mikati avait tenu des propos dans le même sens au palais présidentiel de Baabda, après la formation de son équipe.
Au sujet des réformes, M. Mikati a reconnu que les Libanais s’attendent « à une action de sauvetage de la part du gouvernement ». « Nous avons commencé à prendre les mesures nécessaires pour mettre le pays sur la voie du redressement », a-t-il affirmé dans une allusion à la formation de la délégation libanaise chargée des négociations avec le Fonds monétaire international, en Conseil des ministres, mercredi dernier. Ces négociations, ainsi que des réformes structurelles, sont les conditions posées par les pays donateurs pour débloquer les fonds promis au Liban. En attendant une éventuelle ouverture vers le Golfe arabe, c’est en Turquie que le Premier ministre a été convié hier par le président Recep Tayyip Erdogan afin d’évoquer la question d’aides turques.
Inutile de chercher l'impossible avec le jeune postulant au trône Saoudien.Le drôle, c'est que la plupart des pays du Golfe, suivent ses orientations. La bonté d'antan des cheikhs semble d'une autre ère. Après tout, en pesant le pour et le contre, on ne peut pas blâmer les Saoudiens, à qui on leur a rendu leur générosité, par des complots et des guerres.
17 h 23, le 02 octobre 2021