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Économie - Repère

Le secteur de l’électricité à un moment charnière

Le contrat des deux navires-centrales de l’opérateur turc Karadeniz est arrivé à son terme hier.

Le secteur de l’électricité à un moment charnière

Le contrat des navires-centrales Orhan Bey, relié à Jiyé, et Fatmagül Sultan, branché sur la centrale de Zouk, est arrivé à échéance le 30 septembre. Photo Sebastien Bruvier

Buvant le calice jusqu’à la lie, les Libanais viennent de sortir d’un été en partie passé dans l’obscurité et pendant lequel plusieurs initiatives visant à augmenter les capacités de production d’Électricité du Liban (EDL) ont été évoquées, voire ont commencé à être mises en œuvre. Dans ce contexte, la journée d’hier a été particulièrement importante pour deux raisons.

Tout d’abord parce que le contenu de la visite du Premier ministre jordanien Bicher Khasawné, en déplacement à Beyrouth depuis mercredi soir, a un peu plus confirmé le sérieux apparent de l’initiative américaine visant à aider le Liban à se fournir en gaz égyptien destiné à une partie de ses centrales électriques. Ensuite parce qu’il s’agissait du dernier jour d’exécution du contrat de location liant EDL à Karpowership, la filiale de l’opérateur turc à qui l’État loue deux navires-centrales depuis 2013 pour une capacité totale de 370 mégawatts (MW), soit environ un quart du total pouvant être déployé par le fournisseur public (1 800 MW). Source de tensions au sein de la classe politique, le contrat avait été renouvelé à deux reprises, dont la dernière fois en 2018. Rien n’indiquait hier qu’il pourrait être encore prolongé.

200 millions de dollars d’arriérés
Selon une source proche d’EDL, le Fatmagül Sultan, branché sur la centrale de Zouk (Kesrouan), et l'Orhan Bey relié à celle de Jiyé (Chouf) devaient donc être simultanément déconnectés dans la nuit de jeudi à vendredi. Contactée, la société n’a pas fait de commentaires. Une source proche d’EDL a confirmé cette décision, croyant savoir que l’opérateur communiquera en principe aujourd’hui pour « informer les Libanais, faire le bilan de son activité et récapituler les arriérés de paiements que l’État lui doit ». Ces derniers avoisineraient les 200 millions de dollars pour des prestations facturées depuis au moins 2019.

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La source a en outre ajouté que le débranchement des deux barges n’aura pas d’impact significatif sur le niveau actuel de production du fournisseur, qui est déjà au plus bas. « Les navires-centrales fonctionnent au fuel-oil de grade B, qui est consommé par une partie des unités de production d’Électricité du Liban. Or les stocks de ce type de carburant sont actuellement presque épuisés, faute de financements publics depuis que l’avance du Trésor de 200 millions de dollars adoptée fin mars par le Parlement a été dépensée », a-t-elle ajouté. Une réalité confirmée par une seconde source au ministère qui assure que « les barges n’ont presque pas fonctionné depuis deux semaines ». Mercredi, la source proche d’EDL avait indiqué à L’Orient-Le Jour que le fournisseur public arrivait actuellement à faire fonctionner 630 MW au total (assurant l’équivalent de 5 à 6 heures de courant par jour), au lieu des 500 MW « au mieux » qu’il avait avancé une semaine plus tôt. Elle a encore précisé qu’EDL peut mobiliser « 1 400 à 1 500 MW » sans Karadeniz si ses besoins en carburant sont assurés.

Des quantités insuffisantes

« Pour y parvenir, EDL a redémarré des unités de production qui fonctionnent au gasoil, un carburant dont elle a récemment reçu livraison via l’accord conclu entre le Liban et l’Irak », a encore précisé la source proche de l’office autonome. Conclu le 23 juillet dernier, cet accord engage le Liban à acheter 1 000 000 de tonnes de fuel irakien, à raison de 75 000 à 85 000 tonnes par mois sur une période d’un an, pour le compte d’EDL. Mais comme la haute teneur en soufre du carburant irakien le rend incompatible avec les centrales libanaises, il a été convenu que Beyrouth puisse échanger les quantités livrées par Bagdad contre du fuel utilisable qui serait fourni par des opérateurs tiers sélectionnés au cours d’appels d’offres lancés chaque mois.

Le ministère de l’Énergie a annoncé mercredi que le deuxième appel d’offres lancé pour couvrir les livraisons d’octobre avait été remporté par l’émirati ENOC, déjà vainqueur de la première procédure lancée. La société avait récupéré 85 000 tonnes de fuel irakien pour fournir 31 000 tonnes de gasoil, déjà déchargées entre les centrales de Deir Ammar (Liban-Nord) et Zahrani (Liban-Sud), et 30 000 tonnes de fuel-oil grade B, qui ont en principe été livrées au cours des dernières 24 heures. En octobre, ENOC doit récupérer 60 000 tonnes de fuel irakien pour livrer 45 000 tonnes de gasoil en échange.

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Ces quantités sont toutefois insuffisantes pour combler les besoins d’EDL, qui atteignent 3 millions de tonnes de carburant, toutes catégories confondues, selon les informations de l’établissement public. Une réalité qui a poussé le Conseil des ministres à s’entendre mercredi pour demander à la Banque du Liban de débloquer 100 millions de dollars pour acheter du carburant en plus. La source à EDL a relevé qu’il ne s’agissait pas d’une avance du Trésor à proprement parler. « Le gouvernement a demandé à la BDL d’accepter d’échanger 150 milliards de livres fournis par EDL contre des dollars au taux officiel (1 507,5 livres pour un dollar alors que le taux du marché parallèle atteignait 17 000 livres pour un dollar hier) », précise la source, laissant entendre que ce montant en dollars pourrait être remboursé plus tard par l’État mais sans détails supplémentaires.

Le gaz égyptien
Enfin le Liban attend aussi que l’initiative révélée en août par l’ambassadrice des États-Unis Dorothy Shea porte ses fruits, ce qui pourrait arriver d’ici à novembre. Concrètement, la diplomatie américaine œuvre pour que le Liban soit approvisionné en gaz égyptien, voire aussi en électricité produite en Jordanie, via un gazoduc et des lignes de haute tension passant par la Syrie. Un projet inattendu, compte tenu des sanctions prises par Washington à l’encontre du régime syrien, mais qui semble être en bonne voie, à en croire les réunions passées et annoncées entre les dirigeants des pays concernés depuis l’annonce. Si le Premier ministre jordanien doit bientôt revenir à Beyrouth pour évoquer ce dossier, il pourrait également être au centre d’une réunion aujourd’hui entre Dorothy Shea et l’actuel ministre de l’Énergie Walid Fayad.

En attendant, les Libanais devront toujours compter sur les propriétaires de générateurs privés dont les prix explosent depuis plusieurs mois, suite à la levée progressive des subventions sur les carburants. Courant septembre, les subventions sur le mazout consommé par ces générateurs ont totalement été levées, les livraisons devant désormais être réglées en dollars. Ce qui aurait poussé certains opérateurs à tarifer leurs clients en dollars, selon plusieurs témoignages, alors que les prix fixés par le ministère de l’Énergie sont, eux, libellés en livres libanaises. Les tarifs pour les factures de septembre devraient être rapidement publiés.

Buvant le calice jusqu’à la lie, les Libanais viennent de sortir d’un été en partie passé dans l’obscurité et pendant lequel plusieurs initiatives visant à augmenter les capacités de production d’Électricité du Liban (EDL) ont été évoquées, voire ont commencé à être mises en œuvre. Dans ce contexte, la journée d’hier a été particulièrement importante pour...

commentaires (2)

Il était grand temps que le gaspillage des barges turques s’arrête. Quant aux 200 millions de $ d’arriérés, ils devront rejoindre les Eurobonds. Même le gendre ne pourra pas les trouver. Les libanais paient sans rechigner des sommes astronomiques aux propriétaires des générateurs qui vendent leur courant électrique 15 fois plus cher que l’EdL mais les politiciens libanais refusent de permettre à l’EdL de modifier ses tarifs.

Lecteur excédé par la censure

07 h 38, le 01 octobre 2021

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Commentaires (2)

  • Il était grand temps que le gaspillage des barges turques s’arrête. Quant aux 200 millions de $ d’arriérés, ils devront rejoindre les Eurobonds. Même le gendre ne pourra pas les trouver. Les libanais paient sans rechigner des sommes astronomiques aux propriétaires des générateurs qui vendent leur courant électrique 15 fois plus cher que l’EdL mais les politiciens libanais refusent de permettre à l’EdL de modifier ses tarifs.

    Lecteur excédé par la censure

    07 h 38, le 01 octobre 2021

  • "Le débranchement des deux barges de l’opérateur turc Karadeniz n’aura pas d’impact significatif sur le niveau actuel de production d’EDL" ... pas plus qu'il n'en a jamais eu!Lorsque ces centrales flottantes ont été mises en service, par on ne sait quel mystère, les consommateurs n'ont pas vu le rationnement diminuer d'une seule minute. Ces barges n'ont jamais eu d'autre utilité que de remplir les comptes de certaines personnalités (suivez mon regard!) ... en vidant ceux de l'Etat!

    Yves Prevost

    06 h 49, le 01 octobre 2021

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