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Politique - Instruction judiciaire

Même après son dessaisissement temporaire, Bitar continue d’être harcelé

La cabale contre le juge d’instruction se poursuit sans qu’il n’y ait une vraie possibilité de le protéger par la loi.

Même après son dessaisissement temporaire, Bitar continue d’être harcelé

Des parents de victimes de l’explosion du 4 août 2020 ont organisé hier un sit-in devant le domicile du juge Nassib Elia à Mazraat Yachouh. Photo Mohammad Yassine

Les détracteurs du juge d’instruction près la Cour du justice, Tarek Bitar, ne se contentent pas de manœuvres légales, lesquelles ont culminé lundi avec sa notification d’un dessaisissement provisoire du dossier de la double explosion au port de Beyrouth, à la suite d'une demande en récusation présentée contre lui par le député et ancien ministre mis en cause, Nouhad Machnouk. Après les tentatives d’intimidation et de chantages des parties inquiétées par la détermination du juge d’aller jusqu’au bout de l’enquête (comme l’avait fait le Hezbollah la semaine dernière en faisant parvenir à M. Bitar un message selon lequel il peut l’écarter), c’était hier au tour des avocats du directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, de prendre à partie le juge, s’associant ainsi à l’offensive qu’orchestrent nombre de composantes politiques et confessionnelles contre le magistrat. Dans un communiqué d’une rare agressivité, ces derniers ont fait davantage la part belle aux attaques contre la personne de Tarek Bitar qu’à des arguments juridiques pour déconstruire la procédure qu’il suit. Leurs arguments ont d’ailleurs concerné davantage le dossier de l’ancien ministre Youssef Fenianos, également impliqué dans l’affaire, que celui de leur client. Comme pour montrer que le juge d’instruction est rejeté tous azimuts.

« Hystérie extrême »

En face, silence radio. Rien ni personne ne semble pouvoir ou vouloir affronter ce qui ressemble à une conspiration pour « déboulonner » le juge Bitar, pour reprendre le terme utilisé par le patron de la sécurité au sein du Hezbollah Wafic Safa, via son message de menaces. Dans son état actuel de dépendance vis-à-vis des politiques, la justice est en effet quasiment incapable de prendre des mesures pour réfréner les campagnes de diffamation contre un juge d’instruction qui fait son travail, déplorent nombre d’observateurs interrogés par L’Orient-Le Jour.

L'éditorial de Issa Goraïeb

La ligue des acharnés

Dans les faits, les avocats du général Ibrahim, Wissam Mazbouh, Ahmad Moustarah et Kassem Karim, ne sont pas allés par quatre chemins pour soutenir que Tarek Bitar est « dans un état d’hystérie extrême ». « Il exploite le sang des victimes de manière à faire croire à leurs proches qu’il est attaché à leurs droits, et à leur donner l’illusion qu’il est sincère dans son action visant à sanctionner les criminels et leurs instigateurs », ont-ils souligné en substance. Les trois avocats ont accusé le juge de « populisme », et l’ont décrit comme « un faux héros médiatique, dont le comportement porte atteinte au secret des investigations ». « Il se targue de faux exploits et veut diluer l’enquête et la vérité avec son entêtement programmé », selon le communiqué, ajoutant qu’« il néglige de manière arbitraire d’interroger certains responsables ».

Les représentants légaux du directeur de la SG se sont d’abord penchés sur le dossier de l’ancien ministre Youssef Fenianos, avocat à Tripoli, estimant que pour prendre des mesures à son encontre, M. Bitar aurait dû attendre que la cour d’appel tranche sur le refus du barreau de Tripoli d’autoriser sa poursuite. On sait pourtant que selon une jurisprudence, le recours en appel n’est pas suspensif de la poursuite d’une enquête en cours.

Ils ont relevé, entre autres « infractions suspectes », le fait que le juge n’avait pas envoyé au parquet de cassation « tout le dossier » de M. Fenianos, lorsqu’il avait sollicité son avis sur les exceptions de procédure présentées par ce dernier. « Le mandat d’arrêt de Youssef Fenianos ne peut être qualifié que d’absurde et illégal », ont-ils asséné, estimant que tant que le dossier sera entre les mains de Tarek Bitar, il ne sera question que « de violations et d’abus ».

Concernant le dossier de leur propre client, le principal reproche adressé au juge est que ce dernier a demandé à nouveau l’autorisation de poursuivre Abbas Ibrahim, profitant de l’avènement d’un nouveau ministre de l’Intérieur (autorité de tutelle de la Sûreté générale) « pour faire un show-off en violant la décision de l’ancien ministre Mohammad Fahmi ». M. Bitar n’avait pas pu obtenir de l’ancien ministre de l’Intérieur de poursuivre Abbas Ibrahim. Pour les avocats de ce dernier, cette décision s’impose au nouveau ministre en vertu du principe de continuité du service public, alors que pour d’autres juristes, une telle demande peut être réitérée en présence d’un nouveau gouvernement.

Autoprotection

Interrogé sur le point de savoir s’il n’y aurait pas de possibilités de recours contre les auteurs de médisances ciblant un magistrat, l’ancien procureur général près la Cour de cassation, Hatem Madi, reconnaît que dans les circonstances actuelles où « nombre de parties sont liguées contre le juge Bitar dans l’intention de le pousser à la sortie », le meilleur moyen serait qu’« il y remédie lui-même, soit en se désistant du dossier de l’enquête s’il ne parvient plus à supporter la pression, soit en passant outre les dénigrements pour poursuivre coûte que coûte ses investigations ».

Quid des menaces proférées à l’encontre du juge ? Un magistrat ayant requis l’anonymat affirme qu’« il n’est pas de la compétence d’un juge en charge d’un dossier d’engager des poursuites contre l’auteur de menaces ». « S’il le fait, il serait en situation de conflit et d’inimitié avec celui-ci, et serait alors exposé à une demande de récusation qui pourrait aboutir à son dessaisissement ». Selon le magistrat interrogé, seul le procureur général peut enclencher une telle action. Reste à savoir pourquoi Ghassan Oueidate, procureur général près la Cour de cassation, ne l’a pas fait après avoir demandé à M. Bitar il y a déjà huit jours un rapport écrit sur les menaces dont il avait été l’objet de la part de Wafic Safa.

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Mercredi dernier, le ministre de la Justice, Henri Khoury, avait pour sa part accueilli dans son bureau le juge d’instruction pour s’enquérir de « sa sécurité personnelle », lui promettant de « suivre cette affaire avec les autorités judiciaires compétentes afin de prendre les mesures nécessaires ». Les familles des victimes tiennent quant à elles à s’assurer que le juge Bitar va être en mesure de poursuivre son enquête à l’ombre des derniers développements qui l’assaillent. Une délégation les représentant s’est rendue hier auprès de M. Khoury, pour lui demander « de protéger la justice ». Le ministre a insisté sur « la nécessité de ne plus marginaliser et diffamer la justice ». Il s’est déclaré confiant « dans les magistrats chargés du dossier de l’enquête », se contentant de « souhaiter l’arrêt des campagnes contre eux ». « Les calomnies et les accusations de trahison affaiblissent la cause et retardent le dossier », a-t-il averti, soulignant que « le but est de parvenir à la justice et à la vérité en suivant la voie judiciaire légale ».En soirée, les familles des victimes ont organisé un sit-in à Mazraat Yachouh, devant le domicile du juge Nassib Elia, chargé de statuer sur le recours en dessaisissement de M. Bitar. Trois d’entre eux ont été reçus par le magistrat qui s’est voulu rassurant, leur demandant de « ne pas établir de préjugés avant qu’il ne rende sa décision ».


Ibrahim Harb est décédé lundi des suites de ses blessures.

Ibrahim Harb, dernière victime de la double explosion au port de Beyrouth

La gigantesque double explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020, n’a pas fini d’endeuiller le Liban. Plus de 13 mois après la catastrophe qui a fauché la vie à 219 personnes et blessé 6 500 autres, une dernière victime est venue s’ajouter à ce triste bilan : Ibrahim Harb, un jeune homme de Bachoura, grièvement blessé et plongé dans le coma.

Les causes de son décès ont été rapportées dans plusieurs médias locaux. Grièvement atteint à la tête durant la double explosion, Ibrahim Harb avait été opéré avec succès. Il restait cependant incapable de parler, communiquant uniquement du regard avec ses proches, puis son état de santé s’est mis à se détériorer progressivement. Ses obsèques se sont déroulées hier à Bachoura.

Les détracteurs du juge d’instruction près la Cour du justice, Tarek Bitar, ne se contentent pas de manœuvres légales, lesquelles ont culminé lundi avec sa notification d’un dessaisissement provisoire du dossier de la double explosion au port de Beyrouth, à la suite d'une demande en récusation présentée contre lui par le député et ancien ministre mis en cause, Nouhad Machnouk....

commentaires (6)

Quel sarcasme diabolique digne d’un fin de monde ! Le monde a rarement vu autant de diables à l’œuvre que chez nous grâce aux figures politiques qui se sont élevés depuis une quarantaine voir cinquantaine d’années . Peuple libanais, vous avez affaire à des diables avérés et avertis. Prière d’avoir la conscience adéquate pour les terrasser car il s’agit d’un combat qu’on doit livrer pour sauver notre pays des multiples traîtres qui l’assaillent.

Wow

16 h 18, le 29 septembre 2021

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Commentaires (6)

  • Quel sarcasme diabolique digne d’un fin de monde ! Le monde a rarement vu autant de diables à l’œuvre que chez nous grâce aux figures politiques qui se sont élevés depuis une quarantaine voir cinquantaine d’années . Peuple libanais, vous avez affaire à des diables avérés et avertis. Prière d’avoir la conscience adéquate pour les terrasser car il s’agit d’un combat qu’on doit livrer pour sauver notre pays des multiples traîtres qui l’assaillent.

    Wow

    16 h 18, le 29 septembre 2021

  • LA LOI N,A JAMAIS PERSONNE PROTEGE DES VENGEANCES DE LA TRINITE DU MAL ET AUTRES CLIQUES MAFIEUSES ET CRIMINELLES EXCEPTE LES CORROMPUS, VOLEURS ET MAFIEUX.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 43, le 29 septembre 2021

  • Le triste spectacle que donne à voir cette enquête confirme, hélas, que la justice n’est qu’un mot au Liban et que seule la force dit le droit !! Et cela est valable tout autant en droit pénal qu’en droit civil ou en droit public !! Ce pays est à désespérer. Avec toute la bonne volonté du monde, je ne vois pas ce qui pourrait le sortir d’une situation dans laquelle se complaît depuis des décennies. Sûrement pas les libanais ! Hélas….

    JB El catalán

    12 h 22, le 29 septembre 2021

  • en tous cas on ne peut pas accuser le juge Bitar d'etre biaise puisqu'il poursuit 3 "axes" politiques a la fois: aouniste/amaliste/hezbiste/futuriste/frangistes & SUNNITE en tant qu'entite politique. eparges -a ce jour- sont le reste des kellon.

    Gaby SIOUFI

    10 h 57, le 29 septembre 2021

  • Mr. Bitar. C est vous la resistance contre ces miliciens qui se s'abrogent du titre de resistants.. Gardez courage.

    Tina Zaidan

    10 h 14, le 29 septembre 2021

  • Triste epoque pour le Liban, ou les juges sont accuses de tous les noms par des voleurs et des assassins. Comment tous ces politiciens vereux , ont-ils pu parvenir a prendre le pouvoir ? comment le peuple libanais a-t-il pu permettre cette heresie ? comment des partis comme le CPL et les deputes de frangieh ont-ils pu durant des annees couvrir et appuyer une milice armee retrograde, illegale et sectaire, creee par l’Iran ? voila le resultat. Qui gouverne le Liban aujourd’hui ? le president fort ? Honte a tous ces sous-hommes malhonnetes et soumis qui ont detruit notre Liban

    Goraieb Nada

    08 h 23, le 29 septembre 2021

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