Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Politique et révolte

Il y a contradiction entre la parole de Dieu et la réalité. La foi en cette parole n’engendre donc pas la résignation, mais l’impatience, le conflit avec le monde. Elle est arrachement au donné. Le moment prophétique de la vie, c’est la décision par laquelle nous prenons nos distances à l’égard des corruptions, des déliquescences présentes et des soumissions imposées avec rigueur par des autorités. Une vie d’homme est faite de telles décisions malgré son opposition pacifique à ces autorités.

Car si l’homme n’a pas de nature, mais une « histoire », cette histoire n’est jamais finie. Nous ne pouvons jamais être satisfaits. La foi ne peut donc pas être justification de l’histoire, mais ouverture vers l’histoire. Elle est cette question qui maintient l’histoire et la politique en suspens.

La vie du Christ est l’exemple d’une vie de cette qualité sur le plan social, communautaire et militaire de la vie du citadin – à des fins laborieuses sur le plan apostolique –, il n’est pas un révolutionnaire cherchant à transformer les structures, comme autrefois les zélotes (membres d’une secte juive nationaliste). Il n’est pas non plus un prêcheur de repentance comme Jean-Baptiste qui agirait seulement sur les consciences. Il est l’homme pleinement « homme » qui, en chaque action, nous enseigne à viser les limites, les fins dernières prometteuses dûment récompensées qu’on peut comprendre comme garanties qu’à travers cet homme qui « interpelle et appelle ».

Son apostolat n’est pas un « fait », au sens positiviste du terme, c’est un acte créateur, cette affirmation de l’impossible par laquelle l’histoire ouvre le futur à toutes les possibilités. Elle signifie que notre avenir ne peut être rangé dans la série des « faits », mais sur le prolongement des données de l’Écriture sainte. Cette entrée du totalement inattendu, sur le prolongement de la vie après la mort, est la prise de conscience que l’homme n’est pas né pour être accablé, mais pour vivre intensément en recevant pleinement la grâce de Dieu.

Être chrétien ce n’est pas croire seulement que la résurrection est « évidente », c’est croire qu’elle est possible et vraie. Ce n’est pas insérer la résurrection dans la perspective de l’histoire, c’est discerner « l’histoire » dans la perspective de la « résurrection ». La résurrection est alors un geste de tous les jours à accomplir par le chrétien fidèle, soit-il « président ou citoyen ».

Croire à la résurrection n’est pas adhérer à une opinion ; c’est un acte : l’acte de participer à la création sans limites du bienfait autour de soi à l’ensemble de croyants, car la résurrection est la révélation de cette liberté nouvelle et radicale que les civilisations du passé ignoraient. La liberté n’est plus seulement respect de la conscience et du devoir, mais nécessité de participer à l’acte « créateur » en s’associant spirituellement au Christ dans les projets temporels et nationaux selon les recommandations évangéliques.

Cette foi est le commencement de la liberté. Avoir la foi, si nous cherchons à déchiffrer l’image chrétienne, c’est percevoir dans leur identité la résurrection et la paix que le Christ nous a confiées. Affirmer le paradoxe de la présence de Dieu dans le crucifié comme un malheur n’est pas une impuissance, dans le sens de l’abandon de Dieu, c’est au contraire libérer l’homme des illusions du « pouvoir et de l’avoir ».

Les autorités, sources de décisions portant non sur tel ou tel aspect de la politique, mais sur la certitude qu’il est possible de créer un avenir qualitativement neuf dans un pays écrasé par des responsables si l’on s’identifie à ceux qui, dans le monde, sont aussi les plus dépouillés et les plus écrasés par des problèmes cruciaux de la vie, si on lie notre sort aux leurs jusqu’à concevoir la victoire contre l’écrasement et la domination du législateur.

Cette opposition des écrasés et l’espérance de la résurrection ne font qu’un. Car il n’y a d’amour que lorsqu’un être est pour nous irremplaçable et que nous sommes prêts à donner notre propre vie au ressuscité comme le soldat donne sa vie pour la victoire de la patrie. Alors que nous sommes réellement en possession de ce don pour le premier et le dernier des hommes, subséquemment, Dieu est vraiment en nous : il a le pouvoir de transformer le monde et les consciences droites.

Certains se demandent si la foi était incompatible avec la « vie du militant ». Nous sommes sûrs désormais que toutes deux ne font qu’un. Et que notre espérance de militant n’aurait pas de fondement sans cette foi-là.

Cette foi, en fait, nous englobe dans une force si explosive qu’il serait vaniteux d’y prétendre avant de l’avoir vérifiée dans l’action commune et individuelle. Cette vérification ne peut venir qu’au terme d’une vie audacieusement vécue dans l’éthique et non au milieu de gestes des législateurs amorphes, préalablement après avoir pleinement réalisé sa propre pierre d’angle, noble et héroïque à la création de la civilisation moderne d’aujourd’hui en 2021.

Nous ne pensons pas que cette prise de conscience soit un événement uniquement personnel. Cette interrogation est, sous des formes diverses, celle de millions d’hommes insérés même chez les dirigeants d’un petit pays appelé « Liban » qui en ce moment est victime d’une fracture dans son « histoire contemporaine ». C’est un signe des temps, un moment de culture et d’une crise d’un manque de civilisation odieuse. La nécessaire mutation, qui se situe à la fois au niveau des dirigeants et au niveau des consciences, si conscience il y a, ce ne sera donc pas ni une révolution politique et sociale ni un bain de sang, elle serait plutôt l’opposition et la révolte d’un peuple courageux et pacifique contre l’injustice.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Il y a contradiction entre la parole de Dieu et la réalité. La foi en cette parole n’engendre donc pas la résignation, mais l’impatience, le conflit avec le monde. Elle est arrachement au donné. Le moment prophétique de la vie, c’est la décision par laquelle nous prenons nos distances à l’égard des corruptions, des déliquescences présentes et des soumissions imposées avec...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut