Rechercher
Rechercher

Monde - Affaire des sous-marins

La France, meurtrie, en situation délicate sur la scène internationale

Washington et Londres cherchent l’apaisement.

La France, meurtrie, en situation délicate sur la scène internationale

Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, d’ordinaire peu expansif, a tiré à boulets rouges sur les Américains, les Australiens et les Britanniques en des termes très peu diplomatiques plutôt rares. Attila Kisbenedek/AFP

En optant pour une crise frontale avec les États-Unis après la perte d’un mégacontrat de sous-marins, la France fait un pari risqué, avec des alliés européens peu pressés de la soutenir et guère d’options à sa disposition.

« Quand on entre dans une crise de ce type, il faut savoir par quelle porte on pourra en sortir », avertit Bertrand Badie, professeur de relations internationales à l’Institut de sciences politiques à Paris.

Pour marquer sa colère, la France a rappelé son ambassadeur aux États-Unis, un acte sans précédent vis-à-vis de cet allié historique, de même que celui en Australie, pays à l’origine de la crise.

« Il faudra bien qu’ils retournent à leur poste, surtout l’ambassadeur à Washington. Or, on ne voit pas aujourd’hui quel type d’événement pourrait permettre ce retour sans que la France donne l’impression de céder ou de perdre la face », explique Bertrand Badie.

Paris ne décolère pas contre les États-Unis et l’Australie qui, en annonçant mercredi dernier une alliance stratégique avec Londres pour contrer l’influence de la Chine, ont en même temps torpillé un contrat de vente de sous-marins français à la marine australienne pour plus de 50 milliards d’euros. Si le président Emmanuel Macron est resté silencieux, son chef de la diplomatie, Jean-Yves Le Drian, d’ordinaire peu expansif, tire à boulets rouges sur les trois contrevenants en des termes très peu diplomatiques plutôt rares. « Mensonge », « duplicité », « mépris »... Il leur reproche d’avoir dissimulé pendant des mois leurs négociations, dénonce une « rupture majeure de confiance » entre alliés de l’OTAN et traite au passage le Royaume-Uni de « cinquième roue du carrosse ».

Un coup dur

Face à cette charge, doublée d’un silence européen éloquent, la France se retrouve bien seule sur la scène internationale alors que s’ouvre cette semaine à New York l’Assemblée générale annuelle de l’ONU. Emmanuel Macron a choisi de ne pas s’y rendre, Jean-Yves Le Drian représentant la France.

À Berlin, le gouvernement s’est borné à dire avoir « pris note » de la crise. Avec les législatives allemandes du 26 septembre, la France sait qu’elle ne pourra guère compter dans l’immédiat sur Berlin.

« C’est un coup dur pour la France. Il n’y a pas de sortie par le haut », considère Célia Belin, spécialiste des relations transatlantiques à la Brookings Institution. Dans cet imbroglio, « il faut exiger que les choses se terminent de manière légale et correcte avec les Australiens », précise-t-elle.

L’escalade avec les États-Unis risque d’impacter plusieurs dossiers, à moins de tenter de recoller rapidement les morceaux. « Ça peut être des gestes formels, symboliques, une rencontre, des propos très aimables, quelque chose qui vienne flatter la diplomatie française », juge Bertrand Badie.

Joe Biden a demandé à s’expliquer avec Emmanuel Macron, qui le prendra au téléphone dans les « prochains jours », selon le porte-parole du gouvernement français Gabriel Attal.

À ce stade, aucune rencontre bilatérale n’est prévue en marge de l’Assemblée de l’ONU à New York entre le chef de la diplomatie française et ses homologues américain Antony Blinken et britannique Liz Truss.

Londres et Washington ont tenté d’amadouer leur allié français. « Le président Biden a demandé à parler au président de la République (Emmanuel Macron) et il y aura un échange téléphonique dans les tout prochains jours », a indiqué dimanche le porte-parole du gouvernement français Gabriel Attal. De son côté, le Premier ministre britannique a tenté de consoler son allié français. Le Royaume-Uni et la France ont « une relation très amicale », d’une « immense importance », a déclaré Boris Johnson, avant d’ajouter : « Notre amour de la France est indéracinable. »

Le vice-Premier ministre australien, Barnaby Joyce, a aussi tenté d’apaiser la crise, affirmant lundi que son pays « n’a pas besoin de prouver son attachement à la France », en évoquant les soldats envoyés se battre lors des deux guerres mondiales. Une déclaration qui risque de ne pas apaiser la colère de Paris.

La colère, mauvaise conseillère ?

Une réunion des ministres français et britannique de la Défense, prévue cette semaine, a été annulée à la demande de Paris.

« On a le droit d’être en colère (...). Mais le risque pour la France c’est que ce soit la colère qui la guide », pointe François Heisbourg, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris.

Parmi les sorties de crise possibles, l’Australie pourrait louer des sous-marins nucléaires d’attaque à la France en attendant que les États-Unis lui en fournissent, suggère-t-il. Le contrat initial portait sur des submersibles à propulsion diesel.

« Après un camouflet comme ça, il est très important que les Français se concentrent sur l’Europe et s’assurent une solidarité européenne », estime Célia Belin.

Loin de ses promesses de début de mandat, Joe Biden a déjà plusieurs fois bousculé ses partenaires européens, de l’annonce unilatérale du retrait d’Afghanistan au maintien de frontières fermées pour les voyageurs européens en raison de la pandémie de Covid-19. « Mais l’Europe n’a jamais été autant divisée sur ses options de politique étrangère » et sur sa relation avec Washington, observe Bertrand Badie.

Pour les Européens de l’Est, le salut face à la Russie ne peut passer que par les États-Unis. L’Allemagne reste aussi soucieuse de ménager l’allié américain. Ces positions vont à l’encontre de l’autonomie stratégique de l’Europe réclamée par le président Macron dont le pays prendra la présidence de l’Union européenne au premier semestre 2022.

Source : AFP

En optant pour une crise frontale avec les États-Unis après la perte d’un mégacontrat de sous-marins, la France fait un pari risqué, avec des alliés européens peu pressés de la soutenir et guère d’options à sa disposition. « Quand on entre dans une crise de ce type, il faut savoir par quelle porte on pourra en sortir », avertit Bertrand Badie, professeur de relations...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut