Téhéran reviendra-t-il bientôt à la table des négociations entamées en avril dernier avec Washington, par le biais de Paris, Londres et Berlin – et suspendues le 20 juin – en vue de ressusciter l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien (JCPOA) ?
La question semble être préoccupante du côté des chancelleries occidentales alors qu’un rapport publié lundi par un groupe d’experts de l’Institut pour la science et la sécurité internationale (ISIS) – ayant examiné le dernier compte-rendu de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur le programme nucléaire iranien remis la semaine dernière aux États membres – estime que la République islamique pourrait avoir suffisamment de matières fissiles pour la fabrication d’une bombe nucléaire d’ici à un mois. Le groupe d’experts avertit en effet que l’Iran continue dangereusement de produire de l’uranium enrichi à 60 % et pourrait même pousser ce chiffre à 90 % – soit le niveau requis pour fabriquer une arme nucléaire. L’uranium nécessaire à la production d’une deuxième arme nucléaire, ajoute le rapport, pourrait être produit en moins de trois mois, et celui permettant d’en produire une troisième en moins de cinq. L’ISIS précise cependant que ces estimations ne tiennent pas compte de la durée nécessaire à l’assemblage de cette tête nucléaire (ogive) qui pourrait prendre plusieurs mois, voire des années.
« Les derniers rapports de l’AIEA soulignent pourquoi les États-Unis et les autres parties de l’accord de 2015 veulent voir le texte rétabli : sans lui, le programme nucléaire iranien continue de progresser », avance Naysan Rafati, analyste sur l’Iran au sein du Crisis Group. Selon des estimations datant de fin août, Téhéran avait déjà significativement augmenté son stock d’uranium enrichi à 60 % – soit un niveau de pureté dépassant largement la limite des 3,67 % fixée par le JCPOA – à 10 kg, contre 2,4 kg en mai. Un an après le retrait unilatéral en 2018 du président américain Donald Trump de cet accord, l’Iran avait enrichi de l’uranium à 20 %. La République islamique s’est ainsi affranchie d’une large partie de ses engagements en réaction à la décision sans appel du locataire de la Maison-Blanche dans le sillage de la mise en œuvre de sa campagne de pression maximale contre Téhéran.
Écarts sérieux
Depuis, Joe Biden a fait de la reprise des négociations avec l’Iran l’une de ses priorités en matière de politique étrangère. L’optimisme a, dans un premier temps, été de mise alors que six cycles de pourparlers indirects ont eu lieu d’avril à juin dans la capitale autrichienne afin de raviver l’accord de 2015. Malgré les espoirs des deux parties d’arriver à conclure un deal relativement rapidement, les difficultés se sont cependant multipliées et les discussions n’ont toujours pas repris, notamment après l’élection d’un nouveau président iranien pour succéder à Hassan Rohani. « S’ils reprennent, les pourparlers indirects entre Washington et Téhéran seront toujours en butte à des écarts sérieux et significatifs entre les deux parties, à la fois au niveau de ce que les États-Unis attendent de l’Iran en matière de recul par rapport à toutes les avancées enregistrées, et de ce que les Iraniens attendent sur la portée de l’allègement des sanctions », observe Naysan Rafati.
Alors que la République islamique souhaite notamment obtenir des garanties de la part de Washington que l’accord éventuellement conclu se fasse d’État à État – afin de s’assurer qu’il survive en dépit des changements d’administration américaine à venir –, la Maison-Blanche souhaite de son côté élargir le deal au programme balistique iranien et à la question de son influence régionale.
Pour l’heure, Téhéran semble multiplier les provocations afin de faire pression sur l’administration démocrate dans le but d’accélérer le processus de remise sur pied du JCPOA. Dimanche dernier, l’Iran a cependant accepté que les inspecteurs internationaux de l’AIEA installent de nouvelles cartes mémoires dans les caméras de surveillance de ses sites nucléaires sensibles. Téhéran est parvenu à faire en sorte que le contenu de ces cartes mémoires soit toutefois gardé sous scellés en Iran, qui ne les communiquera à l’agence que s’il se met d’accord avec Washington pour relancer l’accord de Vienne. Ce compromis a été obtenu en marge d’une rencontre entre le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, et le chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA), Mohammed Eslami, à Téhéran – évitant ainsi une crise diplomatique de haute importance et ravivant l’espoir d’une reprise des pourparlers indirects dans la capitale autrichienne. « Le fait qu’une crise concernant la surveillance internationale de ces installations semble avoir été sinon entièrement désamorcée, du moins quelque peu résolue par le chef de la mission de surveillance nucléaire de l’ONU ce week-end, suggère que les Iraniens sont toujours intéressés par un processus diplomatique », estime Naysan Rafati. La visite de Rafael Grossi survenait en outre juste avant une réunion débutée lundi du Conseil des gouverneurs de l’agence, à laquelle l’Iran a indiqué qu’elle assistait afin de poursuivre les discussions.
L’agence avait critiqué ces derniers jours l’attitude de Téhéran, lui reprochant notamment de ne pas avoir répondu à ses questions concernant la présence de traces d’uranium sur plusieurs sites non déclarés. « Il y a une frustration croissante face au retard de l’Iran à reprendre les négociations de Vienne. Mais il est clair que l’administration du nouveau président Ebrahim Raïssi est confrontée à des défis importants relatifs à des politiques institutionnelles et personnelles, observe Esfandyar Batmanghelidj, chercheur visiteur à l’European Council of Foreign Relations. La question de savoir quelle institution aura la responsabilité du dossier nucléaire et quel responsable conduira les négociations reste en suspens ». Alors que M. Raïssi, issu de l’aile ultraconservatrice, s’est dit favorable à la poursuite des négociations sur le nucléaire, plusieurs de ses conseillers ont pour leur part recommandé une approche plus stricte vis-à-vis de la Maison-Blanche afin d’obtenir un deal à de meilleures conditions que celles comprises dans l’accord de 2015. « Il est dans l’intérêt des gouvernements occidentaux que l’administration Raïssi reprenne les discussions lorsqu’il existera un consensus interne clair autour de l’approche iranienne. L’Iran a peut-être besoin de plus de temps. Mais c’est la substance, pas la vitesse, qui compte », estime Esfandyar Batmanghelidj.
Une patience que les Américains risquent de perdre si le blocage persiste. Mercredi dernier, le secrétaire d’État américain a averti que les États-Unis sont « proches » d’abandonner leurs efforts pour relancer l’accord sur le nucléaire iranien, devant l’impasse des négociations avec Téhéran et le manque de coopération de l’Iran.
« Je ne vais pas donner de date, mais nous nous rapprochons du moment où un retour strict au respect du JCPOA ne reproduira pas les avantages de cet accord », a déclaré Antony Blinken.
JOE BIDEN TOUT COMME HASSAN DIAB SEMBLE S'ETRE FOURRE DANS LA GROTTE DE ALI BABA SANS LE REALISER. RIEN NE LE PREPARAIT A FAIRE FACE AUX KHOMEYNISTES
14 h 32, le 15 septembre 2021