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Moyen-Orient - Éclairage

Emmanuel Macron en médiateur à Bagdad

Au cours de son séjour en Irak, le président français a insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts contre l’État islamique, tout en appuyant le dialogue interrégional et interirakien.

Emmanuel Macron en médiateur à Bagdad

Le Premier ministre irakien, Moustapha Kazimi, accueillant le président français, Emmanuel Macron, avant le sommet de Bagdad, en Irak, le 27 août 2021. Photo Reuters

Seul pays extrarégional à avoir participé activement au sommet de Bagdad organisé samedi, la France détonne par sa présence, d’autant qu’elle se démarque par l’implication en personne du chef de l’État Emmanuel Macron. Certes, Paris n’a pas l’influence de Washington, mais il est à la fois directement engagé militairement sur le terrain et peut, contrairement à son allié d’outre-Atlantique, se targuer de pouvoir parler à tous les acteurs, y compris Téhéran, bête noire des États-Unis. L’Élysée est allé jusqu’à présenter Paris en coorganisateur de la conférence, dans la droite ligne de la première visite de M. Macron en Irak il y a moins d’un an, au cours de laquelle il a lancé, « en lien avec les Nations unies, une initiative pour accompagner une démarche de souveraineté », dans un pays devenu l’exutoire des tensions entre Washington et Téhéran, où les milices chiites proches de l’Iran sèment la terreur, où l’État islamique menace de resurgir à tout moment et où la Turquie n’hésite pas à mener régulièrement des opérations militaires dans le Nord contre les bases arrières du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), son ennemi juré.

« À la base, l’initiative française a débuté au mois d’avril. En revanche, elle n’était pas sous cette forme. Il s’agissait d’organiser une conférence pour que les Irakiens se parlent entre eux et trouvent une formule pour débloquer le système politique », souligne Adel Bakawan, directeur du Centre français de recherche sur l’Irak. « Comme ils n’en ont pas été capables, ils ont décidé de faire autrement et d’organiser un sommet régional en présentant la France comme coorganisatrice. Mais la France n’a rien organisé. C’est le Premier ministre, Moustapha Kazimi, qui s’en est chargé », ajoute-t-il.Après son arrivée à Bagdad vendredi soir, Emmanuel Macron s’est rendu au sanctuaire d’al-Kadhimiya, lieu de pèlerinage chiite abritant le mausolée où est enterré le 7e imam duodécimain. Le président français a poursuivi dimanche son voyage par une visite à l’église Notre-Dame de l’Heure pour rencontrer la communauté chrétienne dans la ville de Mossoul, ancien bastion de l’EI encore traumatisé par l’horreur et où les ravages de la guerre sont toujours visibles. Le chef de l’Élysée s’est également déplacé sur le site de la mosquée al-Nouri de culte sunnite, détruite lors de la reprise de Mossoul à Daech en 2017, sans oublier Erbil, capitale du Kurdistan irakien, où il devait s’entretenir avec les dirigeants de la province autonome. « Emmanuel Macron est allé en Irak en portant deux messages très clairs : la stabilité et la lutte contre l’EI d’une part ; la reconstruction des bâtiments et des infrastructures, mais aussi des liens intercommunautaires d’autre part », résume Arthur Quesnay, docteur en sciences politiques et auteur de La guerre civile irakienne (Karthala, 2021)

Le fiasco US de 2011

Pour Paris, l’Irak présente plusieurs enjeux, à plus forte raison dans un contexte de désengagement régional de Washington et alors que la Maison-Blanche reste floue sur les contours d’un éventuel retrait des troupes américaines du pays, dans le cadre de la transformation officielle de sa mission de combat en mission d’entraînement et de consultation. Or la France, pays occidental le plus touché par les attentats de l’EI, garde en tête le fiasco qui a suivi le départ des soldats américains en 2011. Un souvenir ravivé par la débâcle actuelle en Afghanistan et le retour des talibans au pouvoir, vingt ans après leur renversement. « Lorsqu’en 2011 les États-Unis se sont retirés du pays, ils ont laissé derrière eux un vide sécuritaire, économique, politique et militaire aussitôt rempli par deux acteurs : la République islamique d’Iran dans l’espace chiite et l’EI dans l’espace sunnite », rappelle M. Bakawan. « Quant aux peshmergas [combattants du Kurdistan irakien], ils étaient là avant et après. »

Pour mémoire

Les enjeux du sommet de Bagdad

Les déclarations d’Emmanuel Macron sont à ce sujet sans ambages. Au cours de la conférence samedi – consacrée d’abord à la lutte contre le terrorisme et aux répercussions de la prise de Kaboul par les talibans –, le président français a promis que Paris resterait en Irak « aussi longtemps que le gouvernement irakien le souhaitera et que la sécurité de l’Irak en dépendra », ajoutant que la France a « les capacités opérationnelles d’assurer cette présence, quels que soient les choix américains ». Dans les faits cependant, la France ne compte que 600 à 800 soldats dans le pays. Du point de vue de Paris, une déstabilisation accrue de l’Irak pourrait également menacer ses intérêts dans les pays du Golfe. « Une partie des drones qui visent l’Arabie saoudite partent de Jurf el-Sakhar », note ainsi M. Bakawan. Dans cette petite localité à majorité sunnite située sur les rives de l’Euphrate, près de 120 000 résidents ont été contraints à l’exil au gré de sa prise par l’EI en 2014, puis de la guerre menée contre le groupe jihadiste par les forces de sécurité et la coalition paramilitaire du Hachd al-Chaabi (PMF), liée à Téhéran. Elle est aujourd’hui largement dominée par la puissante faction pro-iranienne des Kataëb Hezbollah.

En campagne

Si la France veut d’abord jouer les intermédiaires et s’affirmer comme une puissance relativement neutre entre tous les acteurs, elle est toutefois engagée sur divers dossiers où elle se trouve à couteaux tirés avec Ankara, qui a pris part au sommet de Bagdad. « Il y a de profonds désaccords entre la Turquie et la France et l’offensive turque dans le nord de l’Irak préoccupe de manière considérée la diplomatie française », commente Adel Bakawan.

Les rivalités franco-turques n’étaient pas toutefois au menu durant le week-end écoulé. « Ce n’était pas le sujet. Les pourparlers pour la réactivation de l’accord de Vienne sur le nucléaire avec l’Iran sont aujourd’hui au point mort. Les pays occidentaux n’ont pas réussi à relancer un dialogue efficace dans la région et le sommet de Bagdad a été l’occasion de réunir l’ensemble des acteurs et de ramener une discussion un peu plus sereine sur une éventuelle sortie de crise, dans un contexte où les États-Unis se retirent », note Arthur Quesnay.

Point commun entre Paris et Bagdad, le président français et le Premier ministre irakien sont par ailleurs affaiblis – à différents degrés – sur la scène intérieure de leurs pays respectifs et s’apprêtent à entrer bientôt en campagne, officiellement pour le premier, officieusement pour le second. Les affaires extérieures peuvent permettre aussi bien à M. Macron qu’à M. Kazimi d’engranger des gains politiques là où leurs concurrents et adversaires n’ont pas de marge de manœuvre. « Emmanuel Macron est allé là où les autres candidats ne peuvent pas aller, sur le terrain de l’international », estime M. Quesnay. Quant à Moustapha Kazimi, la conférence de Bagdad lui a donné l’opportunité – à défaut de pouvoir s’enorgueillir à ce stade de résultats concrets – de mettre en avant ses qualités diplomatiques et son jeu d’équilibriste. « Il est très faible politiquement et ne dispose d’aucun appareil partisan pour le soutenir. Tout au long de son mandat, il a donc joué de sa légitimité à l’international et n’a cessé de se renforcer en dialoguant avec la coalition et en se présentant comme le principal interlocuteur des Occidentaux en Irak, analyse Arthur Quesnay. C’est ce qui lui a permis de rester au pouvoir. Que ce soit le mouvement sadriste ou les milices pro-iraniennes, personne n’avait mieux que lui pour faire ce lien. »

Seul pays extrarégional à avoir participé activement au sommet de Bagdad organisé samedi, la France détonne par sa présence, d’autant qu’elle se démarque par l’implication en personne du chef de l’État Emmanuel Macron. Certes, Paris n’a pas l’influence de Washington, mais il est à la fois directement engagé militairement sur le terrain et peut, contrairement à son allié...

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La France est la seule puissance mondiale qui avait refusé de faire partie de la coalition menée par les Etats-Unis pour envahir l'Irak en 2003 car à l'époque le Président Jacques Chirac n'était pas convaincu des raisons établies par les Américains pour envahir le pays. Après 10 ans de cette invasion qui a détruit l'Irak, appauvri son peuple et radicalisé sa jeunesse, les Etats-Unis reconnaissent que l'invasion de l'Irak était une grande erreur. Basée donc sur des mensonges, l'invasion fut une catastrophe pour les Iraquiens et pour l'image des Etats-Unis au Moyen-Orient. En conséquence, des milliers d'Iraquiens ont fui leur pays pour trouver refuge surtout en Europe. Du point de vue géopolitique, le Président Georges Bush Jr. déclarait qu'il allait introduire la démocratie en Irak et établir un nouvel ordre mondial. En effet, les Iraquiens ont été bombardé par cette démocratie et ont été directement offerts à l'Iran, ennemi des EUA. Heureusement que nous avons encore une puissance mondiale, telle la France, pour pouvoir résister à ce genre d'aventures graves et que maintenant peut toujours jouer le rôle d'interlocuteur auprès de tous les acteurs de la région. Le Président Macron honore ce rôle et au Liban comme en Irak et nous devons remercier la France et son Président en lui souhaitant tout succès dans sa médiation. Le Président Macron parle aussi au nom de l'UE car l'instabilité au Moyen-Orient pèse lourd sur la sécurite de l'Union Européènne.

Joey Zugh / NWOD FORUM

22 h 06, le 05 septembre 2021

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Commentaires (2)

  • La France est la seule puissance mondiale qui avait refusé de faire partie de la coalition menée par les Etats-Unis pour envahir l'Irak en 2003 car à l'époque le Président Jacques Chirac n'était pas convaincu des raisons établies par les Américains pour envahir le pays. Après 10 ans de cette invasion qui a détruit l'Irak, appauvri son peuple et radicalisé sa jeunesse, les Etats-Unis reconnaissent que l'invasion de l'Irak était une grande erreur. Basée donc sur des mensonges, l'invasion fut une catastrophe pour les Iraquiens et pour l'image des Etats-Unis au Moyen-Orient. En conséquence, des milliers d'Iraquiens ont fui leur pays pour trouver refuge surtout en Europe. Du point de vue géopolitique, le Président Georges Bush Jr. déclarait qu'il allait introduire la démocratie en Irak et établir un nouvel ordre mondial. En effet, les Iraquiens ont été bombardé par cette démocratie et ont été directement offerts à l'Iran, ennemi des EUA. Heureusement que nous avons encore une puissance mondiale, telle la France, pour pouvoir résister à ce genre d'aventures graves et que maintenant peut toujours jouer le rôle d'interlocuteur auprès de tous les acteurs de la région. Le Président Macron honore ce rôle et au Liban comme en Irak et nous devons remercier la France et son Président en lui souhaitant tout succès dans sa médiation. Le Président Macron parle aussi au nom de l'UE car l'instabilité au Moyen-Orient pèse lourd sur la sécurite de l'Union Européènne.

    Joey Zugh / NWOD FORUM

    22 h 06, le 05 septembre 2021

  • qu'est ce qu'il e macron a vuloir ficher son nez un peu partout ou il est considere beaucoup trop petit et insignifiant( son nez ) pour faire la difference ? j'espere bcp pour les irakiens qu'il fera une tte petite micro difference qd meme, dans leurs interet non dans les siens.

    Gaby SIOUFI

    10 h 11, le 30 août 2021

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