Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, a été intercepté mi-juin par les douanes françaises à son arrivée de Beyrouth à l'aéroport du Bourget en France avec une importante somme d'argent non-déclarée, qu'il transportait en espèces dans une de ses valises. Selon le procès-verbal de son audition par les douanes, obtenu par le quotidien libanais al-Akhbar (proche du Hezbollah), et dont l'authenticité a été confirmée à L'Orient-Le Jour par une source judiciaire libanaise, M. Salamé, qui avait déclaré entrer sur le territoire français avec 15.000 euros mais avait en réalité plus de 84.000 euros et 7.000 dollars en sa possession, a indiqué avoir "oublié" que ces fonds se trouvaient dans sa valise.
Selon ce procès-verbal, à son arrivée à l'aéroport du Bourget, dans la banlieue parisienne, le 13 juin 2021, Riad Salamé a déclaré au douanier français voyager avec 15.000 euros et "50 cigares". Toutefois, lors d'une inspection des valises du responsable libanais, l'équivalent en différentes coupures de 84.430 euros et 7.710 dollars y ont été retrouvés. Cette affaire a été révélée alors que les fonds des Libanais sont bloqués depuis près de deux ans, les établissements bancaires imposant des restrictions aussi draconiennes qu'illégales sur les transferts et retraits en devises, en l'absence d'une loi sur le contrôle des capitaux.
Auditionné par les douaniers français, Riad Salamé, qui voyageait en possession d'un passeport diplomatique libanais et d'un passeport français, a souligné que ces fonds représentaient son "argent personnel" et qu'il n'avait pas de justificatif concernant leur transport mais qu'il pouvait s'en procurer un. Il a indiqué ne pas être au courant de l'obligation de déclarer cette somme avant son départ pensant que cela devait être fait "à l'arrivée à la douane". Alors que le douanier lui demandait pourquoi il n'avait alors évoqué qu'une somme de 15.000 euros, il a répondu : "Parce que l'argent en plus dans la valise ne quitte jamais cette valise. Je ne vérifie pas cet argent. J'avais oublié qu'il était là".
Le gouverneur a par ailleurs affirmé qu'il se rendait en France "pour y rencontrer des banquiers libanais qui ont des banques en France", sans donner plus de détails à ce sujet.
Procès-verbal transféré à la justice française
Il a finalement été autorisé à faire entrer les fonds en France, après s'être acquitté d'une amende de 2.700 euros. Toute personne entrant sur le territoire français doit normalement déclarer tout montant égal ou supérieur à 10.000 € transporté en argent liquide, tandis qu'au passage des frontières libanaises, tous les voyageurs doivent déclarer aux douanes toute somme égale ou supérieure à 15.000 dollars, selon une loi adoptée en 2015.
Selon des informations du Akhbar, suite aux révélations des douanes françaises, le parquet général près la cour de cassation a demandé aux douanes libanaises de prendre des mesures contre le gouverneur pour avoir fait sortir des fonds non-déclarés du Liban, en infraction de la loi.
Par ailleurs, le procès-verbal complet des douanes a été transféré à la justice française, où Riad Salamé fait l'objet d'une instruction judiciaire concernant l'acquisition de son riche patrimoine en Europe. Le parquet national financier (PNF), qui menait depuis fin mai une enquête préliminaire, à la suite de deux plaintes déposées contre M. Salamé et son entourage, a ouvert le 2 juillet une information judiciaire contre X pour "blanchiment en bande organisée" et "association de malfaiteurs".
Arrivé à la tête de la banque centrale libanaise en 1993, après vingt ans comme banquier d'affaires chez Merill Lynch à Beyrouth et Paris, l'influent Riad Salamé, qui aura 71 ans samedi, a longtemps été salué par la classe politique libanaise et le monde économique. Mais alors que le Liban est confronté à une crise économique sans précédent, ce proche du clan de la famille Hariri est aujourd'hui conspué par la rue, qui le soupçonne d'avoir, comme d'autres hauts responsables du pays, discrètement transféré d'importantes sommes à l'étranger lors du soulèvement d'octobre 2019, malgré les restrictions draconiennes imposées par les banques. Son départ de la BDL est également réclamé par le chef de l'État Michel Aoun.
commentaires (28)
Encore une fois une affaire politisée et qui servirait carrément les adversaires de Salamé et du haririsme...À y regarder de plus près, elle est un peu saugrenue: un homme qui ne cache pas être un millionnaire après avoir simplement fait fructifier son patrimoine familial (sic) et qui aurait des investissements importants en Europe, aurait fort probablement aussi un compte bancaire en France assez bien fourni en devises, et on ne comprend pas pourquoi il aurait besoin de tout cet argent liquide pour voyager: soit que c’est un grand naïf, soit qu’il voulait transférer cet argent dans ses comptes sans passer par les banques, soit que c’est une histoire montée de toute pièce car des P.V. soit-disant officiels peuvent être facilement forgés...En résumé, qui veut parier qu’on verra demain un déni total de l’intéressé, en criant à la chasse aux sorcières et que le camp présidentiel veut faire de lui le bouc émissaire de tout un établissement pourri et corrompu jusqu’à la moelle avec un populisme stupide et pensant se remettre en odeur de sainteté dans un but évident....Allez, ces histoires défoulent un peu les gens frustrés, mais en fin de compte, on tourne en rond et c’est du business as usual: pauvre Liban!
Saliba Nouhad
22 h 47, le 05 septembre 2021