En cette pleine saison de mouloukhia fraîche (on la congèlera pour l’hiver), nombreux sont ceux qui s’enivrent des effluves de son assaisonnement à l’ail et à la coriandre et de son goût léger. Chacun construisant son plat à sa manière et selon ses préférences selon des rituels précis, il peut choisir de servir le riz avant le poulet ou vice versa, napper l’ensemble de la préparation, consistante ou pas, placer (ou pas) le pain grillé en dessous ou au-dessus, assaisonner l’ensemble, pour finir, avec des oignons au vinaigre ou citron. Les adeptes de ce plat ne se doutent pas en le dégustant de ses vies antérieures. Celles-ci sont révélées dans la chronique gastronomique de la BBC sur les réseaux sociaux, intitulée Culinary Roots (les racines culinaires). L’on apprend d’abord que les feuilles vertes en dents de scie de la mouloukhia sont connues sous le nom de Corète potagère, de la famille des plantes dites mauves. Quant au mot mouloukhia, il n’est autre que l’adjectif arabe signifiant royal. Le plat a mérité ce titre de noblesse pour, selon une légende, avoir réussi au Xe siècle à rendre sa santé à un monarque égyptien souffrant d’une longue maladie.
« Depuis toujours et aussi loin que l’on puisse remonter pour identifier les racines des aliments, le peuple consomme traditionnellement ce qui est local, et ce qui est local le long du Nil et son delta, c’est la mouloukhia, a déclaré à Culinary Roots Michelle Berriedale-Johnson, historienne de l’alimentation et de la santé alimentaire. À ce jour, 95 % des Égyptiens vivent le long des rives vivifiantes de ce fleuve légendaire. Cette plante légume est donc un incontournable de toutes les cuisines égyptiennes et elle est considérée comme le repas emblématique du pays. »
« Mouloukhia royale »
Et de poursuivre : « À l’époque pharaonique, on mangeait aussi bien du foul (fèves vertes) que de la mouloukhia, car c’est ce qui poussait là-bas et qui s’adaptait au climat. On a observé des représentations de ces feuilles dans certaines peintures de leurs tombes. » Malgré leur abondance, elles n’étaient pas toujours disponibles pour les masses. Selon des récits populaires, l’un des dirigeants égyptiens de la dynastie fatimide du Xe siècle avait interdit la consommation de cette soupe visqueuse en raison de son prétendu effet aphrodisiaque sur les femmes.
Aujourd’hui, et n’étant donc plus l’apanage des pharaons et autres têtes couronnées, la mouloukhia toute royale qu’elle soit, est un plat de base dans les cuisines égyptiennes. Le monde arabe n’a pas hésité à l’adopter et à l’adapter selon les propres cultures de chaque région. Ce superaliment facile à cultiver et abordable regorge des vitamines C et E, de potassium, de fer et de fibres. Il contient également certains caroténoïdes et des éléments antioxydants, qui en font un excellent complément bénéfique de la nutrition. Selon une étude du département américain de l’Agriculture, 100 grammes de feuilles de mouloukhia contiennent 1,94 g de protéines, 5,79 g de glucides, 0,14 g de matière grasse, 2,8 g de fibres, 219 mg de potassium et 7 mg de sodium. Une étude récente, publiée dans le Journal of Ethnopharmacology, révèle que ses feuilles peuvent même prévenir l’inflammation intestinale et l’obésité.
Essentiellement préparée en soupe, elle avait tout pour convenir aux enfants en bas-âge, selon Mai Amer, nutritionniste pour enfants basée au Caire.
Us et coutumes
On apprend aussi qu’il existe différentes manières de déguster ce plat selon le lieu où l’on vit. Au Maroc, appelée aussi gombo , elle peut être aromatisée avec de la menthe séchée, de l’écorce d’orange séchée ou de l’écorce de grenade qui lui donnent un arrière-goût amer ; en Algérie, on la prépare avec de la viande de bœuf ou de la panse de mouton ; au Moyen-Orient, on cuisine plutôt les feuilles de corètes entières, fraîches et finement hachées ou séchées en ragoût. Ce plat est aussi apprécié dans certains pays africains, notamment au Soudan, au Tchad et au Mali, où il est consommé en poudre.
D’autre part, les traditions familiales et la géographie dictent comment et quoi manger avec la mouloukhia. Dans les villes côtières égyptiennes, comme Alexandrie, les habitants la privilégient avec des crevettes. Dans l’arrière-pays rural on l’accompagne de lapin poché, une viande réservée à quelques privilégiés dans l’Égypte ancienne. Les papilles expérimentées du chef Hussein Moustafa, originaire de Louxor, lui ont permis de mettre en relief l’importance de sa provenance : « La meilleure mouloukhia , dit-il, est celle cultivée parmi les champs de canne à sucre. C’est pourquoi, elle est plus savoureuse dans le sud de l’Égypte qu’au Nord. »
À ce mets spécial d’Orient et d’Afrique sont rattachés certaines us et coutumes. Ainsi, il est souvent préparé pour célébrer le premier jour du calendrier musulman afin que la nouvelle année soit « verte », c’est-à-dire prospère et pleine de bonheur. Dans certaines régions de Tunisie, il est servi à la fin d’un deuil et au premier jour de la fête du Fitr.
Outre l’omniprésence de ses recettes dans moult livres de cuisine, de nombreux titres lui sont consacrés. Les plus grands chefs de la région y ont publié les recettes de ce plat qui ne fait pas toujours l’unanimité. Pas de demi-mesure en général, la mouloukhia, on l’adore ou on ne la supporte pas…
commentaires (7)
Avant les années 1960, la mouloukhiya, plat Egyptien d’origine, était très très peu connue, pour ne pas dire inconnue au Liban, les Libanais de retour d’Egypte ont propagé ce plat au Liban. L’appellation d’origine est donc mouloukhiya selon la prononciation Egyptienne ; tout comme les prononciations d’origine Libanaise de bourghol, tabboulé, zaytouné etc… que les Egyptiens prononcent taboula, borghol, et zatoune. Bon appétit !
Le Point du Jour.
10 h 56, le 26 août 2021