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Nos Lecteurs ont la Parole

Au Frankenstein beyrouthin

Les soupirs renaissent par intermittence à travers les images sanguinolentes et l’harmonie attristée. L’acrimonie des ères apparaît sous l’aile du Phénix dans le tourbillonnement obscur de la ville funèbre.

La tristesse s’engouffre dans l’assemblée des écrans analysants… on analyse les malheurs ! Quoi de plus amusant ? On parlait du feu, de Dieu et encore des corps feus, et par chance, quelquefois, on évoquait les crimes contre les cieux. On incantait depuis un moment une explication susceptible de ravir l’entendement… Mais la classe salace des pinacles dans sa profonde somnolence se refuse aux droits de victimes agonisantes ; de ceux qui réussirent à fuir l’enfer et ceux qui lui vouèrent une place dans leurs entrailles en pleurs.

Le monde sonne ses soupirs endeuillés, la Terre n’est plus la même ; peut-être un peu plus ronde, mais cela la rend-elle moins plate ? Répondra qui pourra.

Les errances solennelles dans les débris des ruelles accueillent la colère germée, et mûrie, comme les murs lézardés sous les raies solaires, comme l’âme humaine faite de sillons amers. Cet endroit de la Terre défile sous les yeux, souriant, défiant, puis repart en silence. Serait-il ému, surpris ou écœuré ?

La fatalité de l’existence vient d’imprégner une nouvelle marque, rappelant qu’il n’y a rien de plus naturel pour un homme sur son trône de vent, construit des gémissements de la communauté qu’« il protège », que d’épier les cadavres de ses sujets, d’écouter les voix étranglées de leurs mères atterrées et de danser sur les symphonies des enfants égarés sous les nuées empoisonnées. Qu’il n’y a rien de plus déshumanisant que cette hiérarchie absurde de classe piétinante et classe piétinée. Étienne de La Boétie le devina très tôt en son discours : « Pour que les hommes, tant qu’ils sont des hommes, se laissent assujettir, il faut de deux choses l’une : ou qu’ils y soient contraints, ou qu’ils soient trompés. » Rien ne peut s’avérer plus loquace que l’indifférence des dirigeants face à la catastrophe du 4 août, pour s’assurer que l’on se trompa vivement, et que la contrainte dont nous sommes victimes n’est que l’œuvre d’un manque de solidarité et d’une complaisance dans la « servitude volontaire ».

On ne parle que du Phénix qui ressuscitera de ses cendres, mais que demeure-t-il de ce Phénix à Beyrouth ? Celui-ci fut substitué à un Frankenstein hideux de souvenirs brûlés et corps frappés de la foudre des étonnements. Un monstre dont l’âme fragile appelle son droit d’existence, et de survie, et qui redoute toutes les bougies de la sentimentalité oublieuse, du combat sempiternel avec les forces inhumaines du pouvoir.

Quelques photos avaient suffi, en plus d’un chant sous les rides… On baptiserait plus tard la date comme une nouvelle mémoire dans l’histoire du sang… et demain, nous rirons, nous oublierons les cris, les voix, les pleurs. Demain, tout ça n’existera plus pour nous. Nous n’existerons plus pour nous-mêmes, nous nous oublierons.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Les soupirs renaissent par intermittence à travers les images sanguinolentes et l’harmonie attristée. L’acrimonie des ères apparaît sous l’aile du Phénix dans le tourbillonnement obscur de la ville funèbre.
La tristesse s’engouffre dans l’assemblée des écrans analysants… on analyse les malheurs ! Quoi de plus amusant ? On parlait du feu, de Dieu et encore des corps feus, et...

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