Le Premier ministre désigné libanais, Nagib Mikati, s'est entretenu jeudi à Baabda avec le président de la République, Michel Aoun, pour tenter de faire progresser le processus de formation du gouvernement dans un Liban en crise, qui attend un cabinet depuis plus d'un an après la démission de Hassane Diab le 10 août 2020. A sa sortie du palais présidentiel, le Premier ministre désigné s'est montré peu loquace contrairement à son habitude. "Nous poursuivrons les discussions la semaine prochaine", s'est-il contenté de dire aux journalistes. La huitième réunion entre les deux hommes depuis la désignation de M. Mikati à la présidence du Conseil, le 26 juillet dernier, est intervenue au lendemain de la décision prise par la Banque du Liban de lever les subventions sur les carburants et le tollé et la panique que cette annonce a provoqués que ce soit sur la scène politique ou dans la rue. Une crise qui ne semble toutefois pour le moment pas influer sur le rythme des négociations entre MM. Aoun et Mikati.
Ainsi, selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, les obstacles entravant la formation de la nouvelle équipe sont toujours entiers, à commencer par le nombre de ministères qui relèveront du lot du chef de l’État. Ce dernier exigerait, outre le fait d'avoir son mot à dire sur les noms des ministrables, l'obtention de dix ministres au sein du cabinet, donc la minorité de blocage. Toujours selon M. Rabih, le président exigerait l'obtention des ministères des Affaires étrangères, de la Défense, de l'Agriculture, de l'Education et des Affaires sociales. Ce ministère, qui devrait superviser la distribution de la carte d'approvisionnement aux familles les plus démunies, est réclamé également par le leader druze Walid Joumblatt qui avait toutefois dit, lors d'une conférence de presse tenue plus tôt dans la journée, confier à Nagib Mikati la tâche de choisir le portefeuille à travers lequel les druzes seraient représentés au sein du futur cabinet. MM. Aoun et Mikati croiseraient également le fer sur la vice-présidence du Conseil, ce qui constitue un nouveau noeud venu s'ajouter aux autres. En face, le chef du gouvernement désigné insiste pour garder intacte la répartition actuelle des portefeuilles dits régaliens (un chiite aux Finances, un sunnite à l'Intérieur et deux chrétiens aux Affaires étrangères et à la Défense). M. Mikati aurait formulé, une nouvelle fois, cette proposition devant le chef de l’État, qui a préféré centrer le débat sur les portefeuilles dits "de service", rapporte notre chroniqueur. Le Premier ministre désigné insiste à obtenir le portefeuille de l'Intérieur, qui se chargera d'organiser les échéances électorales de 2022, mais aussi celui de la Justice réclamé par M. Aoun. Le chef de l’État réclamait jusqu’à présent l’Intérieur, mais notre chroniqueur rapporte que M. Mikati aurait proposé dimanche au chef du Courant patriotique libre et gendre du président de la République, Gebran Bassil, que le ministre chargé de ce portefeuille soit un sunnite choisi en accord avec le camp aouniste. Autre point d’achoppement, toujours selon Mounir Rabih, le ministère des Télécoms que le Premier ministre désigné veut inclure dans son lot contrairement à la volonté du président. Quant au tandem chiite Amal-Hezbollah, il insiste à conserver le ministère des Finances - ce à quoi s’opposaient jusque-là Michel Aoun et son camp exigeant la rotation des portefeuilles -, mais également à obtenir la Culture, l'Industrie et l'Agriculture (réclamée par M. Aoun).
Mercredi, le Premier ministre désigné avait toutefois déclaré depuis Baabda s'être entendu avec le chef de l’État sur "un brouillon de mouture gouvernementale", ajoutant que les choses avançaient "dans le bon sens".
Le président Aoun a chargé Nagib Mikati, 65 ans, de former un nouveau cabinet après l'échec de ses deux prédécesseurs (Moustapha Adib et Saad Hariri) à mettre en place un cabinet censé mener des réformes indispensables pour sortir le Liban de la pire crise socio-économique de son histoire récente. L'aide internationale au Liban est en effet conditionnée à la formation d'un gouvernement capable de lutter contre la corruption et de mener des réformes. L'Arabie saoudite a d'ailleurs réitéré, à plusieurs reprises, que toute aide qui serait fournie à Beyrouth dépendrait de la mise en place de "réformes sérieuses et tangibles" par le gouvernement libanais, "actuel ou futur".
Le problème sera toujours là, puisqu'il faut une Elite compétente et expérimentée, connaissant la population et ses aspirations. Ils doivent avoir une profonde compréhension des fonctions des nations et des institutions internationales qui comptent, pour négocier les meilleures conditions relatives aux intérêts du pays en faisant comprendre aux partenaires les atouts de ce pays malgré sa petite dimension. Le plus important c'est l'expertise pour piloter efficacement les institutions et les services publics dans ce Liban complexe et fragile, dans le cadre d’une stratégie de justice économique et sociale. Où allez-vous les trouver ceux qui acceptent d'entrée dans cette équation et résoudre la quadrature du cercle politique et sociale d'un pays décomposé. Ceux qui ont de talents et sont viscéralement honnête sont partis ailleurs.
15 h 56, le 13 août 2021