
Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Photo ANI
La première semaine d’août a été dure pour le Hezbollah. Elle a commencé le dimanche 1er par les événements de Khaldé. Elle s’est poursuivie par des rumeurs sur l’implication du parti chiite dans la tragédie du port de Beyrouth, lors de la première commémoration de l’explosion, avant d’être couronnée jeudi soir par les événements de Chouaya dans la région de Hasbaya.
Même si dans son dernier discours, samedi, Hassan Nasrallah n’a pas établi un lien clair entre ces trois développements, les milieux proches du Hezbollah considèrent que dans les trois cas, il y avait une volonté claire de montrer que cette formation a des problèmes avec les autres communautés, les sunnites à Khaldé, les chrétiens au port de Beyrouth et les druzes au Sud. Selon ces mêmes milieux, que ces trois développements soient fortuits ou non, l’exploitation qui en a été faite sur les plans médiatique et politique montre que l’objectif est le même : mettre en cause le Hezbollah et le placer en porte-à-faux avec les autres communautés du pays. De même, dans les trois cas, il s’agissait de provoquer une réaction musclée de la part du parti et de ses partisans, pour entraîner celui-ci dans une confrontation interne qui aurait écorné l’image de « mouvement de résistance » qu’il se donne.
Ainsi, à Khaldé, on aurait pu à la limite expliquer l’assassinat de Ali Chebli, lors du mariage d’un de ses proches, par la riposte à celui de Hassan Ghosn l’an dernier dans des circonstances obscures. Mais comment expliquer les tirs organisés (qui ont fait trois morts) le lendemain sur le convoi funèbre du même Ali Chebli sur la route principale de Khaldé, au moment de son passage devant le domicile du défunt ? En dépit de la gravité de l’attaque, laquelle selon l’enquête était préméditée, le Hezbollah a appelé ses partisans à la retenue, laissant l’armée libanaise se déployer dans le secteur et se charger d’y rétablir le calme. Mais ce ne fut pas une mission facile, tant les esprits étaient surchauffés et tant les développements commençaient à prendre une tournure confessionnelle entre sunnites et chiites.
Trois jours plus tard, la première commémoration de l’explosion au port a été l’occasion pour certaines parties politiques de reprendre les insinuations sur le fait que le Hezbollah aurait soit amené les milliers de tonnes de nitrate d’ammonium au Liban pour les utiliser dans la guerre en Syrie, soit installé un dépôt d’armes au port de Beyrouth qui aurait donc explosé pour une raison inconnue. Pour les milieux proches du parti chiite, cette commémoration nationale a donc été présentée par certaines parties politiques comme s’il s’agissait d’une attaque chiite contre des victimes chrétiennes. Même si rien de tel n’a été officiellement déclaré ni de la part du juge d’instruction ni des responsables, les insinuations de ce genre se multiplient, cherchant à accuser le Hezbollah d’être impliqué d’une façon ou d’une autre dans l’une des pires tragédies des dernières décennies. Là aussi, le parti pro-iranien a demandé à ses partisans de rester à l’écart et de ne pas répondre aux provocations. Mais dans certains milieux chrétiens, les rumeurs sur son implication continuent de circuler.
Jeudi, un nouvel événement inhabituel a eu lieu. Il s’est produit au Sud et a mis en cause une partie des habitants druzes de la localité de Chouaya ainsi que huit combattants du Hezbollah. En riposte au tir de quelques obus à partir du Liban sur le nord d’Israël, les avions israéliens ont effectué des raids de représailles contre des régions libanaises du Sud inhabitées. C’était la première fois depuis la guerre de 2006 que les Israéliens ripostaient en utilisant leurs avions de combat. Considérant qu’il s’agit de la part des Israéliens d’une tentative de modifier les règles d’engagement militaires établies depuis 2006, le Hezbollah a choisi de riposter et d’envoyer un message clair de refus de tout changement de ce genre. Il a donc choisi d’envoyer de plein jour une salve de missiles à partir d’une rampe mobile installée dans les collines surplombant la localité de Chouaya, qui elle-même est limitrophe des fermes de Chebaa. Le Hezbollah a donc pris soin d’agir dans un territoire échappant au contrôle de la Finul et donc non inclus dans les dispositions de la résolution 1701 du Conseil de sécurité. Alors que le message a été visiblement bien reçu par les autorités israéliennes qui n’ont plus réagi, l’affaire a pris d’autres proportions sur le plan local libanais.
À cause d’un incident technique sur le chemin du retour, les huit membres du Hezbollah qui avaient exécuté l’opération de lancement de 20 missiles, ainsi que la rampe qu’ils ont utilisée, sont passés par la localité de Chouaya. Ils ont été aussitôt attaqués par un groupe d’habitants qui les ont encerclés. Les huit combattants avaient des armes individuelles, mais ils ne les ont pas utilisées pour ne pas envenimer la situation. Quatre d’entre eux ont été évacués discrètement par certains habitants, et les quatre autres ont dû attendre l’arrivée des SR de l’armée – que des habitants avaient aussitôt contactés – pour être « exfiltrés ». L’armée a d’ailleurs publié un communiqué sur cet incident et les quatre combattants ont été rapidement relâchés.
Beaucoup d’analyses ont été élaborées sur l’incident de Chouaya, mais ce qui est sûr, c’est que certains habitants hostiles au Hezbollah (qu’ils soient ou non des proches d’anciens membres de l’Armée du Liban-Sud, la milice pro-israélienne qui contrôlait le Sud avant la libération de 2000) ont agressé des combattants au retour d’une mission contre les Israéliens. Certes, d’autres habitants ont protégé les combattants et les cheikhs de Bayada, très influents dans la région, se sont empressés de déclarer leur appui à la résistance. De même, aussi bien le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt que le Parti démocratique libanais de Talal Arslane ont appelé à la retenue et multiplié les signes d’apaisement, mais quelque part, l’alerte a été rude. Pour la première fois depuis des années, des personnes hostiles au Hezbollah ont agi de plein jour au Sud et mobilisé avec eux une partie des habitants. Ils ont d’abord invoqué le fait qu’ils ne connaissaient pas l’appartenance des combattants, mais une fois qu’ils l’ont sue, ils ont continué à les invectiver...
L’incident a été certes rapidement circonscrit, et lors de la cérémonie d’hommage aux huit combattants organisée par le Hezbollah à Khiam, les délégations druzes étaient très présentes. Mais le Hezbollah a une fois de plus été mis en cause, cette fois auprès des druzes.
En quelques jours, il a donc eu des problèmes avec trois communautés du pays. Certes, à chaque fois, les milieux proches du Hezbollah affirment qu’il a réussi, avec les différentes parties libanaises, à déjouer les pièges qui lui étaient dressés. Mais aujourd’hui, ces mêmes milieux se demandent où se déroulera le prochain piège et quelle forme il revêtira...
La première semaine d’août a été dure pour le Hezbollah. Elle a commencé le dimanche 1er par les événements de Khaldé. Elle s’est poursuivie par des rumeurs sur l’implication du parti chiite dans la tragédie du port de Beyrouth, lors de la première commémoration de l’explosion, avant d’être couronnée jeudi soir par les événements de Chouaya dans la région de Hasbaya....
commentaires (18)
Cet article me rappelle celui là sur le syndrome de stockholm https://www.lorientlejour.com/article/1241133/la-classe-politique-et-le-syndrome-de-stockholm-vis-a-vis-du-hezbollah.html La corruption a commencé dès la fin des années 80 certes. Il revenait à chacun parti, partisan, citoyens de les stopper lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir.
Alors...
11 h 41, le 12 août 2021