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Société - Éclairage

Commémoration du 4 août : à quoi s’attendre ?

Si le programme est ficelé, des débordements pourraient avoir lieu tant la colère gronde.

Commémoration du 4 août : à quoi s’attendre ?

Les manifestations du 8 août 2020. Photo João Sousa

Sur le papier, tout à l’air d’être organisé au millimètre près par les différents comités des familles de victimes de la double explosion du port. « Le 4 août a une particularité symbolique pour nous. Nous voulons que ce soit un jour de prière », affirme Ibrahim Hoteit qui a perdu son frère Tharwat lors de la double explosion au port de Beyrouth il y a un an. Le premier rendez-vous est fixé à 15h. Les personnes souhaitant soutenir les familles se retrouveront à trois endroits : la place Sassine, la caserne des pompiers à la Quarantaine, dont les volontaires ont péri alors qu’ils tentaient d’éteindre l’incendie en ignorant que le nitrate ammonium était stocké dans le hangar n° 12, et sur la baie du Saint-Georges. « Le but est de traverser les quartiers ravagés et de passer devant les hôpitaux qui ont aidé ce jour-là », explique Tracy Naggear, la mère de la petite Alexandra, victime de la déflagration. A 17h, les différentes marches se retrouveront à la statue de l’Émigré, devant le port, pour soutenir les familles et demander justice. Une minute de silence aura lieu à 18h07 pour marquer le moment de la détonation qui a eu lieu à 18h08, suivie d’une messe présidée par le patriarche maronite Béchara Raï. Les manifestants se dirigeront, en parallèle, vers le Parlement. A priori donc, pas de débordement. Mais un élément risque de modifier le déroulement de la journée : la colère de la population. « Paul et moi ne sommes contre rien. Nous ne considérons pas que ce soit une journée des victimes, c’est celle du Liban. Celui qui veut casser casse, celui qui veut être silencieux le reste, du moment que personne ne gêne l’autre », estime Tracy Naggear.

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Depuis plusieurs jours, les réseaux sociaux sont submergés d’appels à descendre dans la rue. Le premier anniversaire de la tragédie du 4 août 2020 fait remonter à la surface la rage qui bouillonne au sein d’une population qui se sent tous les jours un peu plus humiliée et qui assiste, désemparée, au spectacle de son propre déclassement. L’heure n’est plus à la fête comme aux premiers jours de la thaoura. « Celui qui vient dessiner, chanter et nettoyer les rues des déchets, qu’il ne descende pas ce 4 août », peut-on lire sur les réseaux sociaux. « Après un an, c’en est trop. Les sit-in et les bougies n’ont rien fait. Je descends pour être violent, et si nous pouvons aller chez un des politiciens, nous le ferons », affirme un manifestant de la première heure qui n’a pas quitté la rue depuis le 17 octobre.

« Cela va être conflictuel, c’est sûr »

La double explosion au port a fait au moins 218 morts et plus de 7 500 blessés. De nombreux responsables politiques avaient été informés, au fil des ans, de la présence d’une quantité massive nitrate d’ammonium dans le port et n’ont rien fait pour protéger la capitale. Cette négligence, qui peut être qualifiée de criminelle, provoque d’autant plus de colère qu’aucun responsable ne s’est excusé auprès des familles des victimes et que la classe politique cherche au contraire à entraver l’action de la justice dans cette enquête.

« Nous ne pouvons pas empêcher les gens de s’exprimer et nous ne leur dirons pas quoi faire, mais nous souhaitons qu’ils prennent en considération que c’est un jour particulier pour nous. Les alentours du port doivent rester calmes », souligne Ibrahim Hoteit qui craint une explosion de violence. « Cela va être conflictuel, c’est sûr. À quel point ? Personne ne le sait », estime pour sa part Mohammad Serhan, membre du Bloc national qui fait également partie de l’organisation avec d’autres partis politiques alternatifs. « Nous ne savons pas à quoi nous attendre car les gens sont traumatisés », poursuit-il. Durant les manifestations du soulèvement d’octobre 2019, de nombreux affrontements avaient eu lieu entre les manifestants et les forces de l’ordre, et entre les protestataires et les membres des partis traditionnels. Le 8 août 2020, quatre jours après le drame, une « journée du jugement » avait été organisée. Certains protestataires avaient pris d’assaut plusieurs ministères, et la Croix-Rouge libanaise avait fait état d’une soixantaine de blessés lors de heurts avec les forces de l’ordre.

« Avec toute la haine du monde »

« Si nous allons au Parlement, nous nous attendons à ce que les forces de l’ordre soient violentes : il y a la police du Parlement qui tire des balles en caoutchouc ainsi que des balles réelles en l’air. Je pense qu’il y aura autant de blessés que lors des manifestations du 8 août 2020 », lance William Noun, le frère du pompier Joe Noun décédé lors de la double explosion.

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L’armée assure qu’elle sera mobilisée pour le 4 août afin de « protéger les manifestants et les institutions publiques ». Mais elle pourrait vite être débordée par la situation. Le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, a essayé au cours de ces derniers mois d’éviter tout affrontement avec les protestataires, mais ce 4 août risque d’être un test de grande ampleur sur la capacité de l’armée à gérer pareil déversement de colère. Ces rumeurs de violence en découragent certains. C’est le cas d’Ariane*, la trentaine : « Je vais aller à la marche car elle sera pacifique. S’il y a des débordements, je me retirerai, car ça n’a pas de sens de se faire taper et tirer dessus alors que le lendemain, tout reviendra à la normale. » Les Beyrouthins ne seront pas seuls et seront rejoints par des personnes issues des différentes régions du pays. Nidal, un jeune de 29 ans de Bab el-Tebbané (Tripoli), assure qu’il descendra « avant 6 heures du matin. Ce sera un tremblement de terre qui affectera le système politique. Vous allez être surpris par la marée humaine qui se répandra devant le Parlement ». Salwa, originaire de Baalbeck, estime pour sa part que les manifestants « descendront avec toute la haine du monde ». En parallèle, plusieurs événements sont organisés à l’étranger, à Paris, Bruxelles, Boston, Londres, Amsterdam… « Ce n’est pas que de la colère et de la fatigue. Les gens vivent une combinaison de différentes émotions. Certains événement sont déclencheurs pour les personnes qui ont été directement ou indirectement touchées », explique Mia Atoui, psychologue clinicienne et présidente de l’association Embrace qui, à l’approche du 4 août, a vu les appels vers son assistance téléphonique « de survie » augmenter (le 1564).

Sur le papier, tout à l’air d’être organisé au millimètre près par les différents comités des familles de victimes de la double explosion du port. « Le 4 août a une particularité symbolique pour nous. Nous voulons que ce soit un jour de prière », affirme Ibrahim Hoteit qui a perdu son frère Tharwat lors de la double explosion au port de Beyrouth il y a un an. Le premier...

commentaires (2)

notons que, curieusement, tous les libanais-citoyens & Irresponsables( Kellon compris) ne font plus appel qu'a l'armee libanaise pour ramener le calme,assurer la securite etc..MAIS JAMAIS PLUS AUX FSI ? EXPLICATION MSSRS. DAMES ???

Gaby SIOUFI

14 h 27, le 03 août 2021

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Commentaires (2)

  • notons que, curieusement, tous les libanais-citoyens & Irresponsables( Kellon compris) ne font plus appel qu'a l'armee libanaise pour ramener le calme,assurer la securite etc..MAIS JAMAIS PLUS AUX FSI ? EXPLICATION MSSRS. DAMES ???

    Gaby SIOUFI

    14 h 27, le 03 août 2021

  • L’armée a un rôle essentiel à jouer demain. Empêcher les tee shirts noirs porteur de bâtons et armés pour semer la terreur et les fauteurs de troubles d’infiltrer ces manifestations et protéger les citoyens à cran de se confronter à ces voyous qui risquent de créer le chaos dans le but de disperser les libanais et prendre leur place dans la rue comme ça s’est déjà vu lors des autres manifestations où tous les libanais dégoûtés de la lâcheté et de l’incapacité de leurs politiciens à gérer le pays et qui étaient main dans la main pour dénoncer ce régime corrompu. Le chef des armées Joseph Aoun a du pain sur la planche et aura l’occasion de prouver son attachement à ce pays et à la sécurité de ses citoyens en réagissant en amont avant que les fossoyeurs de la nation ne prennent la main sur ce qui est sensé être un jour de communion entre les libanais victimes de ce système pourri. Prions pour qu’enfin cette institution se montre digne de cet événement qui fera date dans l’histoire de notre pays.

    Sissi zayyat

    10 h 45, le 03 août 2021

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