
Le patriarche maronite Béchara Raï au palais présidentiel de Baabda. Photo d'archives Palais présidentiel/Anadolu Agency
A la veille des consultations parlementaires contraignantes qui doivent se tenir lundi au palais présidentiel de Baabda en vue de désigner un nouveau Premier ministre, le patriarche maronite Béchara Raï a réclamé aux responsables de former un gouvernement avant le 4 août, date du premier anniversaire de la gigantesque explosion meurtrière au port de Beyrouth. Il a dans ce contexte dénoncé le retard pris par l'enquête sur le drame qui a fait plus de 200 morts et 6.500 blessés, estimant qu'à défaut de vérité, les dirigeants devraient donner aux Libanais un nouveau cabinet.
"Nous souhaitons que les consultations parlementaires se tiennent demain et qu'elles débouchent sur la désignation d'une personnalité nationale réformatrice bénéficiant de la confiance de la population en quête de vrai changement et qui reçoive l'approbation de la communauté arabe et internationale (...)", a affirmé Mgr Raï, dans son homélie dominicale à Dimane, la résidence d'été du patriarcat.
Les consultations de lundi interviendront suite à la récusation, le 15 juillet, du leader du courant du Futur Saad Hariri, qui a jeté l'éponge après neuf mois de pénibles tractations, marquées par un conflit politique et personnel avec le chef de l'État et son camp. Les tensions tournaient notamment autour des prérogatives des protagonistes, Saad Hariri souhaitant former lui-même son cabinet et le soumettre au président tandis que ce dernier assure que, selon la Constitution, il doit s'impliquer à part égale avec le Premier ministre désigné dans les tractations gouvernementales.
Dans un entretien au quotidien Al-Joumhouria samedi, le chef de l'État Michel Aoun, s'est dit "prêt à coopérer" pour la formation du futur gouvernement avec l'ex-Premier ministre Nagib Mikati, donné favori pour former la nouvelle équipe, ou avec "n'importe quelle autre personnalité" désignée par les députés à l'issue des consultations parlementaires.
Le Liban d'abord
"Nous appelons toutes les personnes concernées par la formation et la désignation à coopérer et faciliter cette fois la formation rapide du cabinet, sans répéter le jeu des conditions et les hérésies constitutionnelles, ainsi que la lutte autour des prérogatives", a mis en garde le patriarche, dans une critique claire à l'adresse de Michel Aoun et de Saad Hariri. "La situation ne supporte plus de débat autour des prérogatives et des droits, alors que le pays sombre dans la pauvreté, le chaos, et voit ses institutions menacées", a-t-il prévenu. "À quoi bon défendre les droits des communautés ? Le Liban ne passe-t-il pas d'abord ?", s'est interrogé le prélat. "Nous demandons aux responsables de finaliser la formation du gouvernement avant le 4 août, date anniversaire de l'explosion au port de Beyrouth. Nous leur disons : à défaut d'avoir donné la vérité à la population, donnez leur au moins un gouvernement", a plaidé Béchara Raï.
Le juge Tarek Bitar, en charge de l'enquête sur le drame, a inculpé plusieurs responsables politiques et sécuritaires actuels ou à la retraite, mais il fait face à une levée de boucliers de la part de l'establishment politique qui refuse de coopérer, au grand dam de l'opinion publique et des familles des victimes.
"Les tentatives de fuir la justice ne peuvent plus continuer, alors qu'on voit que certains ne se soucient pas du sang de ceux qui ont été tués (...). Les prétextes ne convainquent personnes, même si certains sont juridiquement fondés, car certains utilisent la Constitution pour contourner la justice", a déploré Mgr Raï. "C'est pour cela que nous avons demandé une enquête internationale, en cas de besoin, afin que tout le monde assume ses responsabilités et qu'aucun suspect ne puisse échapper" à la justice, a-t-il conclu.
Une "nouvelle Libye au Liban"
Le métropolite de Beyrouth, Elias Audi, a lui aussi dit espérer la formation rapide du gouvernement à l'issue des consultations de lundi, "afin de stopper la morte rampante qui frappe les Libanais". "Les rivalités politiques ont étouffé le pays et tué les Libanais. Il est temps d'oeuvrer sérieusement pour arrêter cette catastrophe", a plaidé Mgr Audi. Pour lui, il est nécessaire de former sans plus tarder un cabinet "pour assurer un peu de stabilité politique et économique et envoyer un signal positif à la communauté internationale".
Enfin, le mufti jaafarite Ahmad Kabalan a, lui, insisté sur la mise sur pied d'un gouvernement "avec des priorités sociales, financières et nationales, loin du tribalisme politique". "Il faut un gouvernement de sauvetage, pas de barricades", a-t-il estimé. Pour le dignitaire chiite, les puissances internationales "ne veulent pas voir une nouvelle Libye au Liban, mais sont plutôt en faveur de la paralysie du pays (...) afin d'instaurer une tutelle internationale indirecte". Il n'a toutefois pas cité les pays qu'il critique.
Le Premier ministre sortant Hassane Diab et son cabinet avaient présenté leur démission dans la foulée de la double explosion au port de Beyrouth, il y a presqu'un an. Depuis, et après la désignation de deux Premiers ministres qui ont tous deux jeté l'éponge, le pays reste sans exécutif en fonction alors qu'il traverse la pire crise économique et financière de son histoire moderne. Cet effondrement est marqué par une chute impressionnante de la livre libanaise sur le marché parallèle, une hyperinflation, une paupérisation rapide de la population et des pénuries d'électricité, de médicaments et de carburant. Un nouveau cabinet est donc très attendu, d'abord pour lancer les négociations avec le Fonds monétaire international afin d'obtenir un package d'aides, mais également pour débloquer des soutiens financiers promis par la communauté internationale, à condition que de profondes réformes soient menées.
A la veille des consultations parlementaires contraignantes qui doivent se tenir lundi au palais présidentiel de Baabda en vue de désigner un nouveau Premier ministre, le patriarche maronite Béchara Raï a réclamé aux responsables de former un gouvernement avant le 4 août, date du premier anniversaire de la gigantesque explosion meurtrière au port de Beyrouth. Il a dans ce contexte...
commentaires (12)
Je suggère humblement à Monseigneur Raï de lire l'appel que l'Archevêque de Beyrouth, Monseigneur Ignace Moubarak, avait adressé en 1948 au Président Bechara El-Khoury sur les comportements de tous ceux qui gravitaient autour de lui en matière de corruption, malversations et vols de l'argent public, à leur tête son frère Cheikh Salim El-Khoury dit "le Sultan". Cette démarche a contribué à la démission du Cheikh Bechara en 1952. Toute ressemblance avec nos dirigeants actuels est fortuite...
Un Libanais
22 h 10, le 25 juillet 2021