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Culture - Publication

Ces frontières invisibles qui nous séparent

« Negotiating Conflict in Lebanon: Bordering Practices in a Divided Beirut » de Mohamad Hafeda, aux éditions I.B. Tauris (maison d’édition britannique), est un livre inspirant sur la complexité de Beyrouth, ses frontières, ses paradoxes et son absurdité.

Ces frontières invisibles qui nous séparent

Un ouvrage qui offre une alternative pour réfléchir les frontières différemment. Photo DR

Artiste, designer, écrivain, monteur et cinéaste, Mohamad Hafeda est titulaire d’un doctorat en conception architecturale de la Bartlett School of Architecture de l’University College de Londres. Il enseigne également l’architecture et le design à l’Université de Leeds Beckett et à l’Université de Westminster. Son dernier opus, Negociating Conflict in Lebanon (éditions I.B. Tauris), est une alternative pour réfléchir les frontières différemment.

À travers des recherches basées sur des entretiens, une documentation approfondie, diverses représentations médiatiques telles que des cartes, des images et des installations de galerie, Negotiating Conflict in Lebanon met en lumière les méthodes par lesquelles les récits sectaires sont construits. Cet ouvrage explique comment les frontières sont des pratiques mises en place par des civilisations et le fruit de négociations qui dépendent uniquement de stratégies géopolitiques. Le livre est construit de façon à aborder le sujet avec différents outils.

D’abord d’un point de vue artistique, suivront des expériences sur le terrain, des recherches spatiotemporelles, l’étude de la cohabitation des différentes communautés, une cartographie détaillée pour comprendre le débat et enfin des photographies.

L’auteur a longtemps arpenté la ville afin de saisir comment les habitants vivent, racontent et négocient ces frontières.

Les frontières ne sont pas que physiques

S’appuyant sur des recherches innovantes sur les luttes communautaires et politiques à Beyrouth, Mohamad Hafeda tente de démontrer combien les limites d’une ville divisée sont bien plus que de simples divisions physiques et révèle la manière dont les citadins les vivent et les subvertissent de manière inattendue, en faisant valoir la nécessité de questionner, de déconstruire et de transformer ces constructions.

« Je me concentre sur un point essentiel, dit-il, celui de la temporalité et de l’immatérialité de ces frontières. Les habitants ont maintes fois tenté de prendre part à un conflit pour rétablir la normalité et restituer des frontières qui les marginalisent et les déshumanisent. »

Hafeda élargit la définition de la pratique frontalière en considérant la recherche artistique comme une pratique spatiale critique qui permet l’autoréflexion et la transformation des positions frontalières. Cette étude offre une vision alternative aux récits traditionnels de ce que l’on entend par frontière, et fournit des idées, des méthodes et des leçons qui peuvent être appliquées à d’autres villes du monde touchées par les conflits et la ségrégation politico-sectaires. « Les conflits ne cessant pas, j’étais intéressé d’étudier comment les divisions, au-delà de leur apparence physique, ont une influence sur la vie sociale et peuvent instaurer ainsi de nouvelles frontières invisibles. Chaque habitant se sent quelque part menacé par son appartenance politique, et quelquefois par le nom qu’il porte, qui dénonce son appartenance religieuse. Certaines chaînes de télé sont imposées dans certains quartiers et des familles hésitent souvent à rendre visite à leurs proches par crainte de traverser la frontière d’un quartier à l’autre, craignant d’être interpellées par les partisans du clan adverse. Toutes ces expériences que les Libanais subissent sont une conséquence du conflit libanais et interviennent dans l’interaction, la mobilité ou la prise de certaines décisions. »

C’est ainsi que Mohamad a établi dans son livre une liste de comportements relevant des frontières et qui varient suivant l’espace qu’elles occupent. « Les hommes, dit-il, se créent des frontières qui ne sont pas physiques, mais un éventail de pratiques présentes dans le quotidien de chacun. Lorsque nous vivons à Beyrouth, tous nos sens s’accommodent de ces frontières qui se transmettent aux générations futures. Notre mémoire sensorielle subit ces frontières invisibles. » Et d’ajouter : « Au niveau du sens visuel interviennent les panneaux et les photos des dirigeants qui agissent sur l’inconscient, au niveau du sens auditif, on impose aux habitants des sons que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans les grandes cités. »

À travers un travail de reportage et d’analyse puissante, ce livre fournit non seulement un niveau d’engagement, mais une rencontre déterminante avec le processus social et politique profond qui détermine la façon dont nous négocions les conflits. Il a ainsi quelque chose à offrir à quiconque s’intéresse aux frontières et aux luttes frontalières partout dans le monde.

Artiste, designer, écrivain, monteur et cinéaste, Mohamad Hafeda est titulaire d’un doctorat en conception architecturale de la Bartlett School of Architecture de l’University College de Londres. Il enseigne également l’architecture et le design à l’Université de Leeds Beckett et à l’Université de Westminster. Son dernier opus, Negociating Conflict in Lebanon (éditions I.B....

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