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Politique - Explosions au port de Beyrouth

Déchargement du nitrate d'ammonium : Machnouk s'en lave les mains

Les familles des victimes manifestent devant le Palais de justice et le Parlement. 

Déchargement du nitrate d'ammonium : Machnouk s'en lave les mains

Le député libanais et ex-ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk, au Parlement libanais, le 23 juillet 2021. Photo Ali Fawwaz / Parlement libanais

Le député libanais et ex-ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk s'est dédouané vendredi de toute responsabilité concernant la gestion du chargement de nitrate d'ammonium à l'origine de la double explosion au port de Beyrouth et s'est dit prêt à témoigner devant le juge Tarek Bitar, chargé de l'enquête sur cette catastrophe, regrettant que cet interrogatoire n'ait pas eu lieu avant sa mise en accusation. Lors d'une conférence de presse au siège du Parlement, il s'est prononcé en faveur d'une enquête internationale sur les causes de la déflagration. 

Celle-ci a été provoquée par un incendie dans un hangar du port où étaient stockées, depuis des années et sans mesures de précaution 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium. M. Machnouk était ministre de l'Intérieur lors du déchargement de ces matières, en 2014. 

Le juge d'instruction près la cour de Justice, Tarek Bitar, avait réclamé la levée de l'immunité des trois députés et ex-ministres Nouhad Machnouk, Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter, ainsi que celle de l'ex-ministre Youssef Fenianos en vue de les inculper et d'engager des poursuites pour "éventuelle intention d'homicide", mais aussi pour "négligence et manquements". Toutefois, le Parlement a jusqu'à présent refusé d'accéder à la demande du juge et a, bien au contraire, lancé une pétition pour que les responsables politiques mis en accusation soient jugés devant la Haute cour de justice pour les présidents et ministres, ce qui nécessite une mise en accusation par la Chambre elle-même. Cette éventualité est catégoriquement refusée par les familles des victimes et l'opposition qui dénoncent une tentative de contourner l'enquête du juge Bitar. 

"Le seul document que j'ai reçu au sujet du chargement de nitrate d'ammonium évoque un navire en transit qui transportait plusieurs tonnes de ce produit et qui se dirigeait de la Géorgie vers le Mozambique", a-t-il affirmé lors de sa conférence de presse, soulignant que ce document ne mentionne à aucun moment le déchargement du navire dans le port de Beyrouth. "Je ne savais pas que ce chargement était entré sur le territoire libanais", a-t-il ajouté. Les accusations devraient donc être lancées envers "celui qui a ordonné de décharger le nitrate dans le port, et non envers le ministre de l'Intérieur, qui n'a absolument aucune prérogative à ce sujet", s'est-il défendu, regrettant de ne pas avoir été appelé à témoigner devant le juge Tarek Bitar "malgré ses tentatives d'entrer en contact avec lui". "Je suis prêt à témoigner dès ma convocation par le juge", a-t-il assuré. Et de s'interroger sur les raisons pour lesquelles le magistrat n'a pas lancé de poursuites contre les ministres de la Justice successifs "sachant que le déchargement du nitrate d'ammonium a été ordonné par la justice". 

Amendement de la Constitution
"S'il faut vraiment lever les immunités, que la Constitution soit amendée", a-t-il poursuivi, soulignant que, selon ce texte, les ministres ne peuvent être jugés que devant la Haut cour de justice, surtout que "l'accusation est liée à mon mandat ministériel et non au fait que je suis député". "Lorsque j'aurai témoigné, si le juge n'est pas convaincu de mes réponses, rien n'empêche alors que mon immunité soit levée. Mais cette décision doit être prise par le Parlement à la majorité des deux tiers", a-t-il ajouté.

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"Députés du nitrate" : le Parlement appelle la justice à réagir face aux critiques dont il fait l'objet

L'ancien ministre de l'Intérieur s'est par ailleurs prononcé en faveur d'une enquête internationale, estimant que seule une telle procédure pourrait trancher concernant l'hypothèse d'une implication d'Israël dans les causes de l'explosion. "Seule une enquête internationale permettrait d'atteindre des résultats sérieux", a-t-il insisté. 

Nouhad Machnouk a encore affirmé qu'il fait lui-même partie des victimes de la double explosion, son bureau ayant subi des dommages lors de la catastrophe. 

Sit-in près du Parlement
Pendant la conférence de presse du député, des membres des familles des victimes de la double explosion s'étaient rassemblées près du siège de la Chambre pour réclamer la levée de l'immunité des responsables. Peu auparavant, elles avaient déjà manifesté devant le palais de Justice de Beyrouth pour appeler le procureur général près la cour de cassation, Ghassan Oueidate, à autoriser la comparution devant la justice du directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim. Le procureur Oueidate doit trancher sur la comparution du général Ibrahim après que celle-ci ait été refusée par le ministre sortant de l'Intérieur, Mohammad Fahmi, ce qui a poussé le juge Bitar à introduire un recours en invalidation de cette décision.

"Nous manifestons aujourd’hui en guise d’avertissement au procureur Oueidate, afin qu’il décide, d’ici samedi matin, d'autoriser la comparution devant la justice du général Abbas Ibrahim", a souligné le porte-parole des familles des victimes, Ibrahim Hoteit. "Les autorités tentent de fragmenter l’enquête à travers le Parlement et la pétition de la honte (visant à contourner la levée des immunités parlementaires réclamée par le juge Bitar), et ce en formant un comité parlementaire chargé de l’enquête et constitué de 7 députés et 8 juges choisis par des partis politiques", a-t-il dénoncé. Les parents des victimes ont également interpellé le procureur Oueidate, l’appelant à "ne pas renvoyer le dossier à quelqu’un d’autre sous prétexte qu'il s'est récusé de cette affaire". "Ne pas autoriser les poursuites est un complot ourdi contre le sang de nos enfants", ont-ils dénoncé. Le juge Oueidate s’était récusé dans le cadre de cette affaire pour éviter un conflit d’intérêt, sachant qu'il a un lien de parenté avec Ghazi Zeaïter.

Entraver l'enquête
Le porte-parole des familles des victimes a par ailleurs critiqué le vice-président du Parlement Elie Ferzli, qui tente selon lui d’entraver l’enquête. Les députés, réunis le 10 juillet en commissions, n’ont pas statué sur la requête du juge d’instruction de lever l’immunité des députés mis en cause. Pour justifier leurs tergiversations, ils ont demandé à M. Bitar de leur fournir des documents permettant de confirmer les suspicions invoquées à l’égard des quatre anciens ministres et davantage d’indices sur leur culpabilité. Une requête que le juge d’instruction a refusée, n’étant tenu par la loi qu’à un simple résumé des faits qu’il a déjà soumis aux députés. L’Assemblée devra décider, à la majorité des présents lors d’une séance plénière, de mettre en branle la procédure prévue par l’article 70 de la Constitution, espérant ainsi contourner Tarek Bitar. Cet article prévoit que la Chambre des députés a le droit de mettre le président du Conseil des ministres et les ministres en accusation pour haute trahison ou pour manquement grave aux devoirs liés à leur charge. L’inculpation ne peut être décidée qu’à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée entière. Ibrahim Hoteit a aussi critiqué le ministre sortant de l’Intérieur Mohammad Fahmi, qui avait refusé la demande de comparution du général Abbas Ibrahim et qui avait fait réprimer les manifestants qui s’étaient rassemblés devant son immeuble pour dénoncer sa décision. Au cours de la manifestation, les proches des victimes ont par ailleurs mis en garde contre une "explosion au Liban", alors que l’enquête sur le drame n’a toujours pas avancé, selon des propos rapportés par la chaîne locale MTV. "Nous ne pouvons plus supporter davantage, (...)", ont averti les parents des victimes qui manifestent de manière régulière depuis le début du mois. "Notre sang ne sera pas gaspillé. Vous avez une dernière chance", ont-ils prévenu, à l’approche du premier anniversaire du drame.

Plus tôt dans la journée, l'ex-commandant en chef de l'armée libanaise Jean Kahwagi s’était rendu au palais de Justice pour comparaître devant le juge Bitar. La séance a toutefois été reportée au lundi 2 août en raison de la grève des avocats, a précisé son avocat. Ce dernier a enfin souligné que M. Kahwagi "n’a pas peur de la justice et n'a rien à cacher".



Le député libanais et ex-ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk s'est dédouané vendredi de toute responsabilité concernant la gestion du chargement de nitrate d'ammonium à l'origine de la double explosion au port de Beyrouth et s'est dit prêt à témoigner devant le juge Tarek Bitar, chargé de l'enquête sur cette catastrophe, regrettant que cet interrogatoire n'ait pas eu lieu avant sa...

commentaires (3)

"Les accusations devraient donc être lancées envers "celui qui a ordonné de décharger le nitrate dans le port, et non envers le ministre de l'Intérieur, qui n'a absolument aucune prérogative à ce sujet", s'est-il défendu, regrettant de ne pas avoir été appelé à témoigner devant le juge Tarek Bitar "malgré ses tentatives d'entrer en contact avec lui". " Je trouve qu'il a parfaitement raison sur ce point précis: celui qui a ordonné le déchargement de la cargaison de nitrate d'ammonium, en l'occurence le juge Jad Maalouf, devrait être inculpé en premier. Mais ce que vous avez omis de dire, c'est que M. Machnouk a prétendu, dans sa conférence de presse, qu'il croyait "que le nitrate d'ammonium était utilisé comme engrais"! Là, il est en train de mentir de la belle façon: le 13/8/2014, il a envoyé la lettre No 8145 au secrétariat général du conseil des ministres dans laquelle il demande l'octroi d'un permis d'importation de 200 tonnes/mois pendant un an de nitrate d'ammonium à plus de 30% d'azote, pour le compte de la Société Libanaise des Explosifs. Il a envoyé une autre lettre avec le même objet le 15 février 2017, mais là, la quantité était plus modeste: 450 tonnes. Ce n'est certainement pas comme engrais que ladite société voulait utiliser ces 2850 tonnes de nitrate d'ammonium, et il le savait très bien!! Notez que la quantité demandée par la société est presque la même que la cargaison du Rhosus: il aurait été possible d'éviter l'explosion en vendant la cargaison à Chammas!

Georges MELKI

12 h 07, le 27 juillet 2021

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Commentaires (3)

  • "Les accusations devraient donc être lancées envers "celui qui a ordonné de décharger le nitrate dans le port, et non envers le ministre de l'Intérieur, qui n'a absolument aucune prérogative à ce sujet", s'est-il défendu, regrettant de ne pas avoir été appelé à témoigner devant le juge Tarek Bitar "malgré ses tentatives d'entrer en contact avec lui". " Je trouve qu'il a parfaitement raison sur ce point précis: celui qui a ordonné le déchargement de la cargaison de nitrate d'ammonium, en l'occurence le juge Jad Maalouf, devrait être inculpé en premier. Mais ce que vous avez omis de dire, c'est que M. Machnouk a prétendu, dans sa conférence de presse, qu'il croyait "que le nitrate d'ammonium était utilisé comme engrais"! Là, il est en train de mentir de la belle façon: le 13/8/2014, il a envoyé la lettre No 8145 au secrétariat général du conseil des ministres dans laquelle il demande l'octroi d'un permis d'importation de 200 tonnes/mois pendant un an de nitrate d'ammonium à plus de 30% d'azote, pour le compte de la Société Libanaise des Explosifs. Il a envoyé une autre lettre avec le même objet le 15 février 2017, mais là, la quantité était plus modeste: 450 tonnes. Ce n'est certainement pas comme engrais que ladite société voulait utiliser ces 2850 tonnes de nitrate d'ammonium, et il le savait très bien!! Notez que la quantité demandée par la société est presque la même que la cargaison du Rhosus: il aurait été possible d'éviter l'explosion en vendant la cargaison à Chammas!

    Georges MELKI

    12 h 07, le 27 juillet 2021

  • Il y a un proverbe qui dit « on a les gouvernants que l’on mérite » alors ces gouvernants doivent aussi se dire « on a la justice que l’on mérite ». Qu’un député ex-ministre dise que la justice libanaise est incompétente, c’est preuve en mille qu’il est lui même probablement incompétent. A propos, et pour votre défense, dites-nous quelles sont vos compétences Monsieur l’ex-ministre?

    PPZZ58

    22 h 17, le 23 juillet 2021

  • Nous voilà cette fois-ci dans le labyrinthe de l’injustice, réputée pour être infranchissable pour trouver la porte de sortie. Toutes les portes seront closes, verrouillées, cloisonnées et infranchissables donc sans issues. Le coup classique pour chaque affaire touchant de prés ou de loin le sacré saint Hezb. Qui comme de bien entendu, donnera une leçon de moralité, et cherchera par ce biais à changer les institutions, pour nous emmener dans une république islamique, dans laquelle les Chrétiens seront tolérés mais pas accepter, avec juste le droit de se taire ! c’est déjà le cas depuis un temps certain, avec l’aval tacite de Aoun/Bassil qui s’auto réclament représentants des chrétiens en leur mettant la tête sous l’eau. La preuve ! pendant que le pays agonise, le grand-père de Baabda annonce, en souriant que les consultations parlementaires débuteront lundi 26.07.2021. Alors qu’il y a urgence, et que chaque minute, voir chaque seconde, et même nanoseconde compte pour ranimer le Cœur du Liban qui se meurt. Bon courage Monsieur le Juge Tarek Bitar ! chaque Libanais digne de ce nom, doit vous soutenir, dans la tâche Ô combien difficile voire impossible que vous menez.

    Le Point du Jour.

    20 h 47, le 23 juillet 2021

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