Le président de la République libanaise, Michel Aoun, a affirmé mercredi que les consultations parlementaires contraignantes auront lieu à la date fixée, lundi prochain, pour nommer un nouveau Premier ministre capable de former un gouvernement, après la récusation de Saad Hariri. Le chef de l’Etat a toutefois fait savoir qu’une demande de report de cette échéance devrait être justifiée.
M. Hariri avait annoncé jeudi dernier qu'il renonçait à former un gouvernement, près de neuf mois après avoir été nommé, et au moment où le pays est confronté à la pire crise socio-économique de son histoire. Il était chargé de mettre en place une équipe censée lancer des réformes indispensables pour débloquer notamment des aides internationales cruciales. Mais après des mois de marchandages interminables avec le camp du président libanais, il a fini par jeter l'éponge en raison du conflit politico-personnel qui l'oppose à M. Aoun et son gendre, Gebran Bassil.
"Les consultations auront lieu à la date prévue et toute demande éventuelle de report devra être justifiée et analysée", a écrit le chef de l'Etat sur Twitter. La date des consultations avec les différents blocs a été fixée au lundi 26 juillet, afin de reprendre sans tarder les tractations et d'accélérer la formation d'un nouveau gouvernement, attendu depuis août 2020.
Les quelques jours restants avant cette échéance devraient être mis à profit par les différents protagonistes pour accélérer les concertations politiques, sur la scène locale et internationale, devant déboucher sur une hypothétique entente autour d’une personnalité sunnite qui serait chargée de cette mission et serait plus ou moins agréée par les principales forces politiques, tout en inspirant suffisamment confiance à la communauté internationale. En octobre dernier, les consultations parlementaires devant être organisées après la récusation de Moustapha Adib avaient été reportées d'une semaine afin d'obtenir un plus large consensus sur la personne de Saad Hariri, notamment au niveau des parties chrétiennes. Ce dernier avait finalement été désigné le 22 octobre 2020.
"Bazar des blocs parlementaires"
Pour sa part, le mufti jaafarite, le cheikh Ahmad Kabalan, a appelé à la formation d'un gouvernement capable de prendre des décisions politiques pour sauver le pays, et qui ne se contenterait pas d'organiser les élections législatives suivies de l'élection présidentielle, normalement prévues au printemps prochain.
"La corruption est ce dont nous souffrons le plus car elle a engendré la catastrophe qui a frappé notre peuple et a transformé notre pays en champ de bataille politique et économique", a estimé le dignitaire chiite à l'occasion d'un prêche prononcé pour la fête de l'Adha depuis la mosquée de l'imam Hussein à Bourj el-Barajné, dans la banlieue sud de Beyrouth. "Il n'y a pas d'eau, pas d'électricité, pas de médicaments, pas d'essence", a-t-il déclaré, déplorant "l'effondrement effrayant des capacités et des institutions de l'État". "Nous sommes confrontés à une catastrophe. Il y a une volonté de vous affamer, de vous étouffer, de vous intimider", a-t-il lancé à l'adresse du peuple libanais, jetant la pierre aussi bien au contexte politique international qu'aux agissements de "certaines personnes à l'intérieur du Liban qui monopolisent les denrées et profitent de la crise".
"Le pays est à tous ; personne n'a sur lui un droit exclusif ou un privilège. Nous souffrons aujourd'hui de la moutassarafiya des confessions et de la mentalité de moi ou personne d'autre", a encore estimé le mufti proche du Hezbollah, dans une critique à peine voilée à M. Hariri dont le Courant du Futur refuse de nommer une autre personnalité sunnite pour lui succéder à la présidence du Conseil. "Il est maintenant temps d'éteindre le feu et de freiner la chute, au lieu de penser aux élections et à leurs pertes et profits", a jugé le cheikh. "Ce qui importe aujourd'hui, c'est la survie du pays, et non pas le bazar des groupes parlementaires", a-t-il ajouté à l'adresse des responsables politiques.
"Un gouvernement de décision politique"
"Si les forces politiques veulent vraiment protéger ce pays, qu'elles se mettent d'accord sur un gouvernement de décision politique", a poursuivi le mufti Kabalan. "Le pays, avant les élections, a désespérément besoin d'un tel cabinet", a-t-il ajouté, faisant état "d'offres chinoises et russes sur la table pour prendre de grandes décisions qui sauveront le pays et empêcheront sa chute". Une manière de soutenir la rhétorique du pivot vers l'Est portée par le Hezbollah. Il a critiqué l'aide quémandée auprès de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), affirmant que "la noyade" était la condition d'obtention de cette aide et a appelé à ne pas compter sur les secours américains, européens et arabes. "Ce sont des illusions", a-t-il jugé. "Nous avons seulement besoin d'un Premier ministre courageux et de forces nationales courageuses qui l'appuient", a encore soutenu le dignitaire chiite. "Nous voulons un gouvernement de décision politique, pas d'un gouvernement (de préparation) des élections ni d'un gouvernement de compromis", a-t-il renchéri.
commentaires (10)
"Si les forces politiques veulent vraiment protéger ce pays, qu'elles se mettent d'accord sur un gouvernement de décision politique". Surtout pas! Si les forces politiques veulent vraiment protéger ce pays, qu'elles se retirent de la scène et laissent travailler des spécialistes intègres. Mais c'est, malheureusement, un souhait irréalisable. Comment ces hommes corrompus pourraient-ils accepter de laisser la place à des ministres honnêtes qui ne pourraient manquer de dévoiler toutes leurs malversations?
Yves Prevost
07 h 04, le 22 juillet 2021