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Économie - Liban

Le déficit public en baisse de plus de moitié en 2020

Une fois de plus, le pays n’est pas parvenu à respecter les objectifs fixés dans son budget prévisionnel.

Le déficit public en baisse de plus de moitié en 2020

Une route à Beyrouth bloquée à l'aide de bennes à ordures par des manifestants en colère, le 15 juillet 2021. Photo REUTERS/Mohamed Azakir

Le mois passé, le ministère des Finances a publié les chiffres relatifs aux finances publiques du mois de décembre, clôturant ainsi l’année fiscale 2020 avec un déficit en baisse de plus de moitié en glissement annuel, une performance qui est pourtant loin d’être liée à une amélioration de la gestion du pays. Le budget 2020 avait lui été voté le 27 janvier 2020 (soit en dehors des délais normaux) lors d’une séance considérée comme inconstitutionnelle par plusieurs formations politiques, le tout dans un climat de contestation populaire qui se poursuivait depuis le 17 octobre 2019.

L’exercice a été d’ailleurs particulièrement compliqué pour le Liban pris en étau entre une crise qui a continué à s’aggraver et la pandémie du Covid-19 qui a poussé le gouvernement à imposer des mesures de confinement. L’actualité du pays a enfin été marquée par les destructions sans précédent provoquées par la double explosion meurtrière survenue dans la zone du port de Beyrouth le 4 août 2020 et dont la gestion par les autorités aura été symptomatique de leur incapacité - ou de l’absence de volonté politique - à diriger le pays avec un minimum de considération pour l’intérêt général.

Stabilisé pendant des années par la Banque du Liban, le taux de change dollar/livre a poursuivi sa longue descente aux enfers entamée avec la crise, glissant d’environ plus ou moins 2000 livres pour un dollar début 2020, pour pointer en décembre à près de 8 000 livres, non sans avoir atteint un pic à 10 000 livres en cours d’année. La monnaie nationale a donc perdu 75 % de sa valeur au cours de l’année écoulée. Cette dévaluation, qui a provoqué une hausse du taux d’inflation de 84,9 % en 2020 selon l’Administration centrale des statistiques (ACS) a également poussé près de 57,9 % des Libanais sous le seuil de pauvreté, selon l’Escwa. La situation est encore pire aujourd’hui, puisque le billet vert s’échange contre près de 22 000 LL, soit une dévaluation de 93,14 % comparé à la parité officielle.

Problèmes d’électricité

C’est dans ce contexte que le déficit public a diminué de plus de 50 % en glissement annuel, (53,59 %), passant de -8 798,8 milliards de livres (5,84 milliards de dollars au taux officiel toujours en vigueur), en 2019 à -4 083,31 milliards de livres (2,71 milliards de dollars). Une baisse qui s’est principalement faite au détriment de certains services publics pourtant essentiels et qui n’est en plus pas parvenu à s’approcher de l’objectif de 4,2 milliards de dollars fixé dans le budget prévisionnel (une constante depuis 2017 alors que le pays était, avant ce dernier exercice,  géré sans budget depuis 2005).

Le pays du Cèdre, qui évolue sans gouvernement actif depuis la démission de celui de Hassane Diab le 10 août 2020, dans le sillage de la tragédie du port, se retrouve en effet de plus en plus souvent sans électricité à la suite de l’accumulation de plusieurs facteurs - baisses des avances du Trésor, scandale impliquant l’Algérien Sonatrach un des principaux fournisseurs de fuel du pays, accumulation des arriérés de paiement d’Electricité du Liban, etc. -, l’état des routes se dégrade, faute d’entretien suffisant, tandis que les déchets s’accumulent périodiquement dans les rues du pays en raison de retards de paiement de l’Etat aux prestataires chargés de les ramasser.

Signe que la baisse du déficit n’est pas le fruit d’une gestion responsable des finances publiques : le solde primaire, qui est calculé en retirant le service de la dette, s’est considérablement détérioré, avec une hausse de 125,69 % sur l’exercice 2020, tombant de -432,95 milliards de livres (287,19 millions de dollars) en 2019 à -977,13 milliards de livres (648,18 millions de dollars). Le service de la dette s’est lui élevé à 2 916,98 milliards de livres (1,93 milliards de dollars) en 2020, contre 8 067,79 milliards de livres (5,25 milliards de dollars) un an plus tôt, une baisse drastique de 63,84 %, qui s’explique par le défaut de paiement sur la dette en devises - les Eurobonds - en mars 2020, dette qui n’a toujours pas été restructurée depuis.

La baisse du service de la dette n’explique pas à elle seule la chute des dépenses publiques qui ont reculé de 23,65 % en glissement annuel en 2020, pour atteindre 25 478,61 milliards de livres (ou 6,9 milliards de dollars), contre 19 425,19 milliards de livres (12,88 milliards de dollars) en 2019. Autre poste amputé par les autorités par défaut : les avances du Trésor à Électricité du Liban (EDL), qui ont baissé de 38,58 % à fin décembre 2020 pour atteindre près de 1 393,47 milliards de livres (924,36 millions de dollars), contre 2 269,19 milliards de livres (1,5 milliard de dollars), en décembre 2019 (soit respectivement 7,17 % et 8,9 % des dépenses publiques).

Pour rappel, les députés avaient voté l’allocation de 1 500 milliards de livres (environ 1 milliard de dollars) en tant qu’avances du Trésor à EDL, pour lui permettre de financer ses achats de carburant (les tarifs d’électricité étant gelés depuis le début des années 1990). Cette enveloppe est en nette baisse (-40 %) par rapport à celle incluse dans le budget pour 2019. Les avances non utilisées en 2020 (106,53 milliards de livres) ont, elles, servi à financer le carburant du début de cette année, selon les déclarations d’une source proche du dossier. La baisse des dépenses publiques est également liée à celle des « dépenses générales ». Celles-ci sont en baisse de 7,65 % à 14 070,41 milliards de livres (9,33 milliards de dollars).

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Les recettes du pays ont naturellement connu une baisse en raison de la contraction de l’économie libanaise de près de 30 % en 2020 selon les estimations de l’Escwa publiées la semaine passée, contre 20 % pour le Fonds monétaire international et la Banque mondiale). Elles sont passées de 15 341,88 milliards de livres (10,17 milliards de dollars) en 2019 à 12 534,7 milliards de livres (11,06 milliards de dollars) l’année passée, soit une diminution de 8,02 %. Sans surprise, les recettes fiscales ont connu une baisse de 16,44 %, tombant à 10 473,91 milliards de livres (6,95 milliards de dollars) contre 12 534,7 milliards de livres (8,31 milliards de dollars) en 2019, et les revenus des télécoms affichent une augmentation de 6,44 % par rapport à la même période l’an dernier pour atteindre 1 519,98 milliards de livres (soit 1,01 milliard de dollars). Une des pistes probables pourrait être les nombreux problèmes de connexion d’Ogero, qui jongle également avec la pénurie de mazout pour alimenter ses générateurs, nécessaires pour fournir des services télécoms.

Bien que nous sommes déjà au septième mois de l’année, la loi de budget 2021 n’a toujours pas été votée, alors que selon la Constitution, elle aurait dû être adoptée avant le début de l’année 2021. À fin janvier, le ministre sortant des Finances Ghazi Wazni avait déclaré avoir transmis à la présidence du Conseil des ministres l’avant-projet de budget pour 2021. Mais depuis rien n’a été ni voté ni annoncé, si ce n’est la déclaration du président de la Commission parlementaire des finances et du budget, Ibrahim Kanaan, à notre publication sœur anglophone, L’Orient Today, en juin, indiquant que « Le document est resté dans les tiroirs et n’a pas été transféré à la Commission ». Le même mois, le ministre des Finances, Ghazi Wazni, a annoncé travailler sur un projet de budget pour l’année 2022, contenant « des mesures et des réformes capables d’attirer l’aide étrangère ».

Le mois passé, le ministère des Finances a publié les chiffres relatifs aux finances publiques du mois de décembre, clôturant ainsi l’année fiscale 2020 avec un déficit en baisse de plus de moitié en glissement annuel, une performance qui est pourtant loin d’être liée à une amélioration de la gestion du pays. Le budget 2020 avait lui été voté le 27 janvier 2020 (soit en dehors...

commentaires (2)

C'est-à-dire, ils ont plus volé ou moins??

TrucMuche

19 h 27, le 21 juillet 2021

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Commentaires (2)

  • C'est-à-dire, ils ont plus volé ou moins??

    TrucMuche

    19 h 27, le 21 juillet 2021

  • comptabilite de polichinelles !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 22, le 21 juillet 2021

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