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Nos Lecteurs ont la Parole

Avaler la pilule amère

Je ne sais pas si les soi-disant dirigeants de ce pays se rendent compte de l’effet de la pénurie de médicaments sur la population qu’ils sont censés diriger.

Ce drame vient s’ajouter à tant d’autres que nous vivons, impuissants, depuis déjà deux ans. Mais ce drame a une autre connotation.

On peut rester sans dollars frais, sans essence, sans courant électrique, voire sans pain, mais on ne peut pas vivre sans médicaments.

Peut-on avoir plus irresponsables que ces moitiés d’homme qui nous gouvernent ?

Comment un président de la République peut-il dormir sur son oreiller le soir si tant de personnes n’arrivent plus à le faire par manque de somnifères, essentiels pour eux depuis des années ?

Comment un Premier ministre, démissionnaire ou nommé et récusé, peut-il se lever le matin et aborder sa journée alors que tant de personnes n’arrivent pas à régulariser leur tension artérielle ou leur taux de glycémie, par manque d’antihypertenseurs et d’antidiabétiques, pourtant vitaux ?

Comment un ministre de la Santé peut-il avoir une conscience tranquille alors que bon nombre de personnes n’arrivent plus à bien respirer faute d’antiasthématiques.

Et la liste est longue…

Aussi incompétents soient-ils tous, n’y aurait-il aucune personne responsable, de la chaîne de fabrication jusqu’à la vente des médicaments, qui puisse avoir assez de cœur pour ressentir ce que ressentent des millions de personnes privées de leur traitement ?

Nous, médecins, nous passons notre journée désormais au téléphone à changer les médicaments en génériques, les génériques en molécules proches afin de soulager un tant soit peu nos malades. On change le nom, la formule, la composition et jusqu’au dernier carbone pour trouver la plus proche des formules chimiques qui puisse encore convenir à nos malades désemparés.

Et toutes les marques de tous les pays sont utilisées. Du médicament iranien au médicament turc en passant par le médicament syrien !

Et même avec cela, nous n’y arrivons pas. Un réel danger guette nos concitoyens.

À qui se fier devant cette tragédie qui n’a que trop duré et qu’aucun responsable n’évoque avec sérieux et gravité ?

Comme à l’accoutumée, on trouve des solutions partielles, des médicaments acheminés par des proches venant de l’étranger. Mais est-ce une solution qui convient à tout le monde? Est-ce une solution durable?

Par ailleurs, le médicament par définition est un bien acquis pour tout le monde. La maladie, comme son traitement, ne connaît pas d’hommes ou de femmes traîtres, corrompus, 14 ou 8 Mars, du clan du tandem chiite ou du clan souverainiste. Tous ont besoin de médicaments pour vivre ou survivre. Toute une population est ainsi prise en otage par des responsables qui, eux, assurent leurs arrières et se gardent bien de se procurer leurs besoins nécessaires par tous genres de moyens.

Que dire à des patients souffrant de schizophrénie ou de trouble bipolaire, ayant acquis un équilibre, souvent précaire, par des moyens médicamenteux, et qui se retrouvent sous la coupe d’un arrêt obligé de traitement, qui peut être fatal et les faire rechuter gravement ?

Que dire à des patients souffrant d’angoisses multiples, à cause de cette crise aiguë que nous vivons, et qui n’arrivent plus à trouver ce qui peut les tranquilliser pour les sauver du marasme de leur vie ?

Que prononcer devant un patient qui vient me demander de prescrire juste ce qui peut apaiser ses douleurs, faisant fi du reste de ses très nombreux autres problèmes physiques et psychiques ?

Et que dire de toute une profession, des plus nobles, celle des pharmaciens, actuellement complètement à l’agonie ?

Dans le pays considéré comme la quintessence de ce que peut produire le monde de la médecine en Orient et dans le monde arabe, avoir une hémorragie de départs au niveau des médecins peut être encore accepté puisqu’il y a tant d’autres qui restent.

Un manque de lits dans les hôpitaux ? Soit. On peut le pallier en se traitant à domicile. Moins d’examens paracliniques ? Cela peut être toléré en ces moments durs, surtout si on les remplace par un examen minutieux du malade. Mais qu’un malade souffrant soit privé des pilules qui le sauvent, l’apaisent et le traitent, cela est inadmissible. Et qu’aucun prétendu responsable ne s’en offusque pour autant, cela est encore plus difficile à accepter.

Ce cri que je lance ne fera pas fléchir les cœurs endurcis de ceux qui tiennent si mal les rênes de notre pays. Le sens des responsabilités n’a jamais compté pour eux. Leur ignorance du bien du peuple et de la « chose publique » a toujours été leur marque de fabrique. Leur humanité a été maintes fois mise à l’épreuve et jamais elle n’a triomphé. Mais que l’on se taise, qu’on soit médecin ou non, devant l’opprobre d’un tel crime organisé, cela relève bien de la lâcheté. En nous laissant manquer de médicaments, on n’avalera pas facilement cette pilule amère !


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Je ne sais pas si les soi-disant dirigeants de ce pays se rendent compte de l’effet de la pénurie de médicaments sur la population qu’ils sont censés diriger. Ce drame vient s’ajouter à tant d’autres que nous vivons, impuissants, depuis déjà deux ans. Mais ce drame a une autre connotation.On peut rester sans dollars frais, sans essence, sans courant électrique, voire sans pain,...

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Oui, comment peuvent ils dormir !! Docteur B. Youssef

Bassam Youssef

12 h 12, le 24 juillet 2021

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Commentaires (1)

  • Oui, comment peuvent ils dormir !! Docteur B. Youssef

    Bassam Youssef

    12 h 12, le 24 juillet 2021

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