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Société - Reportage

Pour les expatriés, la peur de retrouver un autre Liban

À l’aéroport de Beyrouth, les membres de la diaspora arrivent les bagages remplis, mais l’esprit inquiet.

Pour les expatriés, la peur de retrouver un autre Liban

À l’aéroport de Beyrouth, les valises d’une famille d’expatriés. Photo Lyana Alameddine

À l’aéroport de Beyrouth, ce sont deux Liban qui se retrouvent désormais. Celui des locaux, appauvris, déprimés, épuisés. Et celui des expatriés, confrontés à la réalité d’un pays qu’ils ne reconnaissent plus, mais devenus en même temps sa dernière bouée de sauvetage, son seul oxygène dans un environnement des plus anxiogènes. Les valises pleines, ils ne sont pas venus pour certains depuis plus d’un an en raison de la pandémie. Alors avant les retrouvailles, l’émotion est à son comble.

Sarah, 60 ans, attend sa fille Dona qui vit à Dubaï. Elle ne l’a pas vu depuis deux ans. « Je lui ai dit de ne pas avoir peur et que tout ira bien, qu’il y avait tout ici », dit-elle en rigolant. « Quand tu as des dollars, tout est plus facile. » Mais en deux ans, les couleurs du pays du Cèdre ont bien terni. L’euphorie du soulèvement a laissé place à une gueule de bois généralisée, qui ressemble de plus en plus à une forme de dépression collective. Le pays accueille ses enfants de l’étranger dans les pires conditions : files d’attente aux stations d’essence, coupures d’électricité incessantes, et partout, à chaque coin de rue, dans chaque tête, l’omniprésence de la crise.

Dans la foule qui se trouve à l’extérieur de l’aéroport, les familles attendent leurs proches. Les chauffeurs de taxi se précipitent dès qu’un expatrié sort de l’aéroport espérant récupérer des devises, alors que la livre libanaise a déjà perdu plus de 90 % de sa valeur.

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Après avoir passé la douane, les passagers font la queue pour se soumettre à un test PCR, qu’ils soient vaccinés ou pas, avant de récupérer leurs valises remplies de médicaments, mais aussi de shampoing, de déodorants, de café, de chocolats... Devant le tapis roulant où déambulent les bagages en provenance de Dubaï, Youssef, 34 ans, attend patiemment. Il a quitté le Liban il y a six ans. « Je suis juste venu voir ma famille pour deux semaines, puis après je partirai en vacances. J’ai ramené deux valises, une grande pour les médicaments et une petite pour moi », dit-il. Selon le syndicat des importateurs de médicaments, une centaine sont en rupture de stock.

Une diaspora partagée

Waël, 32 ans, n’a pas mis les pieds au Liban depuis deux ans. On trouve dans sa valise de l’aspirine, du paracétamol mais aussi des antidépresseurs et des médicaments pour la tension artérielle. « Même chose pour moi », s’exclame Jad qui était dans le même avion. Waël compte aller à la plage en soirée et profiter de ce que le Liban a à offrir pour les « dollarisés », les seuls à pouvoir soutenir un tout petit peu une économie agonisante. « Je suis à la recherche d’un hôtel qui a du courant électrique », admet-il. Électricité du Liban et les propriétaires de générateurs rationnent sévèrement le courant. « C’est dur de voir qu’on en est arrivé là », avance Serena* qui a déménagé à Paris après l’explosion du 4 août. Cela fait 11 mois qu’elle n’a pas vu le Liban. « C’est assez émouvant. Nous savons que ça va être difficile, mais en même temps nous sommes contents d’être là pour voir notre famille », ajoute celle qui confie avoir quitté le pays pour ses enfants. « On a de la chance de pouvoir le faire mais j’aurais aimé avoir le choix », déplore-t-elle.

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Le membre fantôme

Près d’elle, des employés de l’aéroport partagent leur rêve de hijra. Les expatriés sont attendus de pied ferme par leurs proches, mais également par des responsables qui voient en eux l’opportunité de raviver l’économie. De l’autre côté de l’aile bagages, Simon* attend sa valise en provenance de Londres. « C’est insultant, ils nous forcent à quitter le pays en rendant les conditions de vie insupportables, ils ont ruiné notre économie, et maintenant ils s’attendent à ce que nous revenions pour injecter de l’argent dans leur système défaillant », s’emporte ce jeune homme de 28 ans. La diaspora est partagée entre le bonheur de voir ses proches et la peur de découvrir un autre pays. « Je crains d’avoir un choc », explique Ghia qui est entourée de ses enfants qu’elle a préparés émotionnellement. « On leur a dit que la situation était plus grave que l’année dernière. Mes parents me disent qu’ils n’ont jamais vu ça alors qu’ils ont vécu la guerre », s’inquiète cette femme de 47 ans qui vit à Dubaï. D’autres sont inquiets en raison de la hausse du taux de criminalité causée par la paupérisation de la population. « Mes amis qui sont venus pendant les vacances m’ont dit que je devais porter un sac en bandoulière en raison des vols. » Les larcins à l’arraché ont augmenté de 150 % entre fin 2019 et fin 2020. « J’ai l’impression que ça fait 10 ans que je ne suis pas venue. Ils m’ont dit que le Liban n’est plus celui que l’on connaissait », souffle Sossi. « On se sent coupable car nous pouvons dépenser notre argent alors que d’autres ne le peuvent pas. Je n’ai pas d’idée de budget, mais nous savons que maintenant 2 000 dollars peuvent nous aider à profiter pendant un mois, voire plus », avoue-t-elle. « On m’a donné 30 dollars et toi ? » demande, avec joie, un employé de l’aéroport qui est chargé de poser les bagages sur le chariot. « Moi aussi, un billet de 20 et de 10 », lui répond-il. Près d’eux, une famille compte ses valises en provenance de Paris. « Il en manque une », lance Lucie* à son mari. La dernière fois qu’ils sont venus, c’était au mois d’octobre 2019. « C’était inoubliable. On a espéré ce jour-là. Là, il n’y a pas d’espoir, plus rien », dit-elle le cœur lourd. « On doit y aller, le taxi est là », informe le mari. C’est la première fois qu’ils vont retourner à Achrafieh depuis la double explosion au port. D’ici à moins d’une heure, ils verront les bâtiments de leur quartier habillés d’échafaudages, certains toujours en ruines. Un peu comme le pays.

À l’aéroport de Beyrouth, ce sont deux Liban qui se retrouvent désormais. Celui des locaux, appauvris, déprimés, épuisés. Et celui des expatriés, confrontés à la réalité d’un pays qu’ils ne reconnaissent plus, mais devenus en même temps sa dernière bouée de sauvetage, son seul oxygène dans un environnement des plus anxiogènes. Les valises pleines, ils ne sont pas venus pour...

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LA PEUR DE RETROUVER UN AUTRE LIBAN ? NOUS LE SAVONS CHAQUE FOIS QUE NOUS VISITONS NOTRE PAYS QU,IL N,EST PLUS LE MEME. LES CRIMINELS SONT LES VENDUS AUX MOLLAHS DE L,IRAN ET CEUX QUI LEUR PROCURENT UNE COUVERTURE. MAIS NOUS REVONS ET NOUS PRIONS POUR QUE LE PAYS REVIENNE A CE QU,IL ETAIT AVANT L,AVENEMENT DES VENDUS ET DE LEURS PARAVENTS LES DEUX BELIERS DE L,APOCALYPSE.

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 17, le 09 juillet 2021

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Commentaires (2)

  • LA PEUR DE RETROUVER UN AUTRE LIBAN ? NOUS LE SAVONS CHAQUE FOIS QUE NOUS VISITONS NOTRE PAYS QU,IL N,EST PLUS LE MEME. LES CRIMINELS SONT LES VENDUS AUX MOLLAHS DE L,IRAN ET CEUX QUI LEUR PROCURENT UNE COUVERTURE. MAIS NOUS REVONS ET NOUS PRIONS POUR QUE LE PAYS REVIENNE A CE QU,IL ETAIT AVANT L,AVENEMENT DES VENDUS ET DE LEURS PARAVENTS LES DEUX BELIERS DE L,APOCALYPSE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 17, le 09 juillet 2021

  • Heureusement que j’ai été en juillet 2019…

    Eleni Caridopoulou

    01 h 19, le 09 juillet 2021

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