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Moyen-Orient - Éclairage

En Irak, Téhéran met de l’ordre dans ses affaires

Avant le scrutin législatif d’octobre, Téhéran veut assurer la bonne coordination au sein de la coalition paramilitaire d’al-Hachd al-Chaabi tout en utilisant la carte irakienne comme un moyen de pression contre Washington dans le contexte des négociations autour du nucléaire.

En Irak, Téhéran met de l’ordre dans ses affaires

Cette photo prise le 8 juillet 2021 montre une vue d’un véhicule détruit qui transportait des roquettes et des sacs de farine, dans le district d’al-Baghdadi dans la province d’al-Anbar. Quatorze roquettes ont été tirées le 7 juillet sur une base aérienne abritant des troupes américaines dans la province d’al-Anbar, faisant deux blessés légers, a indiqué la coalition. Ayman Henne/AFP

Le voyage n’est pas anodin. Selon le site irakien al-Aalam, le chef du renseignement au sein du corps des gardiens de la révolution iranienne (IRGC), Hussein Taieb, est arrivé à Bagdad le 6 juillet au cours d’une visite secrète durant laquelle il s’est entretenu avec le Premier ministre irakien, Moustafa Kazimi, ainsi qu’avec le chef officiel de la coalition paramilitaire pro-Téhéran d’al-Hachd al-Chaabi (PMF), Faleh el-Fayad, et avec son vice-président et leader de facto, Abou Fadek el-Mohammedawi. C’est la première fois que Hussein Taieb se rend en Irak dans le cadre de ses fonctions actuelles. Ces derniers mois, la tâche revenait souvent à Esmaïl Qaani, commandant en chef de la Force al-Qods au sein des IRGC et remplaçant de Kassem Soleimani – artisan de la mainmise grandissante de l’Iran sur l’Irak – à la suite de son élimination par un raid américain en juin 2020.

« Qaani peut déléguer comme n’importe quel autre chef militaire », commente Phillip Smyth, spécialiste des milices chiites au sein du Washington Institute. « Rappelons que l’IRGC est fermement ancré dans les cadres diplomatiques et de leadership en Irak. L’ambassadeur d’Iran en Irak en a fait partie pendant plus de 30 ans. Inclure un chef du renseignement dans ce mélange démontre que les Iraniens pourraient prendre un certain nombre de mesures plus secrètes », poursuit l’analyste.

Ces rencontres interviennent dans un contexte particulièrement troublé, marqué par la multiplication des attaques visant les intérêts américains dans le pays, avec, notamment, le recours à des missiles ou à des drones contre les bases de Washington à Erbil et à al-Anbar. À quoi s’ajoutent les négociations indirectes en cours à Vienne entre les États-Unis et Téhéran et qui, après plusieurs avancées, semblent à présent stagner. Sans compter la visite prochaine à la fin du mois de M. Kazimi à Washington et les élections législatives irakiennes prévues le 10 octobre.

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« Cette visite indique que l’Iran s’accroche toujours à l’Irak comme zone vitale, zone de mise en œuvre, et aussi comme carte de pression. C’est une visite qui s’inscrit dans cette habitude de mettre de l’ordre dans les dossiers internes de l’Iran à l’intérieur de l’Irak, d’autant plus que l’intifada d’octobre 2019 a beaucoup secoué Téhéran », commente Ihsan el-Shammari, directeur de l’Iraqi Center for Political Thought. « Par conséquent, il doit réorganiser sa position à l’intérieur du pays », résume-t-il. Le soulèvement populaire sans précédent né il y a presque deux ans dénonçait, entre autres, l’emprise de la République islamique sur l’Irak, perçu comme l’un des facteurs responsables de la corruption généralisée.

Escalade

D’après les sources contactées par al-Aalam, le chef du gouvernement irakien a informé Hussein Taieb qu’il discuterait du « calendrier du retrait américain lors de sa visite à Washington » tandis que le responsable iranien « a exigé que les élections se tiennent dans les délais ». Quant aux entrevues avec Faleh el-Fayad et Abou Fadek, de son nom de guerre, elles se seraient portées sur le développement militaire d’al-Hachd al-Chaabi ainsi que sur la nécessité de « contrôler les factions indisciplinées et de les dissuader d’actions individuelles » tout en exhortant les milices à répondre « en représailles à toute frappe américaine (...) ».

À couteaux tirés depuis l’assassinat de Kassem Soleimani et d’Abou Mahdi al-Mohandis, ex-leader de facto des PMF, Washington et Téhéran traversent actuellement une zone particulièrement turbulente. Fin juin, des avions de combat américains ont ciblé des positions à la frontière irako-syrienne, visant deux factions au sein des PMF, Kataëb Hezbollah et Kataëb Sayyed al-Chohada, et tuant quatre combattants. Cette frappe est la seconde du genre contre la coalition paramilitaire depuis l’arrivée à la Maison-Blanche de Joe Biden en janvier 2021. Elle est survenue dans le sillage d’attaques au drone par des brigades pro-Téhéran contre des positions américaines à Erbil, dans le Kurdistan irakien. La riposte milicienne ne s’est pas fait attendre. Entre le 28 juin et le 7 juillet, au moins six attaques à la roquette et au drone ont été dirigées contre des intérêts américains. Pour certains commentateurs, il s’agit tout simplement d’une guerre non déclarée qui, de surcroît, place Moustafa Kazimi dans une situation délicate, incapable de soutenir ou de s’opposer frontalement à l’un ou à l’autre.

Officiellement, les manœuvres de la République islamique et de ses supplétifs en Irak sont justifiées comme un moyen de pression pour pousser Washington à retirer ses troupes du pays. En avril dernier, ce dernier avait confirmé dans le cadre de la reprise du dialogue stratégique avec Bagdad sa volonté de redéployer ailleurs ses soldats encore présents en Irak. Leur nombre s’élève, à ce jour, à environ 2 500 contre près de 6 000 en 2016. Mais les pourparlers techniques entre les deux interlocuteurs doivent à présent aboutir à la consolidation d’un plan pour ce retrait et les accompagner d’un calendrier précis. Ils se heurtent par ailleurs à plusieurs défis : la crainte d’un départ précipité qui livrerait entièrement le pays à l’Iran et la résurgence de l’État islamique. Téhéran semble cependant également avoir recours au terrain irakien comme un moyen de pression sur les États-Unis pour accélérer le rythme des discussions autour du deal sur le nucléaire et de l’allègement des sanctions économiques qui lui sont imposées. La visite de Hussein Taieb vise aussi à une meilleure coordination des actions des PMF. Depuis l’élimination de Kassem Soleimani et d’Abou Mahdi al-Mohandis, les milices se déchirent plus ouvertement autour des ressources disponibles en termes de fonds, d’influence et d’armements. Le leader de la puissante faction Assaïb Ahl al-Haq, Qaïs al-Khazaali, s’est par exemple à plusieurs reprises exprimé ces derniers mois pour souligner le caractère nationaliste de son combat et une plus grande autonomie vis-à-vis de Téhéran. Pour beaucoup d’analystes, il s’agit surtout là d’une stratégie dans le but de contraindre l’Iran à lui accorder plus d’importance.

Pour mémoire

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« Il y a certainement des problèmes de commandement depuis le meurtre d’Abou Mahdi el-Mohandis et de Kassem Soleimani. Mais l’Iran a construit un vaste réseau de groupes au cas où il perdrait le contrôle, avance M. Smyth. L’autre question est de quel type de perte de contrôle nous parlons. L’IRGC a donné des conseils aux groupes irakiens pour attaquer les Américains et, pour la plupart, ces groupes sont restés fidèles à cette stratégie. »

À l’approche du scrutin législatif d’octobre, beaucoup de contestataires irakiens ont d’ores et déjà fait leur choix : ils ne se rendront pas aux urnes. Une nouvelle loi électorale a pourtant été ratifiée à la fin de l’année dernière, augmentant le nombre de circonscriptions électorales et desserrant ainsi l’emprise sur le pouvoir des partis politiques bien établis, dont beaucoup sont soutenus par la République islamique. Le climat de peur qui pèse sur les manifestants – à travers notamment les campagnes d’assassinats – ainsi que la prise en otage du pays par les tensions irano-américaines sont un moyen pour Téhéran et ses alliés de décourager leurs opposants à aller voter. « La visite de Hussein Taieb s’explique aussi par la volonté d’organiser ces élections, de soutenir les alliés de Téhéran, d’autant plus qu’il s’agit d’une personnalité qui a développé des relations remarquables avec des leaders politiques chiites », observe Ihsan el-Shammari.

Le voyage n’est pas anodin. Selon le site irakien al-Aalam, le chef du renseignement au sein du corps des gardiens de la révolution iranienne (IRGC), Hussein Taieb, est arrivé à Bagdad le 6 juillet au cours d’une visite secrète durant laquelle il s’est entretenu avec le Premier ministre irakien, Moustafa Kazimi, ainsi qu’avec le chef officiel de la coalition paramilitaire...

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TEHERAN MET L,ORDRE CAD SEME LE BORDEL.

LA LIBRE EXPRESSION

15 h 25, le 09 juillet 2021

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Commentaires (1)

  • TEHERAN MET L,ORDRE CAD SEME LE BORDEL.

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 25, le 09 juillet 2021

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