Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Stabilité relative, malgré tout

Le pays n’a jamais été aussi stable. Inutile d’être grand devin ou fin politicien ou expert géopolitique en stratégie régionale pour le deviner ! C’est clair comme de l’eau de roche. Plusieurs éléments corroborent cette théorie. Malheureusement, ils ne sont perçus que vicieusement et avec une mauvaise foi certaine.

Mes chers compatriotes, libaniais, libaniaises,

Parlons un peu comme les comédiens et les magiciens (pas ceux d’Aznavour, les vrais, les authentiques, les 100 % produits locaux, ceux dont la valeur augmente autant que les produits alimentaires), bientôt, les élections législatives. Voilà ! Première bonne nouvelle ! Nous nous plaignons de cette caste de dirigeants corrompus asservis aux devises étrangères qui, comme les canards ou les cigognes, ont émigré en 2019 à l’arrivée des grands froids vers le soleil enivrant de Gstaad ou les doux rayons revigorants du lac Léman. Nous avons promis nous aussi de ne plus les réélire. Nous voulons du sang neuf, un peu comme Dracula. Et là, tataaaa, fanfare, clairon, trompette, cor de chasse, nous lâchons les jeunes loups et autres éperviers dans l’arène des grands pour leur prendre leurs sièges. Ils se déchaînent, ils sont fous, font leur promo sur les réseaux sociaux, dans les bars, les bistrots, les trous de verdure, et s’en vont par monts et par vaux plaider leur cause auprès d’une population qui leur criera : « Vous avez raison ! Nous sommes des vôtres ! » Et vlan ! Du coup ! Le changement, c’est maintenant ! Yes we can ! Le Liban du renouveau et de la maturité arrive. Après tout, les meilleurs vins doivent sortir des vieilles barriques. À défaut de barriques, les bourricots assoiffés de pouvoir croiront que le tour est joué et que c’est leur tour de jouer les David Copperfield de la résurrection. Mais paf ! Le jugement tombe comme un couperet. On reprend les mêmes et à défaut d’huile pour huiler les moteurs de la république, on utilisera du vinaigre blanc plus économique pour nettoyer les toilettes.

Conclusion : ils leur ont menti et les ont suivis jusqu’au pas de la porte seulement. Après, au garde à vous et Ave César, les tribuns du Nord, du Sud, de la Békaa et de Beyrouth reprennent possession de leurs troupes. Ave César ! Morituri te salutant. Nous sommes les gladiateurs du futur et nous mourrons pour notre chef et comme nos chefs, nous avons promis et nous avons menti et nous nous sommes menti en partant de manifestations en sit-in, de cris à de vains pleurs, d’analyse logique aux raisonnements illogiques. Tout ça pour quoi ? Pour une histoire qui inlassablement se répète. Si ce n’est pas de la stabilité ça…

Et puis bon, hein, la situation économique… Ça va, faut pas en faire toute une salade. Nous sommes dans les choux, c’est très bien. D’ailleurs, le pain a encore augmenté. Les biscottes aussi, même Marie-Antoinette en crèverait de rage. Aujourd’hui, j’étais à la boulangerie et la caissière me dit que, bientôt, je devrais sortir une liasse de billets pour payer mon pain. Elle est bien bonne ! Ben oui ! La farine n’est plus subventionnée, celle des pâtisseries. C’est un dollar à 15 500LL. Et alors? Au moins, il est stable dans la démesure. À l’instar de la démesure des Libanais qui, après quelques mois de confinement, se sont relancés à faire la fiesta dans les pubs et restaurants et à aller moisir dans toutes les maisons d’hôtes et hôtels des stations huppées durant leurs week-ends. Il paraît qu’il n’y aurait plus de places pour l’été. Le dollar à 15 500 LL vous m’avez dit ? Qui s’en fout ? Le Libanais est stable dans son désir de renaissance et ne veut aucunement se laisser abattre. Et ne me dites pas qu’il s’agit uniquement de 3 ou 5 % de la société. Les gens économisent pour leurs soirées de beuveries et les jeunes (les autres aussi d’ailleurs, ne lésons pas seulement cette frange de la société) s’abandonnent nonchalamment à cette alcoolémie titanesque, cette gigantesque party où rien ne manque et où les rires gras et les histoires salaces se mélangent à des fumées hagardes lâchant des volutes enchanteresses et tentantes. Tout n’est que le signe de la stabilité dans le renouveau.

Et puis arrêtez de vous plaindre du manque de responsabilité politique avec l’absence de volonté de former un gouvernement. Une chose est sûre : pour une fois, ils sont stables dans leurs avis. Personnellement, je trouve que pour l’avenir, s’il y aura une décision à prendre, ils sauront être des hommes. Non qu’ils ne l’étaient pas jadis, loin de là, mais maintenant le concept de suivre une ligne claire et bien définie est bien creusé dans leurs esprits. Et puis bon ! Au final, c’est le peuple qui paye. Comme toujours ! C’est un gage de stabilité dans les faits. Ils ont trouvé que les produits alimentaires ne constituaient pas un moyen de divertissement assez fort pour nous faire oublier leurs frasques et leurs entêtements, ils ont inventé le manque d’essence et de mazout. Prochaine étape, c’est quoi? Suspense, suspense. Nous vivons un continuel suspense. Encore une preuve de stabilité. Alors, la dernière blague qu’un des politologues d’opérette m’a sortie est qu’en octobre, une fois que l’axe irano-syrien sera aligné sur les sanctions franco-américaines et que tout sera levé, le Liban vivra une ère de prospérité sans pareille car c’est le plus beau pays du monde, le plus merveilleux, le pays de la fantasmagorie et du rêve où il fera bon vivre et que le vent chaud qui arrive d’Égypte ne nous ramènera pas de sable, comme à chaque fois, mais des dollars. Mais oui ! Rien que ça! Cela dit, les poules auront plus rapidement des dents et les éléphants roses continueront de voler. C’est ce qu’on appelle la stabilité dans les débats aux idées péremptoires qui n’aboutissent strictement à rien. En conclusion, avec un pays aussi stable, elle n’est pas belle la vie ?

Allons, allons, souriez un peu. Tout ça n’en vaut pas la peine. Vivez simplement et riez quand vous le pouvez car vous le pouvez encore.

Riez ! Riez ! C’est bon pour la santé et puis, une chose est sûre : ça vous coutera moins que 15 500 LL.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Le pays n’a jamais été aussi stable. Inutile d’être grand devin ou fin politicien ou expert géopolitique en stratégie régionale pour le deviner ! C’est clair comme de l’eau de roche. Plusieurs éléments corroborent cette théorie. Malheureusement, ils ne sont perçus que vicieusement et avec une mauvaise foi certaine.Mes chers compatriotes, libaniais, libaniaises,
Parlons un peu...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut