Désormais établi aux États-Unis, mais de passage au Liban, le jeune couple a décidé pour la première fois depuis le mariage de tenir une conférence de presse à Beyrouth pour s’exprimer sur le sujet. L’occasion pour les deux Libanais de dénoncer notamment « le harcèlement administratif du ministère de l’Intérieur ». « Nous sommes deux Libanais qui se sont rencontrés à la faculté de droit (aux États-Unis) et qui ont décidé de se marier civilement sur le territoire libanais », a résumé Abdallah Salam lors d’une conférence organisée au Club de la presse, à Furn el-Chebback. « Aujourd’hui, nous demandons la finalisation de l’inscription de notre mariage civil et la remise de notre extrait d’état civil familial », a ajouté Marie-Joe Abi Nassif. Celle-ci a rappelé qu’avec son époux, ils ont choisi de biffer leur appartenance religieuse de leurs registres d’état civil et que cela a été possible grâce à une circulaire émise en 2009 par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Ziyad Baroud. Ce dernier assistait d’ailleurs à la conférence de presse en signe de soutien.
« Obstruction illégale »
En choisissant d’effacer leur appartenance à une communauté, Abdallah et Marie-Joe sont donc de ceux « qui n’appartiennent à aucune communauté », et leur mariage doit être soumis à une loi civile, selon l’article 10 de l’arrêté n° 60/L.R. pris le 13 mars 1936. En avril 2013, le premier mariage civil conclu sur le territoire libanais, celui de Khouloud Succariyé et Nidal Darwiche, avait fini par être inscrit à la suite de deux avis favorables provenant de la commission de législation et de consultation au ministère de la Justice. Depuis, treize mariages civils conclus au Liban ont été inscrits avant que Nouhad Machnouk, alors ministre de l’Intérieur, ne décide en 2015 de donner un coup d’arrêt au processus, affirmant qu’il est impossible d’enregistrer les mariages civils contractés au Liban en raison de l’absence d’un cadre législatif adéquat.
Malgré le droit, les précédents et l’avis de la commission du ministère de la Justice, l’Intérieur s’abstient aujourd’hui de finaliser l’inscription du mariage de Abdallah et Marie-Joe. Or, selon l’arrêté numéro 60, l’Intérieur se doit de transférer le certificat du mariage du « sejel el-wared » (registre de réception) au « sejel el-tanfiz » (registre d’exécution) dans un délai de 24 heures. Plus de deux ans plus tard, cela n’a toujours pas été fait.
Les deux jeunes gens accusent donc la direction générale du statut personnel de retenir « délibérément » leur extrait d’état civil familial. « Par cette obstruction illégale, le ministère de l’Intérieur semble déterminé à infliger un préjudice matériel et moral à nos personnes, malgré la validité légale de notre mariage », écrivent les deux époux dans un communiqué de presse distribué à l’issue de la conférence. « Notre combat avec le ministère de l’Intérieur a commencé il y a deux ans et il sera long », promet Marie-Joe Abi Nassif. « Nous savions que ce combat n’allait pas être facile », ajoute-t-elle.
L’Intérieur attend une réponse depuis 2015
Entre les mains de Abdallah se trouve une lettre qu’il décrit, avec un brin de cynisme, comme étant « terrible ». En effet, après des demandes persistantes du couple, représenté par l’avocat Hassane Rifaat, afin de connaître le sort du dossier, le général Élias Khoury, directeur général du statut personnel, a fini par leur répondre, le 10 octobre 2019. Dans une lettre que L’Orient-Le Jour a pu consulter, le général Khoury affirme qu’il a choisi d’« attendre, le temps que le ministère de la Justice réponde (à des questions) à ce sujet ». Dans ce même courrier, le général Khoury précise qu’il attend des réponses du ministère à un document qui lui a été remis il y a bien des années, le 2 mars 2015.
Pour Abdallah et Marie-Joe, « il est clair qu’il s’agit là d’un prétexte du ministère de l’Intérieur pour fuir ses responsabilités ». Ils dénoncent aussi le fait de n’avoir pas pu consulter le document envoyé à la Justice. « Une simple lettre n’a pas pour effet juridique de dispenser son auteur de toute obligation ou de suspendre les droits des citoyens – et certainement pas pour une durée supérieure à cinq ans », affirment-ils encore.
La Justice répond
Mais dans le dossier de ce couple déterminé à faire prévaloir ses droits, figurent aussi des lettres du ministère de la Justice qui leur donne confiance et force.
Après avoir reçu la réponse d’Élias Khoury, Abdallah et Marie-Joe se sont tournés le 13 juillet 2020 vers le ministère de la Justice. Dans une lettre envoyée deux semaines plus tard, la ministre, Marie-Claude Najm, se réfère alors aux deux avis de la commission de législation et de consultation du 12 février et du 4 avril 2012 et affirme que, selon ces avis, il est « possible de conclure des mariages civils au Liban et de les enregistrer dans les registres civils ». Mme Najm ajoute aussi que ces avis « contiennent toutes les réponses aux questions portant sur cette affaire », et qu’ils ont été donnés de manière « claire, qui ne laisse place à aucune interprétation ou ambiguïté ». La ministre rappelle aussi que c’est sur la base de ces avis que le ministère de l’Intérieur a « enregistré plusieurs contrats (de mariage) dans les registres civils ». À deux reprises, le ministère de l’Intérieur a reçu la réponse de celui de la Justice. Une fois le 13 août 2020, de la part de Abdallah et Marie-Joe, et une seconde fois le 2 novembre 2020, de la part de ce ministère. « Vu la réponse claire du ministère de la Justice, l’obstruction illégale de la direction générale du statut personnel est devenue de plus en plus flagrante », dénonce le couple, qui assure qu’« en huit ans, la Justice a confirmé au moins quatre fois la légalité des mariages civils conclus au Liban ».
Affaire à suivre… devant les tribunaux ?
Contactée par L’Orient-Le Jour, la ministre sortante de la Justice, Marie-Claude Najm, a indiqué avoir été « très claire » dans son courrier qui reprend les précédents avis consultatifs. « Il n’y a aucune ambiguïté », dit-elle. Elle souligne toutefois que, si les choses restent en l’état, une décision de justice rendue à la demande des intéressés s’imposerait à l’administration.
À L’Orient-Le Jour, le jeune couple déclare se sentir « victorieux ». « Avec le document du ministère la Justice que nous avons entre les mains, le ministère de l’Intérieur n’a plus de raison valable pour ne pas finaliser l’inscription de notre mariage », dit le jeune homme. Pour lui et son épouse, « la direction générale du statut personnel porte gravement atteinte à un droit fondamental qui est celui de se marier et qui est celui de pratiquer sa liberté de conscience ». Si le ministère de l’Intérieur « ne cesse cette obstruction illégale », le jeune couple se réserve le droit d’intenter une action en justice devant les tribunaux libanais ainsi que les instances internationales. « Personne n’est au-dessus de la loi », martèle Abdallah. « Peut-être qu’ils pensent que nous allons nous lasser, arrêter de venir au Liban réclamer notre droit, mais nous allons continuer à le faire », assure Marie-Joe.
Le général Élias Khoury était injoignable jeudi.
Abdallah et Marie-Joe assurent avoir « longue haleine ». « Il n’y a pas de raccourcis dans un chantier de reconstruction d’un pays », souligne la femme. Il est important pour eux de ne pas laisser tomber ce dossier, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils n’ont pas conclu un autre mariage civil à l’étranger. « Je sens une obligation de continuer ce combat, dit Abdallah. C’est une façon de traduire les idéaux de la révolution d’octobre 2019. »
Les religieux de notre pays ( et c’est valable pour toutes les confessions) bouffent à tous les râteliers. Non seulement ils exigent de l’argent pour chaque acte accompli et surtout pour les divorces et annulations de mariage qui ne se comptent plus depuis un certain temps et pour lesquels ils demandent des sommes astronomiques, mais en plus ils reçoivent des aides de l’état à hauteur de millions par année. Comment voulez-vous qu’ils tuent la poule aux œufs d’or en acceptant un droit civique reconnu par le monde civilisé et pour lequel les libanais ne se battent pas suffisamment, occupés par d’autres batailles hautement plus importantes puisqu’il y va de leur survie et on ne peut pas les plaindre vu leurs conditions de vie depuis des décennies. Depuis que les nuls ont pris le pouvoir, à chaque fois que les libanais descendent dans la rue pour réclamer leur droit le plus élémentaires on leur agite le chiffon de la discorde et de la guerre civile. Procédons alors par priorité. Chaque chose en son temps.
12 h 01, le 27 juin 2021