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Société - Reportage

À Batroun, chez les pro et les anti-Bassil

Le leader du CPL est loin de faire l’unanimité dans sa ville natale.

À Batroun, chez les pro et les anti-Bassil

Le siège du Courant patriotique libre, à Batroun. Photo Lyana Alameddine

Au coin d’une rue, un bâtiment en vieilles pierres, où le drapeau du Courant patriotique libre (CPL) est hissé à côté de celui du Liban, tandis que deux photos de Gebran Bassil habillent les vitres du rez-de-chaussée. Dans le quartier général du parti à Batroun, une bande de partisans papotent tout en fumant une narguilé. « La révolution, c’est nous ! » s’emporte un homme, canette de bière à la main, dès l’instant où l’on évoque les rapports compliqués entre le leader du CPL et les manifestants du mouvement de contestation né en octobre 2019. Une blonde à lunettes appelle dans la foulée un responsable du bureau de presse avant de couper court à la conversation. Dans la ville du gendre du président Michel Aoun, les interlocuteurs sont le plus souvent sur la défensive dès lors que l’on prononce le nom du leader du CPL.

C’est à Batroun que, la semaine dernière, dans un restaurant chic au bord de mer, une jeune femme nommée Yasmine Masri a été, selon ses dires, brutalisée par les gardes du corps du chef du CPL après avoir invectivé ce dernier. « Le temps des insultes sans réponses est révolu », a réagi le parti dans un communiqué de presse, qui rejette par ailleurs la version de la jeune femme.

Pour mémoire

Altercation entre Gebran Bassil et une femme dans un restaurant à Batroun

Pendant des mois, ils ont serré les dents à chaque fois que les protestataires s’en prenaient à l’homme le plus détesté de la révolte du 17 octobre aux rythmes du hela hela ho. Mais les pro-Bassil sont désormais bien décidés à répliquer. En suivant la stratégie du chef, le triptyque provocation-intimidation-victimisation. « Comme par hasard, la MTV était présente. C’était une mise en scène », lance une partisane d’un quarantaine d’années devant un snack situé à quelques minutes du bureau du CPL, en référence à l’interview donnée par Yasmine Masri à la « chaîne ennemie ». La femme aux cheveux couleur aubergine préfère ne pas répondre aux questions sur son za’im « adoré ». Une autre partisane du chef chrétien connu pour avoir insulté Nabih Berry en le traitant de « voyou » reproche à la jeune femme de ne pas s’être comportée « d’une façon féminine ». « Elle s’est fait du tort en l’insultant et pas l’inverse », dit-elle, tout en tenant sa lecture du jour sur la Vierge Marie. Les supporters sont sur la défensive. « Tu accepterais que quelqu’un t’insulte chez toi ? » lance Kanaan, la quarantaine. Pour lui, le problème, c’est Saad Hariri (le Premier ministre désigné), Nabih Berry (le président du Parlement) et les États-Unis. Tout, en somme, sauf Gebran Bassil. « Si seulement chaque politicien avait accompli ce que Gebran a fait ici, ce serait le paradis au Liban », lance-t-il, en souriant à pleines dents.

« Ici tu ne trouveras personne qui ne l’aime pas »

Comme beaucoup de pro-Bassil, Kanaan a très mal vécu les deux dernières années qu’il assimile à un complot contre le mandat Aoun. « Nous avons supporté les insultes, l’humiliation et nous n’avons pas répliqué. Bassil était l’unique cible de cette thaoura politisée. » Le numéro un du CPL a été sanctionné par les États-Unis pour corruption en novembre 2020. Pour ses partisans, c’est l’insulte suprême, alors que le discours aouniste a fait de la lutte contre la corruption le cœur de sa rhétorique politique depuis des années. « Que l’on me montre des preuves », réplique Kanaan devant un commerce.

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Après avoir échoué à deux reprises, Gebran Bassil a été élu député en 2018, grâce à une loi électorale plus favorable et à son alliance, à l’époque, avec le chef du courant du Futur Saad Hariri. « Ici, tu ne trouveras personne qui ne l’aime pas », affirme Kanaan. « Bassil a beaucoup fait pour Batroun. Ici, il y avait des serpents, des insectes... regarde comme c’est propre maintenant. Il a créé des emplois », assure un homme qui se dit pro-Sleiman Frangié (chef des Marada), devant sa maison du vieux souk, en ponctuant chacune de ses phrases d’une gorgée d’arak.Une vision qui est pourtant loin de faire l’unanimité dans la ville du gendre du président où de nombreux commerçants ont les poils qui se hérissent à la simple évocation de son prénom. « J’espère qu’on en finira avec lui dans un an », s’emporte Jihad qui avait pourtant voté pour lui en 2018. « Il nous menace, il veut nos propriétés et c’est comme ça qu’il achète les gens », fulmine un homme d’une trentaine d’années qui tient un mini-marché dans le vieux souk.

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Pas évident toutefois de s’en prendre au zaïm dans son fief. « Si tu n’es pas avec lui à Batroun, tu ne peux rien faire. Il fait pression sur tous ceux qui sont contre lui, de la même façon qu’il a forcé le père de Yasmine Masri à présenter ses excuses », assure un homme assis à l’intérieur de son commerce vide. Mardi dernier, le père de la jeune femme, Habib Masri, s’est rendu au domicile de Gebran Bassil pour demander pardon au nom de sa fille qui n’a pas manqué de réagir sur Twitter : « Personne ne peut présenter d’excuses à ma place. » « C’est sûr que son père a agi sous la pression. Mais est-ce normal qu’il demande pardon à la place de sa fille ? Elle ne peut pas parler pour elle-même ? » s’énerve une dame d’une cinquantaine d’années, en train de se faire pomponner dans un salon de coiffure. En s’en prenant à Gebran Bassil, Yasmine Masri est devenue, le temps d’un instant, le porte-voix de la colère populaire aux yeux de tous les détracteurs de l’ancien ministre des Affaires étrangères. « L’une des conséquences positives de la révolution est que les voix se sont libérées. Une jeune citoyenne désarmée et courageuse a pris à partie l’homme fort du pays », commente le politologue Karim Émile Bitar.

« Nous sommes la majorité chrétienne »

Sur la marina de Batroun, Pierre et Karim, âgés d’une cinquantaine d’années, discutent de bateaux. Le premier est contre toute la classe politique mais a reçu des aides de la part de Gebran Bassil au début de la crise, tandis que le second se dit « aouniste ». Une fois que le prénom du gendre du président est prononcé, Karim s’agace très vite. Pour lui, Yasmine Masri est « une menteuse ». « Comment peut-elle faire partie des révolutionnaires et se permettre de manger là-bas ? Elle n’a pas faim comme nous », s’emporte-t-il. Convaincu que son leader agit pour défendre l’intérêt des chrétiens, il a des arguments pour justifier le blocage de la formation du gouvernement malgré la crise économique qui s’abat sur le pays et qui a entraîné plus de la moitié de la population sous le seuil de pauvreté. « Nous sommes la majorité chrétienne, c’est à nous de nommer les ministres. » Gebran Bassil avait promis de l’électricité 24h/24, mais « ils ne lui ont pas donné de l’argent. Ils ne l’ont pas laissé travailler », persiste Karim qui vient pourtant d’admettre quelques secondes plus tôt que le parti était en position de force grâce à sa majorité au Parlement. D’un ton solennel, Pierre réplique : « Quand tu ne peux pas faire ton travail, tu démissionnes. » Son interlocuteur, un peu déboussolé, finit par répondre : « Dans notre pays, tu y crois vraiment ? »

Au coin d’une rue, un bâtiment en vieilles pierres, où le drapeau du Courant patriotique libre (CPL) est hissé à côté de celui du Liban, tandis que deux photos de Gebran Bassil habillent les vitres du rez-de-chaussée. Dans le quartier général du parti à Batroun, une bande de partisans papotent tout en fumant une narguilé. « La révolution, c’est nous ! » s’emporte un...

commentaires (15)

en ts cas hariri, lui l'avait bel et bien adopte -et fortement- en 2018, lui assurant des milliers de voix sans lesquelles pti gendre -le pov- encore une fois aurait ete malmene par les Batrouniotes eux meme.

Gaby SIOUFI

12 h 26, le 20 juin 2021

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Commentaires (15)

  • en ts cas hariri, lui l'avait bel et bien adopte -et fortement- en 2018, lui assurant des milliers de voix sans lesquelles pti gendre -le pov- encore une fois aurait ete malmene par les Batrouniotes eux meme.

    Gaby SIOUFI

    12 h 26, le 20 juin 2021

  • "… chez les pro et les anti-Bassil …" - les uns Bassil, et les autres pas, quoi…

    Gros Gnon

    07 h 36, le 20 juin 2021

  • Aucune objectivité dans ce reportage .et vous nous l'avez bien fait sentir

    Hitti arlette

    22 h 04, le 19 juin 2021

  • La MTV se trouvait par hasard devant le resto avec le caméraman. Ouf comme le hasard est curieux C'est dire que vous nous prenez pour de vrais imbéciles

    Hitti arlette

    21 h 56, le 19 juin 2021

  • Vous nous avez tous rebattu les oreilles à force de répéter le nom G. Bassil le gendre de ...celui qui a épousé la fille de . Vous l'avez suivie jusqu'à son village pour nous raconter qu'il ne fait pas l'unanimité dans son fief .

    Hitti arlette

    21 h 53, le 19 juin 2021

  • Yasmine Masri serait décorée de la légion d'honneur si elle vivait dans un pays civilisé. Invectiver un leader politique attablé au restaurant, lui qui est accusé de corruption par le premier État du monde, les États-Unis, est un honneur pour Yasmine Masri et je lui dis du fond du coeur "continuez chère Madame !".

    Un Libanais

    21 h 02, le 19 juin 2021

  • Comment être pro une espèce de sorte de zaïm qui s’est tellement enrichi depuis 2005?

    TrucMuche

    19 h 42, le 19 juin 2021

  • Les "pros" de ces zaims ont tous un prix.

    Christine KHALIL

    17 h 06, le 19 juin 2021

  • Belle maison. Ils l'ont eu comment? Ca ce serait du journalisme.

    Mago1

    15 h 28, le 19 juin 2021

  • "… Nous sommes la majorité chrétienne …" - habibi dans votre cas ça s’écrit sans h et avec un seul e et un seul n à la fin…

    Gros Gnon

    14 h 26, le 19 juin 2021

  • IL Y A TOUJOURS DES BREBIS GALEUSES QUI MANGENT HEUREUSEMENT L,AVOINE QU,IL LEUR SERT DANS L,ETABLE POUR LUI SERVIR DE GORILLES AU PROPRE SENS DU MOT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 17, le 19 juin 2021

  • Pour avoir échoué aux élections , il a été nommé ministre en son temps! Quelle république de bouffons !

    LeRougeEtLeNoir

    09 h 51, le 19 juin 2021

  • C’est la stratégie du CPL depuis sa création : diviser la rue chrétienne en clans rivaux pour l’affaiblir totalement. Ensuite il se présente en défenseur des droits des chrétiens en s’alliant avec ceux qui veulent les trois tiers (chrétien,sunnite,chiite) à défaut de pouvoir imposer la république islamique au Liban. Les partisans du CPL sont soit des anti FL soit des personnes qui profitent financièrement du CPL mais personne n’est partisan du CPL par conviction

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 13, le 19 juin 2021

  • Batroun? Batrounais! Basilolatres.

    Zampano

    03 h 41, le 19 juin 2021

  • "… Si seulement chaque politicien avait accompli ce que Gebran a fait ici, ce serait le paradis au Liban …" - en tout cas la photo, qui montre l’enchevêtrement chaotique des câbles électriques devant le siège du parti de celui qui a contrôlé le Ministère de l’Énergie pendant toutes ces années, est très parlante…

    Gros Gnon

    02 h 17, le 19 juin 2021

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