Depuis les premières heures du matin, hier, les médias étaient mobilisés pour couvrir la journée de grève et de manifestations décrétée par la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL) et appuyée par les partis politiques. En raison de la violence des échanges entre Baabda et le CPL d’un côté, Aïn el-Tiné et le courant du Futur de l’autre, certains craignaient des dérapages et même des frictions entre les groupes de manifestants. Mais, comme par miracle, la longue journée de mobilisation s’est plutôt bien déroulée. Des routes ont été fermées le matin avant d’être rouvertes quelques heures plus tard et aucun incident notoire n’a été signalé. Est-ce à dire que les protagonistes ont réussi à contrôler leurs manifestants ?
Des sources politiques bien informées affirment que le Hezbollah a en réalité pesé de tout son poids auprès de ses alliés en conflit, pour que la journée d’hier se déroule sans incident majeur. Les contacts se seraient en effet multipliés mercredi soir jusque tard dans la nuit pour calmer autant que possible le jeu entre les partisans du président de la Chambre et ceux du CPL, sachant que Berry s’est chargé de discuter avec Hariri.
Amal et le CPL ont donc réussi à pousser le Hezbollah à intervenir, mais le fond du problème n’est toujours pas réglé. Depuis l’éclatement au grand jour du conflit entre Aoun et Berry, le Hezbollah est en effet sollicité par les deux camps. Berry et ses partisans d’une part et Bassil et les siens d’une autre lui demandent avec insistance de prendre position en leur faveur. Cette situation est la même depuis l’élection de Michel Aoun à la présidence de la République le 31 octobre 2016, lorsque la séance parlementaire avait traîné en longueur et l’opération de vote avait dû être répétée à trois reprises avant que le compte ne soit bon. Ce jour-là, les partisans de Aoun avaient laissé entendre que Berry avait tenté d’obtenir le report du scrutin en poussant certains députés à mettre plus de bulletins qu’il n’y avait de membres du Parlement, mais la polémique avait été rapidement circonscrite à la demande pressante du Hezbollah.
Moins de deux ans plus tard, en janvier 2018, il y a eu l’incident du « baltaji » (voyou en dialecte égyptien), lorsque dans une réunion interne, Bassil avait utilisé ce terme pour qualifier le président de la Chambre. Une vidéo de cette réunion avait circulé sur les réseaux sociaux, provoquant la colère des partisans d’Amal qui se sont déployés dans la rue, autour du siège principal du CPL à Mirna Chalouhi. Là aussi, le Hezbollah avait dû intervenir pour empêcher les frictions entre les partisans des deux camps.
Entre ces incidents qui auraient pu dégénérer, les relations entre le camp Aoun-Bassil et Berry n’ont jamais été cordiales, voire de tout repos. Mais le Hezbollah s’était fait une raison, essayant de se tenir à l’écart. Tout en ne prenant pas parti avec l’un contre l’autre, son principal souci est d’éviter que les divergences entre eux ne constituent une menace pour la sécurité et la stabilité du pays. Pourtant, régulièrement, chacun des deux camps se plaint de l’autre et demande au Hezbollah de trancher.
La situation s’est aggravée avec la crise politique prolongée qui s’accompagne de graves problèmes économiques, sociaux et monétaires. Pour Bassil et son camp, Berry assume une grande responsabilité dans cette situation, d’abord en protégeant, directement ou non, ce qu’on appelle « le système de corruption », et ensuite en accordant un appui indéfectible au Premier ministre désigné Saad Hariri qui, aux yeux du CPL, n’est pas le candidat idéal pour procéder aux réformes exigées actuellement. Par contre, pour Berry et son camp, sous couvert de rejet de Saad Hariri, Bassil veut renverser les équilibres établis depuis Taëf et restituer ce qu’il appelle les droits des chrétiens, à n’importe quel prix, même celui de la stabilité interne, en suscitant un malaise au sein de la communauté sunnite qui pourrait se traduire en frictions confessionnelles sur le terrain.
Face à ces deux positions contradictoires, le Hezbollah a cherché, au cours des derniers mois, à éviter de se prononcer ouvertement, essayant autant que possible de ménager la chèvre et le chou. Il n’intervient en fait que lorsque les conflits menacent de déborder sur le terrain, tout en déclarant publiquement qu’il n’a aucune envie de s’impliquer dans les sables mouvants de la politique interne.
Au cours des bientôt cinq années déjà écoulées du mandat Aoun, le Hezbollah a donc réussi à temporiser, poussant toujours vers des trêves entre ses deux alliés.
Mais la crise politique se prolongeant, les positions se sont radicalisées. Pour Bassil et son camp, Hariri ne veut pas former de gouvernement, il fait tout pour prolonger les tractations à ce sujet et c’est Berry qui le protège, soit pour prendre sa revanche sur un mandat dont il n’a pas voulu, soit pour empêcher Aoun d’enregistrer des résultats sur le plan de la lutte contre la corruption. Par contre pour Berry, c’est Bassil qui entrave la formation du gouvernement pour imposer ses conditions. Des voix du CPL ont publiquement appelé le Hezbollah à intervenir et Berry et Hariri ont appelé à la manifestation d’hier. Le Hezbollah a donc été contraint d’intervenir pour calmer le jeu. Mais aucune décision de fond n’a été prise... En attendant la prochaine crise.
commentaires (14)
Résumé rapide pour vous economiser le temps de lecture : dans le jardin d'enfants régi par le Hezb les gosses se chamaillent et détruisent la baraque et les meubles. Le Hezb à quand même sauver certains meubles qui lui permettront de renvoyer tous ces malfrats chez leurs créateurs pour s'accaparer tout seul de l'endroit! .... A suivre....
Wlek Sanferlou
18 h 44, le 18 juin 2021